Produits menstruels réutilisables: deux femmes d'affaires lancent une pétition pour offrir une aide financière

Deux entrepreneures d'ici sont en mission pour défaire le tabou entourant les menstruations et offrir une alternative écologique aux tampons et aux serviettes jetables. Elles demandent aussi aux municipalités une aide financière pour les consommatrices.

Courtoisie : Mme L'Ovary

Mickael Destrempes

2020-01-09T03:30:00Z
2023-10-12T23:12:41.450Z

Les images de marées de bouteilles en plastique et de tortues avec une paille coincée dans la narine ont réussi à en conscientiser plusieurs sur l’urgence de modifier leurs habitudes de consommation liquide.  

Or, quand vient le temps d’aborder la pollution provenant des produits d’hygiène féminine jetables, un petit malaise s’installe. Le tabou demeure fort, comme une espèce d’omertà menstruelle.       

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Un sondage rapide auprès de femmes de mon entourage me fait vite comprendre que ce n’est pas un sujet très populaire. Mais le problème environnemental se fout de ce qui est malaisant.        

Selon certaines estimations, on jetterait environ 45 milliards de tampons et de serviettes par année. À Montréal seulement, cela représenterait jusqu’à 1422 tonnes par année.       

Une entreprise ambitieuse     

Avec leurs culottes et leurs serviettes réutilisables, Olivia et Érica, les cofondatrices de Mme L'Ovary, se sont donné la mission de mettre de l’avant le concept de «menstruation positive» pour mieux affronter l’enjeu.   

Leur produit au design très joli (n’étant pas un expert en mode, j’ai consulté des copines pour confirmer) est bien simple.       

Il s’agit d’une culotte de coton avec une protection intégrée et trois serviettes amovibles faites de tissus absorbants et anti-fluide. Le tout vient dans un petit sac de transport en tissu anti-fluide.     

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Leur apparition aux Dragons, les conférences qu’elles donnent et le bouche-à-oreille ont permis à leur entreprise de connaître une croissance impressionnante, même si elle demeure très nichée.       

Mais le dévouement à la cause des deux femmes d’affaires dépasse grandement l’atteinte de résultats financiers.      

À la mi-janvier, elles présenteront un mémoire afin de promouvoir l’idée d’une aide financière gouvernementale aux femmes qui optent pour des produits écologiques.   

Le raisonnement économique derrière une telle mesure est la suivante: au lieu de payer pour enfouir des déchets (tampons et serviettes), les municipalités pourraient utiliser ce montant pour inciter à ne pas en créer davantage.      

Pour appuyer leur opération #sangdéchet, elles ont aussi lancé une pétition qu’on peut signer ici.        

Changer les mentalités: un défi qui ne leur fait pas peur      

Je suis en chemin pour rencontrer Érica, l'une des instigatrices du projet, quand je croise une amie. Je l'informe du sujet de mon reportage et elle me répond: «AAARK. OK. BYE.»      

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Je mentionne l’anecdote à Érica. Elle ne s’en offusque pas.     

  «On a tellement été drillées à consommer des tampons et des serviettes que c’est une réaction normale. Dans l’énergie qu’on crée autour de Mme L'Ovary, on ne culpabilise pas les utilisatrices de produits jetables. Ce que je leur dis c’est: voici un outil vraiment cool. Essaie-le et après tu m’en donneras des nouvelles.»      

Sur les réseaux sociaux, on peut voir des commentaires de femmes sceptiques auxquelles d’autres répondent avec des phrases du genre: «Je pensais comme toi, mais maintenant je ne retournerais pas en arrière.»      

Érica croit aussi en l’importance d’impliquer les hommes dans la conversation: «Dans les conférences qu’on fait sur le cycle menstruel, les gars sont très attentifs et ouverts. On ne se gêne pas pour aller dans le concret. Parce que parfois, ils voient ça négativement par simple incompréhension. Quand tu ne sais pas ce qu'il y a dans le garde-robe, tu te mets à penser qu’il y a un monstre.»     

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 Son enthousiasme d’ancienne prof de yoga et sa façon complètement décomplexée d’aborder le sujet font d’elle une ambassadrice drôlement inspirante.       

Dans un monde où les factions activistes de tous côtés semblent se raidir et opter pour la confrontation, elle fait preuve d’une ouverture et d’une patience désarmante. Quand elle parle des éléments liés au concept de menstruation positive, on perçoit un réel désir de favoriser le dialogue avec les sceptiques.      

Sur ce thème, elle aborde évidemment l’environnement, mais la santé est un autre pilier tout aussi crucial. Une ancienne collègue au Journal avait d’ailleurs publié un récit troublant à propos de sa mère qui avait passé huit jours dans le coma à cause d’un tampon.  

Érica ajoute: «Et il y a le confort et la dignité. C’est un élément un peu plus difficile à expliquer. Mais le fait d’avoir quelque chose en matières synthétiques et jetables entre les jambes, ça peut contribuer à l’idée que les menstruations c’est sale et honteux. On associe aussi le sang menstruel à une odeur forte. Mais cet inconfort-là provient principalement du contact entre le sang et les matières synthétiques.»       

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«À l’inverse, avec un produit qui te met plus en contact avec ton corps, ça permet de voir que c’est plus propre qu’on pense.»      

Après quelques heures à discuter avec Érica, j’ai été tenté d’acheter un kit de Mme L'Ovary à ma mère et à ma sœur pour Noël.       

Mais j'avoue que j'ai pas osé.       

Mais qui sait, avec la passion et le travail d'éducation d’Érica, de sa partenaire et de leur équipe, peut-être que l’an prochain, ce sera un cadeau des plus banals... et avec un rabais offert par le gouvernement!       

Pour signer la pétition, c'est ici! 

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