Louise DesChâtelets aimerait faire un retour au jeu

Photo : Sébastien Sauvage

Pascale Wilhelmy

2021-10-27T13:00:00Z

Elle évolue toujours et apprend sur elle-même, ce qui lui permet de mieux conseiller les autres. Au plus fort de la pandémie, Louise DesChâtelets a eu l’idée d’un livre dans lequel elle consignerait des bonheurs tout simples — ce qu’elle fait déjà pour elle-même —, dans le but d’aider les gens à cheminer. Celle qui a beaucoup voyagé, qui a vécu entre Montréal et Paris, apprécie maintenant les petites choses de la vie: prendre un café le matin, admirer une lune presque rouge, goûter aux changements de saison. Voilà ce qu’elle a envie de partager avec nous.

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Je la regarde tandis qu’elle termine sa séance photos. Une taille longiligne, une élégance naturelle, une gentillesse qui l’est tout autant. Elle ressemble à celle que je regardais, plus jeune, à la télévision. C’est comme si le temps n’avait pas de prise sur Louise DesChâtelets. Pourtant, les années ont passé, et cette femme magnifique qui pose dans le studio a 75 ans. Elle pourrait être à l’heure des bilans, mais chez elle, ceux-ci font partie de la routine quotidienne, matin et soir. Alors elle a choisi de partager un peu de ses expériences, de ses acquis avec ce Carnet d’un voyage intérieur qui, espère-t-elle, devrait permettre aux gens d’avancer et de s’aimer...

Louise, vous nous proposez un nouveau livre, mais au fond, je ne sais pas comment l’appeler; ce n’est pas un roman, mais ce n’est pas non plus un agenda, malgré les jours, les semaines qu’on y trouve...
Disons que c’est entre le journal intime et l’autobiographie. C’est vraiment entre les deux, et je l’ai fait de façon dirigée. J’ai eu cette idée au tout début de la pandémie, quand je me suis rendu compte à quel point les gens étaient repliés sur eux-mêmes et avaient besoin de nouveaux repères. Je me suis dit qu’avec tout ce que j’avais acquis avec mon courrier personnel au Journal de Montréal, après 20 ans de confidences, de connaissances, de façons d’aider, très simplement, je pouvais faire quelque chose. J’ai eu envie de donner aux gens une petite méthode, un outil pour travailler sur eux-mêmes sans avoir besoin de consulter. Même si on peut consulter à n’importe quelle période de sa vie — ce que j’ai fait —, parfois, on a juste besoin de balises, de guides.

Donc, c’est un guide, dirons-nous...
Oui, mais c’est fait sous forme d’agenda, parce qu’il y a 365 jours, mais sans journées précises, lundi, mardi, mercredi, etc. On y trouve 52 semaines et on peut lire des pensées que j’ai choisies minutieusement, s’imprégner de textes qui marquent les changements de saison, d’autres qui sont des réflexions sur les grands problèmes que l’être humain peut traverser. C’est comme un petit guide pratique pour ne pas être obligé de lire 52 livres! 

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Oui, et il y a du travail à faire dans ce livre. Notamment, pour chaque semaine qui se termine, il y a quelques lignes où on doit faire un mini bilan avec «Ce que je retiens de ma semaine». Le faites-vous?
Bien sûr! Ça nous force à nous rendre compte de ce que nous faisons ou ne faisons pas pour nous-mêmes. Et ça force aussi à changer les choses quand on se relit six mois plus tard et qu’on réalise qu’on en est encore au même point. Je souhaite que les gens écrivent. Ça n’a pas besoin d’être bien écrit. Il faut se laisser aller, le garrocher, le lancer dans l’univers. C’est libérateur. Lorsqu’on écrit, on consigne ce qui se passe tel jour et on est capable de dire: «J’étais dans cet esprit-là et j’ai été capable de travailler sur moi-même; j’ai fait des choses qui m’ont permis d’évoluer.» Ça peut aussi être le contraire, mais on ne le souhaite pas...

Vous dites que ça peut être qu’on n’a pas évolué, mais lorsqu’on parcourt ce livre, vous désirez nous amener vers le meilleur. D’ailleurs, l’idée de départ est belle. Vous regardiez la lune et vous vous êtes dit que c’était splendide, qu’il ne fallait pas oublier ce moment...
C’était un matin, au tout début de la pandémie. Il faisait noir, il était environ 5 h 30 et je faisais mes exercices, ma méthode Nadeau. La lune était d’un rouge éclatant. Je me suis demandé comment exprimer aux gens qu’il est important de regarder une beauté comme celle-là et de la garder à l’intérieur de soi. Ç’a été important pour moi, parce que lorsque la pandémie est arrivée, on revenait du Mexique, et ç’a été comme si j’avais eu les deux jambes coupées. Aussi, mon mari avait une peur panique d’attraper la covid puisqu’il est immunosupprimé. C’était la folie dans l’avion, à l’aéroport. Mon déclencheur, ç’a été de me demander avec quoi on survit quand on n’a plus rien autour de soi, parce que ç’a été assez limité dans la vie de tout le monde, on n’a pas fait de grands voyages ni de grandes fêtes. C’est pour ça que je suis allée au plus simple. Je voulais faire comprendre que tous les beaux moments, telle cette lune rouge, il faut les garder en soi; qu’on peut s’en servir en y repensant quand on vit des journées de merde. Pour transcender ça, il faut aller ailleurs. Et si on n’est pas capable d’y aller tout seul, je donne des petites pistes, des exercices à faire sur soi, des choses à lire. 

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Photo : Sébastien Sauvage
Photo : Sébastien Sauvage

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Et ce n’est pas du tout moralisateur... Je disais que vous nous ameniez vers le beau. Par exemple, dans un texte, vous nous invitez à faire la liste de nos qualités plutôt que celle de nos défauts.
Oui, parce que nous, le Québécois moyen, on est doué pour ça! On voit trop souvent ce qu’on a fait de mal, ce qu’on a fait de pire, ce dans quoi on n’est pas bon. C’est comme si nous étions formés ainsi. C’est triste, mais c’est dans notre nature. Alors amener les gens à se dire ce qu’ils font de bien, à voir le beau à travers ça, c’est déjà bon. Parce qu’il y en a partout du beau, surtout dans les petites choses du quotidien, mais on ne les voit plus ou on passe à côté. Prendre son café tranquillement le matin et regarder le lever de soleil par la fenêtre, ça a l’air simple, mais juste ça, ça peut nous remplir pour toute une journée. Je suis donc partie de cette idée et j’y ai travaillé pour qu’on retourne à la base. Je parle des changements de saisons, d’apprécier le changement de couleur, ou l’apparition des feuilles dans les arbres, ce que signifie le printemps à une telle époque. Ce n’est rien de complexe, c’est tout simple, et c’est ce vers quoi je tends de plus en plus avec ma chronique dans Le Journal de Montréal. Des petits trucs, des moyens pas compliqués qui nous aident à faire un bon bout de chemin et à nous aimer. En gros, ce que je désire, c’est que les gens soient capables de corriger par eux-mêmes toutes les petites affaires qui ne marchent pas dans la vie et surtout de réaliser les bonnes, de mettre tout ça ensemble et de se dire: «Je fais une belle vie!»

C’est comme si, après avoir fait toutes ces démarches, vous aviez envie de donner au suivant...
C’est un peu ça. En même temps, je le fais de façon rigoureuse. Parce que dans le Journal, je suis obligée d’analyser les gens, mais afin d’y arriver, je dois le faire moi-même. J’ai dû aller en thérapie dans une période de ma vie où ça allait très mal, et c’est à ce moment-là que j’ai mis le doigt sur une part de moi que je ne connaissais pas. J’ai réalisé que parce que j’avais été très gâtée dans ma vie professionnelle, dans ma vie privée, je ne m’accordais pas beaucoup d’importance. À mes yeux, la personne avec qui je partageais ma vie avait toujours eu plus d’importance que moi. J’ai toujours balayé sous le tapis des choses que je n’aurais peut-être pas dû taire, parce que je me disais que j’étais déjà choyée dans ma carrière. Je n’avais pas cette réalité sur moi-même, celle qui m’aurait dit: «Des fois, Louise, il faut que ce soit toi qui décides de ce que tu veux dans ta vie privée et comment tu vas la vivre.» J’ai fait cette thérapie à la fin de la quarantaine, début de la cinquantaine, et ça a changé ma vie.

Mais il y a toujours ce besoin d’écrire...
Oui, c’est un travail constant! (rires) Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai fait quelque chose que je n’ai pas aimé de moi. Je ne dirai pas quoi, parce que ça n’est pas glorieux. Ça m’a hantée pendant cinq jours, jusqu’à ce que je décide d’écrire ce que j’avais vécu cette journée-là pour m’expliquer aux yeux de la personne. C’est un acte d’humilité et ça m’a pris cinq jours avant de le poser. Ça m’a rappelé une parole de ma mère, qui disait toujours, et ça n’a rien de poétique: «C’est pas parce que tu vis une journée de marde que t’es obligée de la faire supporter aux autres.» Et elle avait raison. Plus jeune, j’étais plus intempestive, plus comme un cheval ruant dans les brancards, et je me suis corrigée petit à petit. Mais il arrive encore des moments où ce vieux réflexe ressort... Ça m’a pris cinq jours avant de l’écrire, parce qu’on ne veut pas vivre avec la culpabilité. Et c’est ce que je ressentais. Tous les jours, je me réveillais avec ça en tête. Et c’est plate en titi. Surtout quand c’est ta première pensée le matin. Alors j’ai écrit à cette personne. Ça ne corrige pas ce que j’ai fait. Pour le moment, elle ne m’a pas répondu. Il se peut qu’elle ne le fasse pas, qu’elle soit fâchée à jamais, mais moi, j’ai fait ma démarche de pardon à moi, et ça ne m’obsède plus. 

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Photo : Sébastien Sauvage
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On revient aux bilans. En faites-vous régulièrement?
Oh oui, quotidiennement! Aussi, je fais des bilans plus réfléchis sur ma vie à chaque changement de saison. Les saisons ont beaucoup d’influence sur moi, et ça paraît dans mon livre. Ici, nous avons la chance d’en avoir quatre. Et ce sont toujours des moments importants pour moi. Je ne sais pas si ça me vient de ma mère. Je viens d’un milieu pauvre, et ma mère achetait des vêtements deux fois par année, à la rentrée scolaire et à Pâques. Au printemps, il y avait un petit costume et l’année suivante, c’était un manteau. Il fallait que les deux fassent deux ans. On mettait beaucoup de temps à trouver, parce que l’argent qu’on mettait dans ces achats comptait. Ma mère disait toujours: «Il vaut mieux acheter du beau. On va le payer plus cher, mais on en aura moins.» Et mes vêtements, j’y faisais très attention. Ça reste de beaux souvenirs. Le choix de la jupe ou de la veste d’automne, c’était tout un événement! Je suis sans doute marquée par ces souvenirs; les changements de saison restent importants pour moi et les bilans que je fais sont aussi importants. Mais chaque matin, je m’entraîne et je fais l’exercice de savoir comment je me suis couchée la veille et comment je me suis réveillée ce matin-là. Je suis très sensible à ça. C’est ma période de réflexion, avant même de lire les journaux.

Et si nous faisions maintenant un bilan de vie des dernières années... Sur le plan professionnel, ça ressemble à quoi?
Dans les dernières années, j’ai moins fait de télévision. Au départ, ça m’a un peu peinée. J’en ai beaucoup fait avant. J’ai dû accepter la situation et transposer mes bonheurs professionnels dans autre chose. Donc j’ai beaucoup animé, j’ai fait des commentaires dans certaines émissions et j’ai trouvé du plaisir à faire des trucs dans lesquels je ne me serais jamais vue, comme analyste à Loft Story. J’ai un mari qui a toujours travaillé en relations professionnelles; il m’a aidée à développer d’autres côtés de moi qui m’ont amenée à trouver du plaisir là-dedans. J’ai de vieilles amies de collège qui m’écrivent régulièrement. Encore récemment, une d’elles me disait qu’elle aimerait me revoir à la télé dans une série. Je lui ai répondu que ça viendra quand ça viendra. Je fais des petits rôles épisodiques et si ça ne revient jamais, je ne serai pas malheureuse. Je n’ai plus de ces grandes peines que j’avais avant lorsque je perdais quelque chose. J’ai appris à l’accepter. Il faut croire que je goûte à une certaine sagesse...

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Photo : Patrick Seguin
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Et d’un point de vue personnel, à quoi ressemble le bilan des dernières années?
La vie est belle. Je suis heureuse, mais dans les choses simples. J’ai même appris à m’habiller en mou, moi qui étais toujours tirée à quatre épingles! Maintenant, j’ai le mou facile, et j’y prends plaisir. (rires) Je continue à aimer la mode et à trouver les choses belles. Ce que j’ai porté aujourd’hui pour la séance photos, c’est magnifique. Mais ce n’est plus comme avant. Avant, j’aurais voulu tout acheter tout de suite, les avoir à moi, ces vêtements. Maintenant, je me dis que c’est beau, que c’est important, mais qu’il y a d’autres choses qui sont importantes. Et dans mon bilan personnel, je te dirais surtout que je vis avec un homme qui est une soie. J’ai eu une vie amoureuse en montagnes russes. J’ai vécu de belles expériences et d’autres très laides, mais je ne garde pas de mauvais souvenirs de quoi que ce soit. Et cette rencontre-là, qui s’est faite par hasard, est un cadeau incroyable. Ça faisait sept ans que je vivais seule. J’étais certaine que j’allais finir mes jours seule. J’avais mon appartement à Paris, j’allais passer deux mois là-bas au printemps et deux autres l’hiver. Je sortais avec mes amis, là-bas et ici, et je n’avais plus aucun désir de conquête. Puis cet homme, Marc, est arrivé dans ma vie tout simplement, tout doucement. On s’est rencontrés, et je peux dire qu’on est vraiment faits pour être ensemble. Ça s’est fait naturellement. J’ai 75 ans et ça fait 13 ans que c’est l’amour. On est encore tellement bien que c’est plate de le dire. Oui, personnellement, c’est un très beau bilan. Je m’estime chanceuse et j’ai une excellente santé. La vie m’a gâtée.

Carnet d’un voyage intérieur, publié aux Éditions du Journal, est offert en librairie depuis le 18 octobre. Louise DesChâtelets, qui collabore au magazine La Semaine, signe quotidiennement le Courrier de Louise dans les pages du Journal de Montréal.

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