Bruno Pelletier se dévoile dans une biographie

Daniel Daignault

2022-09-17T13:00:00Z

Parce que Bruno Pelletier n’a pas l’habitude de se confier, la parution de sa biographie, présentée sous forme d’entretiens avec l’auteur Samuel Larochelle et accompagnée d’un album, est un événement en soi. Le chanteur raconte son parcours, des pans de sa vie et de sa carrière, des anecdotes, mais dévoile aussi, pour la première fois, qu’il a longtemps eu le syndrome de l’imposteur et qu’il travaille d’arrache-pied pour toujours être à la hauteur des attentes.

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ANDRÉANNE GAUTHIER
ANDRÉANNE GAUTHIER



Bruno, l'une des choses les plus étonnantes de ce livre est qu'on découvre que Bruno Pelletier est un homme anxieux...
Je l’ai toujours été et je n’en ai jamais parlé. Il y a un CD de chansons qui est lié aux thèmes du livre: cet album se trouve à être la bande sonore de cette biographie. L’un des thèmes abordés est mon anxiété quasi maladive. Dans la première phrase, je chante: «Je suis le plus grand», puis je faisunepauseetj’enchaîneavec:«Leplus grand des imposteurs vivants.» C’est vraiment pensé pour que le monde se dise: «Bien voyons donc, qu’est-ce qu’il dit là?» C’est pour accrocher l’oreille, parce que ma façon de chanter et ma façon de me préparer ne représentent pas nécessairement l’image du gars que je décris dans le livre.      

En lisant ta biographie, je me disais par moments que tu me faisais penser à Normand Brathwaite, toujours nerveux avant de monter sur scène. Est-ce le cas?
J’ai fait Beau et chaud un jour, et à un moment donné, on m’a dit ça à propos de Normand. Ça m’a fait la même chose que ça fait à tout le monde, car je n’avais pas cette image de Normand quand je travaillais avec lui. Je me dis qu’on est peut-être plusieurs dans ce cas, mais on n’est pas beaucoup à le verbaliser clairement. Je n’ai jamais voulu en faire un thème d’entrevue, j’ai toujours gardé ça pour moi et je me disais que, dans la bio, c’était peut-être le moment d’expliquer ça. J’ai 60 ans, je n’ai plus rien à prouver. Avant, j’avais beaucoup à prouver, ce n’était pas le temps de commencer à me mettre en danger. Les seuls qui voyaient vraiment comment j’étais, c’était ma famille et surtout mes blondes. Encore maintenant, une des expressions que je déteste le plus lors des premières est: «Amuse-toi!» Je n’ai jamais eu de fun les soirs de première, et c’est encore comme ça aujourd’hui.      

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Tu ne vivais pas l’excitation et le plaisir d’avoir une première de spectacle à ton agenda?
Pour moi, c’est une épreuve. Je suis maintenant un peu plus calme, j’ai appris à maîtriser tout ça et à me connaître. Je sais aussi comment me préparer pour minimiser les impacts physiques et psychologiques. J’ai appris à le faire sur des années, mais il demeure que, lors des premières, quand on arrive sur scène et qu’on voit 3000 personnes, on se dit que les 3000 nous jugent. C’est comme ça quand on réfléchit trop. Après, il faut qu’on se parle, qu’on s’enlève ça de la tête, et ça demande une certaine préparation. J’ai toujours comparé le métier qu’on fait avec celui des athlètes. Pour moi, il y a trois niveaux: la préparation psychologique, la préparation physique — il faut que je sois en forme pas à peu près pour jouer dans Notre Dame de Paris — et la préparation vocale. Les trois de front, ça se fait des mois à l’avance. Il y a des gens qui peuvent t’aider pour ton alimentation, ton entraînement, et il existe aussi des coachs de chant. J’ai appris ça au fil des ans. Il ne faut pas oublier que je suis un self-made man. Je ne suis pas allé à l’École de théâtre Lionel-Groulx ou au Conservatoire, j’ai appris sur le tas. Quand j’ai fait la première de Notre Dame de Paris à Londres ou à Paris, j’ai eu des vertiges, j’avais des sueurs. À mes yeux, c’était impossible de passer à travers. 

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ANDRÉANNE GAUTHIER
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Dirais-tu que l’anxiété et la peur t’ont empoisonné la vie et empêché d’avoir du plaisir?
Oui, ça m’a empêché d’avoir du fun dans les premières de spectacles, mais après, ça va, j’ai du plaisir à faire ce que je fais. Le stress est lié aux événements importants. C’est encore comme ça quand je fais de la télé, comme à En direct de l’univers. Même si c’est une chanson que je connais, comme c’est en direct, avant d’y aller, le cœur se met à me débattre. C’est comme ça, ça ne part pas. Par contre, ça se contrôle mieux à cause de l’extrême préparation que je fais.

D’où crois-tu qu’elle vient, cette anxiété?
Je pense que c’est juste génétique, peut-être du côté de ma mère, je suis venu au monde de même. Je ne suis pas un enfant de la balle, je ne suis pas quelqu’un qui est né dans le milieu de la chanson. Plus jeune, il y avait le sport et la musique, et, à un moment donné, la musique a pris le dessus. Ç’a été tout un concours de circonstances, et le syndrome de l’imposteur est là depuis le début. Longtemps, je me suis dit que le succès n’était pas pour moi. 

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Vraiment?
Quand Starmania et Notre Dame de Paris sont arrivés, j’étais rendu à Paris en train de chanter, et ça m’a pris du temps à réaliser que c’était moi qui étais là. J’ai longtemps été très humble par rapport au succès que j’avais. J’avais de la misère à concevoir que j’avais pu me rendre là. Aujourd’hui, ça s’atténue parce que je me dis que je gagne bien ma vie et que le téléphone sonne tous les jours. Il y a quelque chose qui fait que j’ai le droit d’être là; j’ai mérité ma place et je travaille comme un fou. Il faut simplement que je sois conscient de ma place dans ce show-business et que je l’apprécie. J’en ai parlé à Daniel Lavoie, qui est sur Notre Dame de Paris. Quand on va saluer ensemble la foule à la fin du show, on reçoit une incroyable charge émotive du public. Quand on sort de scène, on se serre dans nos bras en se disant que notre métier est un «crisse» de roller coaster («montagnes russes»). On n’a pas tout le temps des highs comme celui-là, alors on en profite en masse. Ça rentre direct dans le cœur, et on se dit toujours: «My God! On vit encore ça!» Daniel et moi avons encore de l’émerveillement. Ça fait 40 ou 50 ans qu’on fait ce métier-là, mais on vit toujours cette charge d’amour du public avec stupéfaction.

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Collection personnelle
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En somme, tu ne lésines jamais sur les efforts pour être tout à fait prêt lorsque tu montes sur scène?
Exactement. Par exemple, en janvier 2023, je travaillerai aux Folies Bergère, à Paris, sur une nouvelle comédie musicale: Al Capone. Je vais jouer le rôle d’Eliot Ness avec Roberto Alagna, le plus grand ténor français de l’heure. Déjà, ils m’ont vu travailler pour la présentation promotionnelle et ils connaissent mon éthique de travail. Pour moi, c’est important: si on engage Bruno, on ne se cassera pas la tête, il va être à l’heure et il va être prêt. Ce n’est pas schizophrénique: je viens du monde du sport, des arts martiaux, et j’applique ça dans mon travail. Ça fait en sorte que si tu viens me voir avec ta blonde, que tu as payé tes billets 300 $, en plus du stationnement et ton souper, disons que ça t’a coûté 500 $, alors je ne veux pas te décevoir.

Les spectateurs d’ici et d’ailleurs savent que tu livres la marchandise chaque fois que tu montes sur scène, non?
Raison de plus pour me préparer comme je me suis préparé! Il n’y a pas juste Notre Dame de Paris; je fais la même chose pour un show de Noël que je prépare depuis le début d’août. Je suis comme ça, je travaille en amont et je mets ça dans mon agenda. C’est un peu militaire, mais c’est ma façon de combattre mon anxiété. C’est le chemin que j’ai trouvé pour m’amuser un peu les soirs de première ou les soirs importants.      

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Tu parlais de tes blondes; est-ce qu’elles ont eu de la difficulté à composer avec ton anxiété?
Non, en général, elles comprenaient parce qu’elles étaient dans mon intimité et que je leur en parlais. Je restais dans ma bulle, et elles me laissaient tranquille. Les deux femmes que j’ai mariées et les blondes que j’ai eues avaient tendance à me demander ce qu’elles pouvaient faire pour m’aider. En fait, elles ne pouvaient pas vraiment m’aider, simplement me laisser être dans ma tête. 

Comment en es-tu arrivé à décider de te raconter dans ce livre?
Ça a pris du temps pour que je me convainque de le faire. Ça ne me tentait pas pantoute, mais je suis tombé sur un bon gars, Samuel Larochelle, qui connaissait bien ma carrière. Il me connaissait tellement bien qu’il a réussi, en réalisant des dizaines d’entrevues, à coups de deux, trois heures chaque fois, à me faire dire des affaires. Tu me connais, je ne voulais pas faire du potin, du name-dropping, et il a tout respecté. Il a réussi à m’amener dans des zones sur lesquelles je ne m’étais pas encore trop livré. Par pudeur, parce que je suis comme ça, mais aussi parce que ce n’était pas dans l’air du temps, à l’époque, de montrer une certaine vulnérabilité. Je te dirais que mon gérant, Paul Lévesque (décédé en janvier 2020) le savait, mais il ne le vivait pas nécessairement à côté de moi avec tout ce que ça impliquait. Dans sa tête, j’étais un grand chanteur et j’allais passer à travers, comme toujours... Or quand on en est rendu à vomir dans une poubelle avant de monter sur scène et qu’on tombe dans les pommes, il y a quelque chose qui ne va pas. Samuel s’y est pris à trois reprises pour me convaincre de faire ce livre, et je ne le regrette pas du tout. De la façon dont on a fait ça, ce n’est pas une biographie standard, et il y a aussi le CD, alors c’est devenu un très beau projet. 

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Tu veux me parler des autres chansons qu’on trouve sur cet album?
Il y a une toune sur ma mère, une sur mes vieux potes quand on a commencé à faire de la musique ensemble, une chanson sur ceux que j’ai perdus, Paul, Danièle Molko, Boris Orlov. Ils m’ont beaucoup aidé dans ma carrière, et je les ai perdus au cours des cinq dernières années. J’ai écrit pour eux la chanson qui a pour titre Avec mes géants. Il y a une chanson sur le deuil d’une relation amoureuse inspirée de ma dernière femme qui reste ma meilleure amie pour la vie. Il y a aussi des chansons sur le commencement d’un nouvel amour.

Est-ce qu’on va retrouver ces chansons de l’album dans ton prochain spectacle?
Non, car j’ai beaucoup de travail à venir. D’abord, je termine Notre Dame de Paris et, comme le CD vient avec un livre, il n’y a pas de tournée rattachée à ça. J’en fais simplement la promotion. Je vais continuer la tournée de mon spectacle Sous influences, qui a été repoussée à cause de la covid et qui se termine en décembre. Après ça, je fais mes shows de Noël avec mon quatuor piano-cordes. L’année prochaine, je fais mon spectacle avec l’OSM pour le 20e anniversaire et, en janvier, je m’en vais à Paris pour le projet Al Capone dont je t’ai parlé. Je vais passer tout le printemps là-bas pour la création de Capone avant de revenir au Québec. En 2023, ce sera aussi le 25e anniversaire de l’album Miserere et je sortirai un vinyle avec une tournée Miserere anniversaire, ce qui va m’amener jusqu’en 2024. Et, pour tout te dire, je sors d’une réunion pour un projet en 2024, mais je ne peux pas t’en parler pour l’instant.

Ouf! Cela dit, tu es en grande forme, tu bouges énormément sur scène et tu es en voix, comme les spectateurs ont pu le constater sur Notre Dame de Paris!
Merci, mais je trouve ça dur. J’ai même une physio qui me prépare avant le show, car j’ai les genoux «scrap». C’est pour ça que je me suis préparé depuis longtemps pour reprendre le rôle de Gringoire. Je ne voulais pas que le monde dise: «C’est bon, mais c’est sûr que ce n’est pas comme avant, il a 60 ans, on lui pardonne...» C’était hors de question. Il faut que les gens en aient pour leur argent, car les billets coûtent cher. Il faut qu’ils soient contents, c’est mon unique but. Depuis octobre de l’an dernier, je m’entraîne comme un fou, vocalement, physiquement, pour arriver sur scène et en faire plus que dans le temps. Vingt ans plus tard, c’est chaque soir un défi sur le plan vocal parce que je suis baryton, et ce sont des tonalités de ténor. J’avais 35 ans à l’époque et j’en ai 60 maintenant. C’est tout un défi, mais j’y arrive. J’ai mené une vie de moine pour passer à travers mon été et être à la hauteur des attentes des spectateurs de Notre Dame de Paris.

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Gracieuseté
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La biographie de Bruno Pelletier, Il est venu le temps..., écrite en collaboration avec le journaliste Samuel Larochelle, et l’album de chansons originales intitulé ... car le temps est venu, seront disponibles en librairie à compter du 21 septembre ensemble ou séparément.
Pour en savoir plus sur son spectacle Sous influences et ses autres projets à venir: brunopelletier.com.

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