Airbnb l’effrontée

Airbnb a du front tout le tour de la tête.
Airbnb a du front tout le tour de la tête. Capture écran tirée de Twitter
Photo portrait de Antoine Robitaille

Antoine Robitaille

2020-04-10T09:00:00Z

Airbnb nous prend vraiment pour la première syllabe du mot contribuable. 

Elle a compris dès le début de la pandémie que son commerce serait durement affecté. Inquiétude légitime et compréhensible : toute l’industrie touristique, de provenance interne comme internationale, est mise sur pause et pour longtemps. 

Ainsi, le 17 mars, la maison mère de ce géant du web expédiait une lettre pleine de doléances fiscales à plusieurs ministres fédéraux. (À Québec, on n’a rien reçu.) 

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Selon ce que rapportait Radio-Canada hier, Airbnb réclamait des allègements fiscaux afin d’aider ses hôtes canadiens. Notamment de cesser de percevoir la TPS et la TVH (TVQ au Québec). 

Ce n’est pas tout. L’entreprise demandait en plus une «réduction du taux d’imposition» (!), un «report d’un an du paiement de la taxe fédérale». Enfin, elle proposait un élargissement de l’accès à l’assurance-emploi pour les «travailleurs non traditionnels», comme les hôtes Airbnb». On vous fait couler un bain en plus? 

Collaborative? 

Airbnb est une des entreprises phares de l’économie dite «collaborative». Celles-ci sont très pratiques, il faut l’admettre. Et souvent très efficaces. Ce pour quoi on les utilise. 

Mais elles ont hérité de l’ADN libertarien des débuts du web. Pour décrire ce code génétique, j’aime parler de «l’esprit de 1996». Cette année-là, le parolier des Grateful Dead, John Perry Barlow, pionnier de l’internet, rédige une pompeuse Déclaration d’indépendance du cyberespace : «Gouvernements du monde industriel, vous, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du Cyberespace, le nouveau domicile de l’esprit. Au nom du futur, je vous demande à vous qui êtes le passé de nous laisser tranquilles.» 

Plusieurs des géants numériques ont, depuis un quart de siècle, fonctionné selon cet esprit. Pensons à Uber. Ils ont tout fait pour contourner les règlements et les lois. 

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Avec l’avantage comparatif de la dématérialisation combiné à leur efficacité décuplée grâce aux téléphones polyvalents, ils ont amassé des tonnes de fric... qu’ils ont caché dans des paradis fiscaux. 

Airbnb a ainsi un siège social américain, paie ses impôts sur ses revenus américains. Mais curieusement, elle a aussi un autre siège social, Airbnb International, situé en Irlande. On peut donc présumer qu’elle a su profiter des règles fiscales complaisantes du pays du trèfle, qui font sourciller la Commission européenne. C’est par là que les profits internationaux peuvent aller croître sous le soleil d’un paradis fiscal. Si Airbnb avait pu aller en bourse cette année, on en aurait peut-être su un peu plus sur ses finances. 

J’ai tenté d’obtenir des réactions officielles aux propositions culottées d’Airbnb. Rien. Un membre d’une officine gouvernementale m’a toutefois texté : «C’est plutôt comique comme demande :)» 

Catastrophe 

Comique, le mot est gentil. À partir de janvier 2019, le Québec a forcé quelque 150 entreprises numériques à percevoir la TPS-TVQ. Airbnb a tardé à obliger ses hôtes à le faire. Le gouvernement de la CAQ a dû resserrer encore les règles pour qu’Airbnb obtempère. 

Comme bien des géants du web atteints du sentiment de supériorité du numérique, on levait le nez sur l’État. 

Puis, quand la catastrophe frappe, on vient lui quémander de l’aide. Rien de très honorable. On peut même, pour rester gentil, parler d’effronterie.

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