Dave Morrissette fait de touchantes confidences sur la mort de son père

Photo : Bruno Petrozza

Marie-Claude Barrette

2021-06-30T14:14:03Z

Le 27 avril, Dave Morissette a perdu Allen, son père, son ami, son buddy comme il aime le dire. Quelques jours plus tard, lors de son discours de remerciement au Gala Artis, il lui a rendu un hommage senti en s’adressant directement à lui: «Pa, celui-là, c’est pour toi. Je t’aime. Je m’ennuie.» À son retour à la maison, il a pris un verre de vin avec Nancy pour célébrer son prix. Dave s’est ensuite assis devant sa télé et a regardé pour la quatrième fois son documentaire Arrêter le temps, tourné sur le chemin de Compostelle, dans lequel il est entouré de son père et de ses fils, Zachary et Jeremy.

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Photo : Bruno Petrozza
Photo : Bruno Petrozza

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Dave, avez-vous regardé le documentaire différemment?
Assis dans mon fauteuil avec mon trophée, je me suis surpris à rire en écoutant mon père. J’avais l’impression qu’il me parlait. À Compostelle, je me suis rendu compte que c’est mon père qui gérait tout. Même les gars le disent dans le documentaire, ce que je n’avais pas voulu entendre avant ce soir-là. Ils ont dit: «Une chance que Papi est là, il vient souder toute la famille.» Mon père, c’était ça. Ce documentaire est le plus bel héritage que j’ai eu. 

Est-ce que ça vous fait du bien de parler de votre père présentement?
C’est drôle que tu me demandes ça, car j’ai toujours dit que je ne pouvais pas passer au travers du décès de mon père. Je n’étais tellement pas prêt à ça... et j’avais l’impression que j’allais m’enfermer dans une pièce, ne parler à personne, et être pendant un mois roulé en boule... Finalement, je le vis totalement différemment. Ça me fait du bien d’en parler. Les mots d’encouragement, de sympathie, et les témoignages de gens qui sont passés à travers ce deuil m’ont vraiment aidé. Mon père était tellement important dans ma vie; c’était mon meilleur ami, mon confident. C’était mon buddy. Je ne pouvais pas imaginer ma vie sans lui, au quotidien.

Aviez-vous déjà parlé de la mort avec lui?
Oui, souvent! J’ai toujours dit à mon père, et jusqu’à la toute fin: «N’oublie pas, tu t’en vas voir Jason [mon frère].» Son décès a été un bouleversement dans nos vies. J’ai toujours l’impression qu’on va se réunir bientôt, en haut. J’ai toujours eu de la misère avec les départs. Quand mes grands-parents sont décédés, j’étais en maudit de ne pas être là, car je les aimais tellement! J’ai dit à mon père d’aller voir Jason lorsqu’il arriverait en haut et il m’a dit: «Je m’en occupe, ne t’en fais pas.» Il est parti à 12 h 20, le 27 avril, avec un sourire. 

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Collection personnelle
Collection personnelle

Pourquoi pensez-vous qu’il souriait?
C’était un soulagement. J’étais là pour sa dernière respiration. J’ai eu ce luxe d’être là, de pouvoir coller ma tête sur lui. Je pense souvent à mon père et à mon frère, car ils sont en haut, ensemble. (émotion) Pour mon père, le plus important, c’était que tout le monde soit bien autour de lui, que personne ne manque de rien. Les docteurs lui baissaient la sédation pour qu’il se réveille, mais ça lui faisait extrêmement mal. Je lui ai demandé de me serrer la main s’il avait mal. Il n’était pas capable de le faire, donc je lui ai demandé d’ouvrir les yeux. Ce qui était encore plus dur, mais je voulais savoir s’il avait mal, car il m’a toujours dit qu’il ne voulait pas être un fardeau pour moi. J’avais une grosse décision à prendre, je lui ai demandé d’ouvrir les yeux et il m’a regardé pour une dernière fois. (émotion) Le lendemain matin, j’ai pris la décision de le laisser partir. Je lui ai dit de partir en paix et que j’allais m’occuper de tout... C’était important pour lui d’avoir une qualité de vie, d’être capable d’aller au dépanneur, de conduire et de s’occuper de sa femme. À la fin, il n’était plus capable de faire ça. C’est une chute qui a provoqué son décès, car il a fallu l’opérer. Mais c’est sa condition qui a fait qu’il n’a jamais pu passer au travers. 

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Est-ce qu’il y a des choses que vous n’avez pas eu le temps de faire avec lui?
Pour être honnête, on a tellement eu de discussions! J’ai retrouvé mon père à 30 ans car à cause du hockey, je voyageais tout le temps. Mon père était là, il venait me voir partout où je jouais, mais à partir de 30 ans, les choses ont changé. J’ai écouté les gars qui m’ont dit «Profites-en», et je me suis dit que je n’allais pas avoir de regrets. 

Ce que je trouve magnifique dans la relation que vous aviez avec votre père, c’est que vous avez pris le temps d’être ensemble et fait des choix pour ne pas laisser place aux regrets...
J’avais toujours du temps pour lui. On a commencé à voyager ensemble, à parler ensemble, et aussi à ne pas parler. Une fois ou deux par année, on partait, seuls ou en famille. Hier, j’ai annulé les billets d’avion pour notre voyage de vélo en France. On devait atterrir à Paris pour se rendre ensuite à La Rochelle. À partir de là, on allait rouler jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle pour arrêter au cap Finisterre — où Guy Jodoin, l’écœurant, est allé! (rires) Finisterre, c’est le bout de la terre. Mon gars, Jeremy, a fait ce chemin-là à pied. Il m’a dit que c’est tellement beau... C’est sur le bord de la mer. Mon père, qui est originaire de Baie-Comeau, aimait la mer. On l’avait choisi ensemble, ce chemin-là. On était censés partir l’été passé, mais on n’a pas pu [en raison de la pandémie]. J’attendais toujours avant d’annuler le voyage, mais mon père, ça le gardait en vie. Même si, à la fin, il avait des problèmes cognitifs et perdait la mémoire... il était tellement fier!

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Il y a un vide qui pourrait s’installer, j’imagine...
Je ne sais pas comment je vais le vivre. Mais ça fait du bien d’en parler. Je suis rentré au travail le lendemain du décès de mon père, car je voulais briser la glace tout de suite. C’est réconfortant de recevoir des messages de sympathie, mais après un bout, il faut reprendre sa vie. Ce qui me fait plaisir, c’est de garder la mémoire de mon père en vie. Ce n’est pas parce qu’il est parti qu’il n’est pas là. Il a tellement fait de bien! Il y a des jeunes de Baie-Comeau qui m’ont texté, comme Pierre-Cédric Labrie, qui est en Allemagne et qui a joué pour Chicago. Il m’a écrit un long message pour me dire à quel point mon père a changé sa vie. Le député Martin Ouellet, du comté de René-Lévesque, lui a rendu un hommage pour ses 30 ans de bénévolat dans le hockey mineur. Mon père était tellement bienveillant, tellement bon!

C’est ce qu’il vous a donné en héritage?
Mon père, ce n’était pas mon modèle. Ce n’était pas mon héros... ça n’a jamais été ça. Mon père était un gars d’usine et il s’est endetté pour moi. Il ne vivait pas pour lui, il vivait pour les autres. Ce qui est triste, c’est que maintenant qu’il est parti, c’est là que je réalise ce qu’il m’a légué. Je fais beaucoup de choses aujourd’hui en pensant à lui. Je veux tellement qu’il soit fier de moi. Ce qui était le plus important pour lui, c’était la famille et les amis. C’est ce que j’ai toujours répété à mes gars. Malgré ses problèmes cognitifs, il était conscient de ce qui se passait. Dans les derniers mois, je disais à Nancy que j’espérais qu’il s’endorme et ne se réveille pas, qu’il parte sans souffrance.      

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Auriez-vous aimé être plus près de lui physiquement pour l’aider davantage?
«Viens habiter à Montréal», je lui disais. Mais pour lui, c’était important de rester avec Danielle, son épouse, qui avait besoin de lui. Il ne voulait pas partir de Baie-Comeau. Jusqu’à la toute fin, je voulais qu’il vienne habiter à côté de chez moi. J’ai même déjà eu des accrochages avec lui à cause de ça, car j’avais peur qu’il tombe un jour et qu’il ne puisse pas choisir où habiter. L’important pour lui, c’était de rester chez lui auprès de son épouse et dans ses affaires. Il m’a dit: «J’apprécie tout ce que tu fais, mais je veux que tu comprennes le fait que je veux mourir dans ma maison. Je veux être là jusqu’à la fin.» 

Dave, je sais à quel point ç’a été difficile pour vous de faire la paix avec la mort de votre frère, Jason. Où en êtes-vous présentement?
La vérité, c’est que j’ai fait la paix avec mon frère, avec son départ et tout ça. Mais un suicide, pour moi, on peut l’éviter. Pourquoi ai-je des valeurs aussi familiales aujourd’hui? C’est parce que j’ai fait défaut à mon frère. Le suicide a fait éclater ma famille. Pendant huit ans, je n’ai pas été le meilleur frère ni le meilleur fils. Lorsque j’allais voir mes parents à Baie-Comeau, ça me faisait penser à mon frère. Je l’aimais, mais j’avais 22 ans et je n’ai pas été là pour lui. Aujourd’hui, je vois toujours mon frère dans mes gars. Il vit à travers eux! 

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Comment avez-vous vécu les 14 derniers mois?
La pandémie a été un retour aux sources, car ça m’a permis d’avoir mes gars avec moi. En parallèle, mon père m’a appelé le 9 mai 2020, confus. Une semaine plus tard, je suis descendu à Baie-Comeau et je me suis rendu compte de la gravité de la maladie. L’année 2021, c’est celle où j’ai perdu mon père et où il a fallu se réinventer. Mes vrais amis sont encore là. Michel et Denise aussi. Ceux-ci m’ont hébergé quand je jouais à Shawinigan. Ils ont été comme mes deuxième parents. Et lorsque je pense aussi à ma mère qui va partir un jour, ça me fait pleurer. Le décès de mon père m’a fait réaliser que ma mère est encore vivante et que je dois en profiter.      

Est-ce que la pandémie vous a fait réaliser tout ça? Une fois que tout se dépose, vous voyez ce qui est important?
Il y a juste ça qui compte. Si tu savais le nombre de chums que j’ai appelés. Guillaume Lemay-Thivierge, je l’ai appelé pour lui dire: «Je t’aime, mon chum.» Guillaume et moi, on est déjà partis en hélicoptère avec mon père à notre camp de pêche en Mauricie. On a vécu ça ensemble et je suis tombé sur des photos de Fort Boyard, un de mes plus beaux moments de télé. C’est drôle, mais je l’ai appelé, car je m’ennuyais. Je voulais qu’on fasse quelque chose et je sais qu’il est aussi crinqué que moi. 

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Photo : Bruno Petrozza
Photo : Bruno Petrozza



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En fait, vous avez compris la valeur de certaines choses?
Oui, plus que jamais. À Québec, la veille de ma grande décision [pour mon père], je suis allé faire une marche. J’ai parlé à Hugo Giroux, que j’aime et qui est toujours là pour moi dans les moments importants. Je lui ai parlé et il a juste écouté. Les mots n’étaient pas nécessaires. Il a aussi perdu un frère qui s’est suicidé. Ça nous unit pour la vie. Mon chum Rémi, qui habite à côté de chez moi, a aussi été là pour moi. 

Êtes-vous le père que vous souhaitiez être?
De plus en plus! Je suis fier de ce que je fais et des efforts que je fais. Je ne suis vraiment pas le père parfait, mais ma vie va toujours être consacrée à mes gars et à ma famille. Je suis capable de me dire que j’ai été bon, mais aussi que je l’ai parfois échappé. Je vais toujours aller à la guerre pour mes gars. 

Comment décririez-vous votre relation avec Nancy? Vous vous soutenez, c’est votre roc?
Dans la dernière année, on s’est aperçus qu’on n’avait pas besoin de grand-chose... juste l’un de l’autre. Et qu’on aime la simplicité. On partait en vélo pendant la pandémie, on allait écouter Friends dans le gazebo. Aussi, on se laisse de la liberté. Je peux partir à la pêche, faire Compostelle. On est heureux. Et elle est tellement forte cette femme-là! Nancy a une force intérieure et elle est toujours là pour moi. Je l’ai vu avec mon père, car elle s’en faisait tellement. Une chance que je l’ai pour pouvoir pleurer. Elle est toujours là pour m’écouter, et quand je vais dans la mauvaise direction, elle me le dit. Notre but commun, c’est d’être heureux ensemble, et on le sait plus que jamais. On veut que nos enfants soient heureux aussi et on veut faire partie de leur vie. 

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere

Que peut-on vous souhaiter à ce moment de votre vie?
Que ça puisse continuer comme ça. Sinon, quoi dire, mis à part «la santé»? On parlait des réflexions que j’ai eues avec mon père et on n’est en contrôle que d’une chose: notre bonheur. Je vois toujours ça comme un match de hockey: on peut avoir une deuxième mauvaise période, mais il reste la troisième. Je veux juste que ça se poursuive comme ça. Je vais bien. Je suis bien entouré, j’aime ma job, j’aime les gens avec qui je travaille. Je veux que mes enfants soient bien. Comme disait mon père, être heureux, c’est un choix. Le choix de nos amis, les décisions qu’on prend, ce qu’on mange tous les jours, et je suis conscient de ça. La maladie, quand elle arrive, on ne peut rien faire. On peut juste endurer. C’est pourquoi il faut en profiter. La chose dont je suis le plus fier, c’est tous les voyages qu’on a faits ensemble. Je disais: «On part là et on le fait!» Mon voyage à Compostelle est ma plus grande fierté, parce que c’est mon père qui se rapproche de ses enfants, mon père qui est à son meilleur dans sa vie, qui est épanoui. C’est comme si j’avais vu mon père à 20 ans, là-bas. Pendant le voyage, je ne voyais plus une personne âgée; je voyais un jeune. D’où l’importance d’en profiter aujourd’hui! 

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Arrêter le temps, le documentaire réalisé par Maude Sabbagh, est offert sur TVA+.
Le livre Arrêter le temps: Trois générations sur les routes de Compostelle est publié aux Éditions de l’Homme.
Suivez Dave chaque jour sur les ondes de TVA Sports.


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