Comment la pandémie donne une impulsion au mouvement «slow fashion»
Myriam Lefebvre
Alors que la pandémie est difficile pour plusieurs grands détaillants de la mode, des designers et détaillants locaux adhérant au mouvement slow fashion tirent leur épingle du jeu et ressentent plus que jamais la volonté des Québécois à ralentir leur consommation.
«J’ai vu une augmentation massive de nos ventes depuis le premier jour de la quarantaine ici au Canada», lance Alexandra Hutter, fondatrice d’Aleur Loungewear, à Montréal. La jeune designer de vêtements de détente pour la maison, qui s’investit dans la confection de pièces éthiques et durables, a même fait face à une rupture de stock et a dû embaucher une couturière pour l’aider à regarnir son inventaire.
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«C’est vraiment excitant et encourageant d’avoir ce genre de soutien de la part de nos clients locaux», ajoute la fondatrice.
Les impressions sont comparables chez Station Service sur la rue Rachel, à Montréal. Oui, le magasin a enregistré une baisse de son chiffre d’affaires, «je mentirais si je disais le contraire», avoue la fondatrice et CEO Raphaëlle Bonin, mais il a aussi fait énormément de ventes en ligne. «On a eu vraiment de nouveaux clients, des gens qui se sont tournés vers l’achat local», estime-t-elle.
La boutique Station Service est née d’un désir d’offrir une alternative au fast fashion, racontait en entrevue téléphonique sa fondatrice. On y trouve des produits esthétiques, faits localement avec des matériaux durables. «On joint l’utile à l’agréable», mentionne Raphaëlle. Un service de location de vêtements pour des occasions spéciales (mariage, gala, etc.), est aussi offert en temps normal, mais demeure sur la glace comme tous les événements sont annulés en temps de crise.
Une autre réalité
En collaborant avec des petits créateurs locaux, qui conçoivent leurs morceaux en plus petite quantité et selon la demande, la réalité d’une boutique comme Station Service est à des lieux des grands détaillants de la fast fashion. Alors que les grandes chaînes se sont retrouvées avec des tonnes de vêtements invendus depuis le début de la crise, Station Service a dû composer avec des collections en moins.
«Un des impacts que j’ai remarqués, c’est que beaucoup de créateurs avec qui on collabore ont décidé de ne pas produire. Leur décision était motivée par la peur de ne pas vendre. Pour un petit créateur, chaque pièce vendue est importante. Il ne peut pas se permettre de produire à perte et d’être pris avec du stock qui dort», explique Raphaëlle Bonin.
En discutant avec ses partenaires, elle trouvait la décision de ne pas produire de collection ou d’en produire une en petite quantité tout à fait logique. Selon elle, le risque d’être coincé avec des invendus tout en devant assumer les frais de matériaux, de production et de mise en marché demeure présent. Par-dessus tout, ces décisions réfléchies s’inscrivaient aussi dans le mouvement du slow fashion qu’elle prône plus que jamais.
Aux yeux de Raphaëlle, la pandémie est une prise de conscience pour les créateurs comme les consommateurs. «Si la crise avait été vraiment courte, je crois que le changement aurait été moindre, je ne pense pas qu’on en aurait parlé autant, mais là, j’ai l’impression qu’on a tellement eu le temps de réfléchir à nos vies et nos choix qu’on fait au quotidien, qu’on va voir un plus grand changement».
«J’espère que les clients, qui sont ravis d’encourager les entreprises locales, garderont cet état d’esprit», avance aussi Alexandra Hutter d’Aleur Loungewear.
S’il y a encore une éducation à faire auprès du consommateur qui, en adhérant au slow fashion, choisit des produits éthiques, durables, mais aussi plus dispendieux, Raphaëlle Bonin a la nette impression que la crise a été un éveil des consciences pour plusieurs personnes.
La clé: garder les yeux ouverts, s’informer sur les effets du fast fashion et voir plus loin que le vêtement que l’on porte.