Édith Butler se confie sur son regret de ne pas avoir eu d’enfants

Photo : Julien Faugère / TVA Publications

Jean-François Brassard

2022-08-01T04:00:00Z

«J’ai commencé à fêter il y a trois semaines!» Rien n’arrête Édith Butler, qui célébrait le 27 juillet les 80 ans d’une vie bien remplie. Des épreuves, elle en a traversé, mais elle en est ressortie plus forte. Et s’il y a une chose qu’elle veut transmettre, c’est sa proverbiale joie de vivre.

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«Quel temps fait-il à Montréal? Penses-tu que le ciel va tenir le coup?» La semaine dernière, si on a parlé de la pluie et du beau temps, c’est qu’Édith craignait de ne pas pouvoir présenter le spectacle qu’elle devait donner en fin d’après-midi au Festif! de Baie-Saint-Paul. Infatigable, elle l’est. On ne compte plus les éclats de rire qui ont ensoleillé notre échange. Et s’il y a un nuage dans le ciel, vous pouvez parier que la dame s’organisera pour flotter dessus!

Depuis l’été dernier, alors que paraissait l’album Le tour du grand bois, Édith fait le tour de sa province. Au rythme de ses coups de cœur. En prenant le temps d’y vivre un peu. Plus tôt en saison, il en a été ainsi à Rouyn-Noranda, à Tadoussac et à Jonquière. Baie-Saint-Paul ne fait pas exception, surtout que c’est ici qu’elle a participé à son premier festival en carrière, au milieu des années 1960. «On est arrivées hier et on est allées manger avec des amis. On va peut-être rester une journée de plus parce que c’est tellement beau! On prend ça beaucoup plus comme des vacances. Je pense qu’il y a de grandes vacances de plusieurs années qui m’attendent.» D’autres appelleraient ça une tournée, mais pas elle. «Je suis encore en train de vivre l’expérience de l’album. Je sens que j’en ai encore pour plusieurs années parce que, contrairement aux tournées précédentes où je faisais un spectacle par jour, j’ai décidé d’en faire un ou deux par semaine.» C’est ce qui s’appelle faire durer le plaisir.

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Le 15 juin dernier, elle enflammait le Quartier des spectacles à l’occasion d’une prestation dans le cadre des Francos.
Le 15 juin dernier, elle enflammait le Quartier des spectacles à l’occasion d’une prestation dans le cadre des Francos. Photo : Toma Iczkovits

De James Taylor à Shakira

Édith aime les festivals et elle les court, à son rythme, depuis plus d’un demi-siècle. «Ce que j’aime, c’est de rencontrer d’autres artistes.» Il en a toujours été ainsi. «J’ai fait des festivals partout à travers le monde, mais ce sont les premiers qui m’ont le plus marquée, parce que j’y ai connu des jeunes qui commençaient comme moi et qui sont devenus des superstars. J’avais rencontré,
à Toronto, James Taylor, qui m’avait beaucoup impressionnée. Il était beau! Pendant deux ou trois jours, on jasait, on mangeait ensemble, on passait du temps à l’arrière-scène. J’ai aussi rencontré Bob Dylan, Buffy Sainte-Marie...» Beaucoup plus tard, elle a côtoyé des artistes qui vous surprendront: Shakira, Jermaine Jackson, Annie Lennox, Boy George... «J’écoute d’autres artistes et j’apprends beaucoup de choses.»

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La prochaine étape de son périple la conduira dans son Acadie natale. Le 5 août, dans le cadre du Festival acadien de Caraquet, qui célèbre cette année ses 60 ans, Édith partagera la scène avec son amie Lisa LeBlanc. «Ça va être tout un spectacle, parce que Lisa est vraiment une artiste à voir. Sur scène, elle est phénoménale... Et je ne donne pas ma place non plus!» dit-elle de celle qui a réalisé Le tour du grand bois. «Je la remercie tellement d’avoir fait cet album pour moi! Ça a donné un coup dans ma retraite! Je pensais que j’allais avoir une retraite très calme, mais ce n’est pas ça qui arrive. Ce sont de grosses fêtes partout où je vais. Lisa est même venue faire un tour pendant mon spectacle aux Francos. Elle est trop cute. Je l’aime tellement!»

Pour s’aimer, ces deux-là s’aiment! «J’ai connu Lisa en 2014 dans un party et je lui ai dit: “Toi, je t’adopte.”» L’autre ne s’est pas fait prier. «D’une certaine façon, j’ai le sentiment qu’elle est mon héritière. On a la même attitude face à la vie et la même façon de parler, même si on n’a pas le même accent. On a la même générosité avec le public. Elle crée une musique tellement extraordinaire qu’elle a dépassé le maître. Il y a une grande parenté entre nous.» 

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Elle retrouvera sur scène son amie Lisa LeBlanc le 5 août lors du Festival acadien de Caraquet.
Elle retrouvera sur scène son amie Lisa LeBlanc le 5 août lors du Festival acadien de Caraquet. Photo : Agence QMI/Jean-François Desgagnés

Un regret

S’il y a une chose qu’Édith a regrettée un certain temps, c’est le fait de ne pas avoir eu d’enfants. «Je suis la plus vieille chez nous et j’ai élevé mes deux frères et mes deux sœurs avec maman. Quand j’étais jeune, je rêvais d’avoir 12 enfants. Je les adorais! Mais la vie a fait en sorte que je n’en ai pas eu.» Jeune quarantenaire, elle a consulté un médecin qui l’a avisée qu’elle n’aurait pas de problème à en avoir. «Mais je ne suis pas allée au bout de ça. Aujourd’hui, j’y pense souvent, surtout quand je suis à la maison. À la fête des Mères, personne ne m’envoie de carte...» regrette-t-elle.

Puis dans un éclat de rire, elle dissipe ce nuage: «Par contre, j’ai mes autres enfants!» Non, Lisa n’est pas sa fille unique! «J’ai deux musiciens que j’ai adoptés. Il y a aussi Marie-Josée Lord, que j’ai prise chez nous pendant un bout. J’en adopte comme ça de temps en temps. Quand ils s’en vont, j’en adopte d’autres. Bientôt, je vais avoir un petit voisin de 14 ans, originaire de Marseille, qui vient s’établir avec sa famille. Il connaît les arbres et les coupes pour en faire des sculptures. Il s’intéresse à la nature. Il me fait penser à moi quand j’avais son âge; j’étais une petite fille très curieuse.»

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Dans cette inassouvissable soif d’apprendre se cache probablement la clé de son éternelle jeunesse. «Quand on vient à la vie, on est extrêmement curieux. On regarde, on observe, et rien ne nous passe sous le nez sans qu’on ne le voie. C’est la découverte de la vie! Je souhaite léguer le goût de la vie.»


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En 2003, Antonine Maillet assistait au lancement de son album Madame Butterfly. Édith dit d’elle: «Quand j’ai étudié au Collège Notre-Dame d’Acadie, à Moncton, j’avais Viola Léger, Antonine Maillet et sa sœur qui m’enseignaient. C’étaient des femmes fortes et fières qui nous ont donné une identité qu’on a toujours gardée et dont nous sommes fiers.»
En 2003, Antonine Maillet assistait au lancement de son album Madame Butterfly. Édith dit d’elle: «Quand j’ai étudié au Collège Notre-Dame d’Acadie, à Moncton, j’avais Viola Léger, Antonine Maillet et sa sœur qui m’enseignaient. C’étaient des femmes fortes et fières qui nous ont donné une identité qu’on a toujours gardée et dont nous sommes fiers.» Photo : Archives

Le conseil d’un premier ministre

Dans l’Estrie d’Édith, Evan, son jeune ami marseillais, va être au paradis, puisqu’il aura un terrain de jeu de... 125 acres! «Quand tu achètes, tu achètes tout, parce que ce sont des terres indivises.»

Ça fait un quart de siècle qu’elle s’y est établie, sur les conseils d’un éminent économiste. «J’étais avec Jacques Parizeau, notre ancien premier ministre. Pendant la journée, je lui avais parlé de cette place que je voulais acheter. Il était venu voir le terrain. En s’en retournant, il m’avait dit: “Achète ça! Tu ne le regretteras jamais de ta vie.” Imagine un premier ministre qui te dit ça! Ça fait que je l’ai acheté.» Elle s’en félicite chaque jour.

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Depuis le premier jour, Édith a construit et construit encore sur ses terres. «J’adore ça. Quand je suis en tournée, je dessine des bâtiments. Et quand je cogne sur un clou avec le marteau, ça crée un rythme qui me donne des idées de chansons. Une création amène une autre forme de création. Je suis très heureuse dans ces deux mondes-là.»

Édith a de qui tenir! «Mon père avait une scierie. À l’âge de cinq ou six ans, j’ai bâti la maison avec papa. Du côté de ma mère, c’est les guitares Godin. C’est des gens de bois. Ce sont des charpentiers. J’ai toujours travaillé le bois avec mes oncles. Maman avait un piano, et on faisait des duos. J’ai grandi dans ces deux univers-là.» 

Le cadre de l’émission La vraie nature semble avoir été fait sur mesure pour Édith. En 2020, Jean-Philippe Dion l’invitait au chalet en compagnie de Patricia Paquin et de Christian Bégin.
Le cadre de l’émission La vraie nature semble avoir été fait sur mesure pour Édith. En 2020, Jean-Philippe Dion l’invitait au chalet en compagnie de Patricia Paquin et de Christian Bégin. Photo : production/c

La vie devant elle

Elle n’aurait pu trouver meilleur titre pour son dernier album que Le tour du grand bois, qui fait le pont entre hier et aujourd’hui, entre ses racines et la modernité. «Il m’a permis d’élargir mon public et de rejoindre les jeunes. Souvent, ils vont regarder une artiste âgée et penser qu’elle va faire d’anciennes affaires avec une vieille voix. Mais pas du tout! Je ne savais pas que j’étais vieille. Ils m’ont appris ça pendant la covid. Ils nous ont tellement répété qu’à partir de 65 ans on était fragiles et qu’il fallait nous protéger! Dans ma tête, je ne suis pas vieille du tout!»

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Contemporaine, Édith Butler l’est. Et le fait d’avancer en âge ne l’effraie pas. «Je suis très sereine à l’idée d’avoir 80 ans. Je vois la vie devant moi. J’ai toujours regardé en avant. Je me suis fait une belle vie. J’ai eu toutes sortes de difficultés: des cancers et des peines comme tout le monde, mais je ne me suis jamais arrêtée à ça. J’ai toujours continué.»

Si elle a déjà été fragilisée par la maladie et la dépression, jamais elle n’a mené sa vie avec la crainte d’une récidive. «Au fur et à mesure que je passais à travers une épreuve, je la mettais en arrière de moi. Je n’y pense plus et je continue. J’ai été chanceuse de passer à travers tout ça. Ça m’a aussi donné une force et une sagesse. Aujourd’hui, je touche du bois. Chaque année, les médecins me scrutent partout pour savoir si je suis encore bonne, et ils me disent: “Tu es correcte. Go!”» Et elle repart de plus belle. «Il y en a un qui s’inquiète pour mes genoux. Il m’a dit d’arrêter de stepper, mais je ne l’écoute pas. Je grouille pour ne pas rouiller!»

Le fait de toujours être en mouvement contribue au fait qu’elle a réalisé ses rêves. «J’ai pas mal tout fait ce que je voulais faire. J’ai chanté dans les plus grandes salles francophones et j’ai fait des tournées partout, jusqu’au Japon.»

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En fait, tout ce qu’elle souhaite, c’est de conserver la santé pour continuer d’exercer son métier. «Je vis la plus belle période de ma carrière. Si on laisse aller les artistes et qu’on les encourage, la majorité d’entre eux arrivent au summum de leur art à 70, 80 et même 90 ans. Je pense à Henri Salvador et à Charles Aznavour. Il y en a qui ont encore une mausus de belle voix à cet âge-là!» 

Édith, l’aînée des cinq enfants qu’auront Lauretta Godin et Johnny Butler, est née le 27 juillet 1942 à Paquetville.
Édith, l’aînée des cinq enfants qu’auront Lauretta Godin et Johnny Butler, est née le 27 juillet 1942 à Paquetville. Photo : Archives

En 1988, avec ses parents.
En 1988, avec ses parents. Photo : Archives

De fiers parents

Édith se souvient de ses débuts, ce qui la ramène à ses parents. «Quand j’ai commencé, les festivals auxquels je participais étaient surtout aux États-Unis et au Canada anglais; il n’y avait pas énormément de places où jouer par chez nous. Une fois, on était allés en Gaspésie, et je voulais aller dans une petite boîte à chansons. Mon père m’avait dit: “Non, on ne va pas là. Il y a des drogués!” Une autre journée, j’étais allée faire une émission de télévision à Halifax. Je suis revenue avec un chèque de 300 $. Papa a regardé ça et m’a demandé: “Tu as travaillé combien de jours?” Je lui ai répondu: “Pas tout à fait une journée.” Après ça, il n’a plus jamais dit un mot!»

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Quant à sa mère, elle l’a soutenue depuis le premier jour. «Elle a assisté à tous les spectacles où elle pouvait venir. Elle est même allée en Europe et a fait une tournée française avec moi. Après les spectacles, on allait dans des grands restaurants, et elle adorait ça. Elle était tellement contente qu’elle embrassait tout le monde! Dans les rues, il y avait de grosses affiches de moi. Elle arrêtait les gens sur le trottoir pour leur dire que c’était sa fille qui était sur l’affiche. Ma mère aurait pu être une vedette parce que, dès qu’on braquait le spot sur elle, il y avait une lumière qui émanait d’elle. Elle était belle, maman. C’était la plus belle fille du village.» 

L’album Le tour du grand bois est disponible sur toutes les plateformes numériques.
Pour connaître ses actualités: edithbutler.ca.

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