Josée Boudreault et Louis-Philippe Rivard ont dû faire des deuils depuis l’AVC de Josée

Photo : Julien Faugere

Michèle Lemieux

2021-04-20T16:00:00Z

Frappée par un accident vasculaire cérébral en juillet 2016, Josée Boudreault admet que la situation lui a imposé des deuils, mais refuse de s’attarder à ce qu’elle ne peut plus faire et mise sur ses acquis après avoir récupéré. Elle a la chance de pouvoir compter sur ses filles, Chloé, 20 ans, Anabelle, 13 ans, et Flavie, 10 ans, et son conjoint, Louis-Philippe Rivard, toujours à ses côtés.

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Josée, vous poursuivez vos conférences avec Louis-Philippe. Comment ça se passe?
Josée: Avant, quand je m’exprimais très bien, j’étais seule sur scène. Après mon AVC, j’ai arrêté pendant un an. Quand j’ai recommencé, c’est à ses côtés. Nous en avons donné plus de 200 avant la pandémie. Comme tout le monde, nous avons tout arrêté, puis nous avons repris, mais de la maison. C’est très vivant! Nous avons beaucoup de plaisir. Les gens nous disent que nous leur faisons du bien.
Louis-Philippe: Notre conférence sur la vie de couple est présentée en direct de notre chambre à coucher... (rires)

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Vous êtes très active comme conférencière. Vous réussissez à maintenir ce rythme?
J.: Comme nous sommes à la maison, c’est plus facile. Avant, nous faisions beaucoup de route et nous revenions toujours chez nous pour être avec nos enfants. Sincèrement, je suis très en forme. Il y a des gens aphasiques qui ne peuvent plus rien faire après un AVC.
L.-P.: Les statistiques montrent que seule 1 personne aphasique sur 10 retourne au travail.
J.: Pour plusieurs, c’est terminé: ils restent à la maison, seuls. C’est très dur pour eux et c’est pire avec la pandémie. Je m’estime chanceuse de pouvoir donner des conférences. Et comme je ne peux plus lire, ce n’est jamais la même conférence... 

Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere

Qu’est-ce qui a fait en sorte que vous avez été en mesure de récupérer?
J.: C’est grâce à Louis-Philippe. Avec lui, tout est possible. J’ai bien sûr des séquelles: je ne suis plus capable de lire ou d’écrire. 

C’est un renoncement?
J.: Oui, mais de toute façon, je n’aimais pas lire... C’est plus vrai que jamais! (rires) Siri lit pour moi sur ma tablette. C’est super! Je ne lis pas, mais je reconnais des mots. Cuisiner n’est pas facile. Je dois m’en tenir aux recettes que je sais par cœur. Parfois, je prépare des choses; je ne suis pas sûre de ce que je fais, mais j’essaie...
L.-P.: Un jour, elle a fait un pâté au saumon que les enfants ont adoré! Nous avons réalisé qu’elle avait oublié de mettre le saumon! (rires) C’était un pâté aux patates! 

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On réalise à quel point lire est essentiel au quotidien...
L.-P.: C’est vrai. Par exemple, c’est moi qui programme son GPS, avant qu’elle quitte la maison. Si elle voulait aller ailleurs, elle ne pourrait pas écrire le nom de la rue.
J.: Je pourrais copier un mot, mais c’est très long. Pendant longtemps après mon AVC, je n’ai eu que peu de mots pour m’exprimer. Et Louis-Philippe est resté. C’est incroyable...
L.-P.: Parce que tu es cute au boutte! (rires)
J.: Et je suis encore drôle! Je ne lui ai jamais demandé: «Pourquoi tu restes avec moi?» La vie est facile avec moi. Je ne me suis jamais plainte, j’ai décidé de vivre avec cette situation. J’ai tellement parlé; là, j’écoute. Louis- Philippe est content, il peut enfin parler! (rires)

Photo : Julien Faugere
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Lors de votre première entrevue après votre AVC, vous avez tout de suite dit que la radio, c’était fini pour vous. Vous avez donc vite fait des deuils?
J.: Oui, ç’a été rapide pour moi. Je ne regarde pas en arrière. J’avance. Pour Louis-Philippe, ç’a été plus long...
L.-P.: Je pensais que ça allait revenir, que nous trouverions des moyens, qu’il fallait travailler plus fort. Puis j’ai compris que Josée avait raison et que c’était correct que ce ne soit plus comme avant. J’ai réalisé plein de choses... Je pensais que si ce n’était pas comme avant, ce serait moins agréable, or ça peut l’être autant, mais différemment. Josée ne ressasse pas le passé. Je vois plus qu’elle les deuils qu’elle traverse. Ce n’est pas tant ce qui nous semble gros, comme ne plus faire de la radio, que des détails comme de ne plus pouvoir jouer au Scrabble ensemble... Josée m’a toujours impressionnée: elle passe vite par-dessus.
J.: J’ai une grande facilité d’adaptation. Je sais qu’il y a des gens pires que moi. Nous avons rencontré une femme qui n’avait plus qu’un seul mot pour s’exprimer... Moi, je parle moins bien et moins vite qu’avant, mais je parle! En plus, je suis toujours avec Louis-Philippe. Je suis chanceuse... J’aurais pu mourir. Ç’a été long à l’admettre. Je commence à peine à le reconnaître...
L.-P.: J’aurais pu la perdre. Elle est toujours là et elle a toute sa tête. Nous jasons encore. Quand on y pense, les deuils sont moins difficiles, car nous sommes conscients de ce qui aurait pu être. 

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Et vous avez retrouvé votre énergie?
J.: Au début, le neurologue m’avait demandé d’arrêter de m’entraîner. Il craignait qu’une artère soit restée fragile, des suites de mes opérations. J’ai trouvé ça dur, mais je me suis mise à la marche. J’ai fait du yoga. Puis, tranquillement, j’ai repris l’entraînement et j’ai retrouvé ma forme. J’ai un gym à la maison et je m’entraîne tous les jours. On doit faire confiance au temps, car l’énergie revient un jour, mais, pendant un an, j’ai été très fatiguée, ce qui est normal après un AVC. Il faut faire vite, travailler fort pour retrouver son vocabulaire, c’est épuisant... Ma fille Flavie était en première année. Comme elle apprenait à lire, je me suis dit que j’allais réapprendre avec elle en l’aidant dans ses devoirs.
L.-P.: Mais Flavie a explosé, tandis que Josée est restée au même point.
J.: Je me suis demandé si c’était parce que je n’avais pas assez travaillé, mais ça n’a rien à voir. Nous avons tous un maximum et je l’ai atteint.
L.-P.: On le voit au scan: une partie du cerveau, grande comme une balle de golf, est atteinte. Cette région ne s’allume plus. Le cerveau fait des efforts pour essayer de décoder des mots malgré cette partie, mais il ne peut pas faire de miracle... 

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere

Vos filles ont été formidables à travers cette épreuve. Comment vivent-elles la situation, à présent?
J.: Les filles sont super. Elles ont oublié comment j’étais avant, et c’est bien ainsi. Je suis comme je suis, comme si avant n’existait pas.
L.-P.: Elles s’en souviennent vaguement, mais elles trouveraient ça bizarre que leur mère redevienne comme avant... Moi-même, j’oublie que Josée est aphasique. C’est notre réalité. Je ne suis pas toujours en train de me dire que ce n’est pas facile. Pour elles, c’est la même chose. 

Êtes-vous consciente que vous nous inspirez par votre façon d’aborder les choses?
J.: Tant mieux si je peux aider des gens, mais je le répète: certains vivent des choses bien plus dures que ce que je vis. Beaucoup de gens m’écrivent pour me dire qu’ils ont fait un AVC et qu’ils ont pensé à moi; d’autres, que les publicités de la campagne VITE leur ont sauvé la vie. J’en suis heureuse. Je suis en paix avec ma vie. Depuis cet AVC, j’ai beaucoup changé. Avant, je voulais toujours être maquillée, bien habillée. Je me permets d’être «laite» chez moi et je m’en fous! Jean-Philippe est à l’aise avec ça. Le cœur est prioritaire.
L.-P.: Moi non plus, je ne me maquille pas! (rires)
J.: Le Botox, c’est fini pour moi. Je vieillis, c’est normal et je l’accepte. Aujourd’hui, on est là, mais demain, on sera peut-être morts... Avant, je voulais vivre le plus longtemps pos- sible. À présent, je me dis que le jour où ce sera terminé, je m’en irai sans problème. Je ne le souhaite pas, mais si je mourais demain, je serais contente de moi. 

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Pour conclure, avez-vous d’autres projets?
J.: Oui, nous allons publier un livre sur le changement, sur ce que nous avons appris depuis l’AVC il y a bientôt cinq ans.
L.-P.: Ça rejoint notre conférence sur le bonheur. Travailler ensemble nous a rapprochés, Josée et moi.

Josée et Louis-Philippe proposent des conférences virtuelles. On s’informe sur le site joseeboudreault.com. Leur prochain livre devrait paraître à l’automne. Leurs ouvrages précédents sont en vente.

Courtoisie
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