Doit-on paniquer pour nos placements? Une conseillère financière répond à nos questions
Mickael Deshaies
Si, comme moi, t’as jeté un coup d’œil sur tes placements aujourd’hui, il est fort possible que tu aies eu une bien mauvaise surprise.
Évidemment, ta santé et celle de tes proches est ce qui compte le plus en ce moment, mais on ne peut guère faire semblant que la santé financière n’importe pas.
Devons-nous paniquer à voir nos économies fondre plus vite que les bancs de neige?
Christiane Van Bolhuis, planificatrice financière, partenaire de la Sun Life, a répondu à nos questions pour y voir plus clair.
Est-ce que tes clients sont inquiets?
C’est sûr que certains épargnants sont préoccupés par la volatilité et l’instabilité des marchés des derniers jours, mais il est important de garder la tête froide et de prendre un peu de recul face à la situation.
Je travaille principalement auprès de jeunes professionnels et travailleurs autonomes, âgés entre la fin vingtaine et le début de la quarantaine. Pour la plupart, leur horizon de placement est sur le long terme, ils pouvaient donc se permettre de prendre plus de risque avec le portefeuille.
Les gens sont conscients qu’on doit passer cette vague et qu’on ne doit pas paniquer. Éventuellement, les marchés vont remonter et ils vont profiter du regain ou du «bounce back», comme on dit.
Quelles sont les mesures à prendre quand on voit la valeur de nos placements en bourse dégringoler?
Il ne faut surtout pas se retirer des marchés. C’est en faisant ça qu’on vient cristalliser la perte. Et là, on ne parlera pas d’une baisse de la valeur de son portefeuille, mais d’une perte réelle dont il sera difficile de se remettre.
Si on n’y touche pas, on se donne une chance de regagner le terrain perdu.
On entend dire que ça peut être une opportunité. Pourquoi?
Pour les personnes qui n’ont pas encore investi par exemple, c’est une occasion de rentrer sur le marché. Évidemment, ça bouge beaucoup d’une journée à l’autre, mais ils peuvent acheter une position dans le marché à rabais, de l’ordre de 25% à 30%, si ce n’est pas plus.
Même chose pour ceux qui ont les moyens d'ajouter à leur portefeuille.
Si les plus jeunes ont l’avantage de compter sur le long terme pour s’en remettre, devrait-on s’inquiéter pour nos parents retraités ou près de le devenir?
Pour les plus vieux, c’est quelque chose qui aurait dû être fait déjà. Un planificateur financier doit toujours faire état des objectifs, de la tolérance au risque, des connaissances en placement de son client. Mais aussi de l’horizon entre aujourd’hui et le moment qu’il devra décaisser.
S’ils ont été bien conseillés, ils devraient typiquement déjà avoir des portefeuilles plus prudents et conservateurs. Ça ne veut pas dire qu’ils sont entièrement à l’abri d’une situation comme celle qu’on vit en ce moment, mais ils devraient moins en ressentir les impacts.
Plusieurs travailleurs autonomes vivent dans l’incertitude. Que conseillerais-tu à ceux qui craignent de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins à court terme?
C’est là qu’on réalise toute l’importance de se constituer un fonds d’urgence.
Je comprends qu’ils doivent conjuguer avec des pertes de revenus, mais je leur conseille d’essayer de trouver une autre façon que de retirer leurs placements.
Si les marchés boursiers vont mal, on doit se rappeler qu’il y a aussi une baisse des taux d’intérêt. Présentement, le coût d’emprunt est très bas. Le taux directeur a été diminué. Dans le pire des cas, s’ils en ont la capacité, ça vaut la peine de considérer un emprunt.
Certains sont déjà préautorisés pour une marge de crédit, et ça peut pallier la baisse de revenus temporaire.
À l’autre bout du spectre, j’ai des clients travailleurs autonomes très tolérants au risque qui me demandent si c’est une bonne idée de prendre les fonds qu’ils ont mis de côté pour leurs acomptes provisionnels afin de l’investir en bourse.
Je leur déconseille de faire ça puisque le fait de ne pas remplir ses obligations fiscales, ça peut engendrer des pénalités et des intérêts. Et cette remontée du marché, il n’y a pas un planificateur ou conseiller sur la planète qui peut prévoir à quel moment elle arrivera.
Finalement, comment la situation t’affecte-t-elle professionnellement?
J’avais déjà fait le choix de mettre en pause mes activités de prospection, de réseautage et de formation. Je crois qu’il est important pour les conseillers d’être entièrement à la disposition de leurs clients actuels. Je veux concentrer mes énergies à être proche de ma clientèle et leur répondre rapidement.