À 78 ans, France Castel s’ouvre sur l'acceptation de vieillir

Laurence Labat

Michèle Lemieux

2022-10-24T18:35:46Z

France Castel n’a toujours pas fini de nous surprendre. Quarante-six ans après son dernier album, la comédienne et chanteuse effectue un retour sur disque et nous propose un opus de chansons originales, tel un bilan de vie. À 78 ans, celle qui a maté ses démons jette un regard lucide et pacifié sur ses forces et ses limites, et semble ne plus avoir de temps à perdre. Une manière d’être qui a de quoi inspirer.

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France, quelle joie de vous savoir de retour sur disque après 46 ans!

C’est la covid qui a permis cela, de même qu’une bourse de Diane Juster et de la SPACQ, puisque j’ai été honorée à titre d’interprète l’année dernière. Ça m’a donné un peu de sous pour faire des expériences en studio. Pour une fois, j’ai pu choisir mes chansons, trouver mes auteurscompositeurs. J’ai fait une espèce de bilan avec la chanteuse... et cela permet aux autres de faire la même chose! (rires) 

Ressentiez-vous encore l’envie de partager des choses avec les gens?

Oui. J’ai passé ma vie à attendre après les autres. En publiant mes livres et en présentant mes conférences, j’ai réalisé que les gens me suivaient. Mon cheminement leur permet de faire le leur. Et je n’avais pas fini de dire des choses à travers la chanteuse. 

Laurence Labat
Laurence Labat

Faire ce dont on a envie, quel que soit notre âge, c’est un fort bel exemple à suivre...

Oui! Tant qu’on est en vie, on peut toujours oser, être libre de nos choix et avancer. Ce que je vis et ce que je dégage, ça inspire des gens qui me suivent. 

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Connaissons-nous quelqu’un qui a mis quatre décennies entre deux albums?

(Rires) Je l’ignore! Qui oserait faire un album à 78 ans et après 46 ans? 

Vos chansons sont-elles inspirées de la femme que vous êtes?

Je les ai choisies ou elles ont été écrites pour moi. On berce nos démons m’a vraiment assommée. C’est comme faire la paix avec nos démons intérieurs: au lieu de leur en vouloir, on choisit de les bercer. Tendre comme une Pauline parle de notre finalité. Autour de moi, beaucoup de personnes très proches sont mortes depuis deux ans. Plus on vieillit, plus des gens partent. Ça nous rapproche de notre propre fin. D’autres chansons sont plus rigolotes. Le premier extrait, Liberté ma bien-aimée, est lié au sens de ma vie. J’ai un très beau tableau sur lequel on voit un bateau bien ancré... mais toujours prêt à partir! (rires) C’est un bilan de ma vie en chansons. Un bilan de l’amour. L’amour profond, l’amour-passion, l’amour éternel. La pièce Le temps fou dit: «Je veux continuer à danser»; ce qui se traduit par «Je veux continuer à vivre». Chaque chanson offre une possibilité d’introspection. Il y en a même une sur le jeu, le poker, le bluff. Je n’ai pas triché sur mes choix. 

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Ni dans la vie, d’ailleurs...

Parfois, on essaie, mais ça ne fonctionne pas. Il faut être honnête, surtout face à soi-même. Une vie ne se bluffe pas. Elle se vit avec tout ce que ça comporte d’excitant et de moins drôle. 

Laurence Labat
Laurence Labat

Quel constat faites-vous sur votre parcours?

Je fais régulièrement des bilans. Le constat est le suivant: «My God! J’ai toute une vie!» (rires) Ma vie, c’est comme du cinéma! Il faut dresser le bilan de notre parcours pour être en paix et continuer. Quels que soient les défis, il paraît qu’on vit ce qu’on est capable de vivre. 

Votre parcours fait-il de vous une femme particulièrement forte?

Avec moi, ça passe ou ça casse... Ce que j’aime rappeler, c’est qu’il n’y a pas d’âge pour être vivant. Profitons-en! On ne sait pas ce qui va nous arriver. Ce n’est pas nous qui décidons de tout, mais pendant qu’on vit, soyons vivants, le plus longtemps possible et tant qu’on le peut. Il faut changer l’image du vieillissement. Plein de gens vieillissent bien, mais on nous montre souvent le contraire. Il faudrait équilibrer un peu les choses. Rester présente dans le métier à mon âge, c’est audacieux, comme faire un CD à mon âge. Des gens m’arrêtent pour me dire que ça leur fait du bien de me voir. Ils se sentent représentés. 

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Chanter et jouer à 78 ans, c’est quand même extraordinaire!

Oui, et cette année, j’ai eu de beaux rôles, notamment un dans le film Tu te souviendras de moi, d’Eric Tessier. De plus, je joue dans la série pour enfants L’île Kilucru et aussi dans Après le déluge. Je serai de la série Fragments, de Serge Boucher. Le ciel est bon pour moi, car il me donne ce qu’il faut pour que je puisse, disons, continuer à vivre. Je pense qu’il y a plusieurs façons d’être actif. Cela appartient à chacun. 

Diriez-vous que vous continuez à réaliser vos rêves? 

Ce n’est pas tant des rêves que j’ai; je dirais que j’obéis à l’énergie. J’agis. Je n’avais pas le rêve de faire un disque. Le rêve, c’est de rester vivante et d’utiliser tous les moyens d’expression dont je dispose et de m’y tenir jusqu’à ce que la vie me donne la possibilité de réaliser des choses. C’est curieux à dire, mais je ne suis pas quelqu’un qui a rêvé à grand-chose... Je suis obéissante. 

Photo : / Collection personnel
Photo : / Collection personnel

Pourtant, on vous perçoit tellement comme une rebelle...

(Rires) Oui, je suis pas mal rebelle! La docile et la rebelle ont cohabité. Avant, j’étais en rébellion contre moi-même. Aujourd’hui, la rébellion ne se manifeste plus contre moi ni personne. C’est autre chose. Avec le temps, il faut juste changer le sens de la rébellion. Alors, je ne suis plus le même genre de rebelle. L’être, c’est ne pas abdiquer. J’aime dépasser les tabous. J’aime tous les genres d’êtres humains. Je ne juge pas. J’aime embrasser l’humanité. J’ai mes fragilités comme tout le monde. Certaines choses me font sortir de mes gonds, mais ce n’est pas si énorme que ça. 

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Avez-vous développé une certaine compassion?

Oui. On commence par se l’offrir à soi-même et, par la suite, c’est plus facile de l’offrir aux autres. Qu’est-ce qu’il me reste à devenir? Un meilleur être humain. À un certain âge, c’est ce qu’on veut. Pour être en paix avec notre humanité. Quel que soit notre âge, on peut toujours redonner. Ce qui compte, c’est ce savoir qu’on a et qu’on peut faire rayonner. À travers ce qu’ils sont, les mamies, les papis, les gens âgés peuvent être de bons exemples. 

À 78 ans, êtes-vous fière de ce que vous êtes?

Mon âge est comme un trophée. Chaque année, je me dis que j’ai un an de plus. Quand je célèbre un an de plus, je trouve ça formidable! Je me dis que j’aimerais rester vivante, mais ne pas trop décrépir. Je suis chanceuse. Je suis encore pertinente, toujours en santé, je suis capable de marcher et de manger. 

Est-ce qu’on finit par accepter de vieillir un jour?

On a intérêt à accepter de vieillir, car il y a des choses qui ne se rattrapent pas! Sinon, on passe notre vie à essayer de rattraper des choses qui ne sont plus là et qui ne seront plus jamais là. Dans ce cas, on ne vit pas, on vit mal. Il faut accepter l’idée qu’avec l’âge on a des deuils à faire chaque année. Et c’est correct! Parfois, il m’arrive de me dire: «Oh boy! Cette année, j’ai pogné un coup de vieux! (rires)» Jusqu’à l’âge de 65 ans, ça peut être charmant de dire qu’on vieillit, mais après ça, ce n’est plus drôle... Alors, on a intérêt à faire la paix avec cette réalité. 

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La perspective de la finalité vous donne-t-elle envie de profiter de la vie au maximum?

Oui! Quand on voit que ce cadeau peut nous être enlevé rapidement, avec des souffrances ou non, mieux vaut se dire que tant qu’on a la vie, il faut la vivre pleinement. Et malgré le négatif, il faut rayonner le positif pour équilibrer les choses. 

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Il faut rayonner pour sa propre famille aussi.

Croyez-vous être une inspiration pour vos enfants et vos petitsenfants? Ça, c’est une bonne question... Ça dépend de l’enfant, ça dépend du petit-enfant. Ça dépend des blessures de chacun. Oui, je marque quelque chose chez eux aussi, mais comment le vivent-ils? Chacun pourrait répondre différemment, et c’est la vie. Moi, j’essaie d’être authentique. C’est ce que je veux dégager auprès de mes enfants et de mes petits-enfants, avec tout ce que ça comporte. C’est à eux de faire leur chemin. Moi, je ne peux plus le faire pour eux. 

Il y a des choses qu’on apprend avec le temps...

Sur ce plan aussi, on ne peut pas rattraper le passé. Quand je vais partir, mes enfants ne seront pas vraiment surpris et n’apprendront pas vraiment grand-chose sur moi, car ils me connaissent. Ce qui est important, c’est de pouvoir dire que notre mère était franche et honnête. Je n’ai pas été une mère parfaite... Je pense qu’ils n’ont jamais douté de mon amour, peu importe la façon dont il s’est exprimé. Ce n’est pas mon chemin, c’est rendu leur chemin. Je suis là pour eux, pour les accompagner, bien sûr, et je serai toujours là s’ils ont besoin de moi. 

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Laurence Labat
Laurence Labat

Mais, France, s’il n’y a pas de parent parfait, faut-il rappeler qu’il n’y a pas d’enfant parfait non plus?

(Rires) C’est très juste! La vie, c’est une longue suite d’expériences. Quand on n’en aura plus à vivre, on ne vivra plus... 

Parmi vos grandes réussites, mentionnons votre vie amoureuse, qui se poursuit depuis une bonne une vingtaine d’années...

Oui. Ça fait 22 ans que je suis avec mon Chawky. Justement, à force d’accepter que l’amour-passion a ses limites et qu’il faut nécessairement entrer dans une autre forme d’amour, ça peut fonctionner. J’ai fait le deuil de certaines choses, entre autres que personne ne peut être la solution pour moi. J’ai aussi fait celui de l’amour fusionnel. Je suis dans un amour différent, plus profond. Je ne connaissais pas ça. C’est pour cette raison que ça dure. Avant, je vivais la passion, la fusion... Mais chaque fois, au bout de deux ou trois ans, ce n’était plus cela. Avec Chawky, c’est comme ça aussi que tout a commencé, mais nous avons appris à passer au travers. C’est probablement pour ça que nous avons réussi à durer. Chacun a sa recette. Ç’a été la mienne. Nous sommes encore profondément liés et nous pouvons dire que nous nous aimons encore. 

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C’est formidable, quand même!

Oui, je me sens privilégiée de vieillir à côté de quelqu’un que j’aime. Nous nous soutenons. Je pense beaucoup à ceux qui vieillissent seuls et qui ne souhaitaient pas ça. Je crois que c’est une chance de ne pas vieillir seul. 

Vivez-vous toujours à la campagne avec votre amoureux?

Oui. Comme j’ai beaucoup travaillé, j’étais souvent à Montréal. Je me suis demandé si nous avions bien fait de vendre, mais aussitôt que je reviens à la campagne, je me rends compte que c’est là que je veux être. C’est une vie branchée sur la nature.

L’album éponyme de France Castel sera disponible dès le 28 octobre sur toutes les plateformes et en format CD. France joue dans le prochain film d’Eric Tessier, Tu te souviendras de moi, qui prendra l’affiche partout au Québec le 4 novembre. Elle joue aussi dans l’émission jeunesse L’île Kilucru, à Télé-Québec, du lundi au vendredi à 17 h 30, et à Radio-Canada, à 6 h 30. Elle est également de la distribution de la fiction Après le déluge, qui sera sur les ondes de Crave en décembre.

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