Julie Bélanger revient sur son deuil de la maternité

Photo : Julien Faugere

Michèle Lemieux

2020-11-09T13:55:00Z

Dans son livre Être bien, Julie Bélanger nous entraîne à travers ses différentes démarches pour être mieux avec elle-même et les autres. Celle pour qui parler de mentale est une véritable mission évoque les blessures que la vie lui a infligées. Parmi celles-ci, la non-maternité, qui aurait pu être une épreuve pour l’animatrice, mais dont elle a fait le deuil pour se tailler une vie remplie de défis à sa mesure.

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Photo : Julien Faugere
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Julie, as-tu la chance de voir plusieurs de tes projets se poursuivre?
Oui, et je me considère comme privilégiée. Nous sommes de retour avec Ça finit bien la semaine. Notre public est virtuel et nous respectons les consignes. À la radio, le studio a été aménagé pour nous permettre de poursuivre notre travail. Et il y a le livre, Être bien, que je suis fière d’avoir écrit. Il est encore plus beau que ce que j’avais imaginé!

Ce livre nous fait donc partager plusieurs de tes moments d’intimité, qui nous rejoignent pour la plupart.
Oui, c’est beaucoup de vulnérabilité, d’authenticité. C’est libérateur pour moi. Apprendre à me connaître, à m’aimer, à fixer mes limites a été une quête qui a duré des années. J’ai travaillé fort pour être bien. Il n’y a pas de cachette ni de vernis dans mon livre. On dirait que ça m’aide à m’assumer encore plus. Plus on est dans l’intime, plus on touche l’universel. Nous avons tous des blessures, des épreuves à traverser, des moments de désespoir. Si ça peut entraîner des prises de conscience ou aider des gens à économiser temps et argent en thérapies, tant mieux! (rires) Quand je n’allais pas bien, c’est le genre de lecture que j’aurais aimé avoir sous la main. Comme ce sont des billets, on peut les lire au hasard. Je serais heureuse de savoir qu’ils apportent un peu de lumière en ces temps difficiles... 

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Tu as travaillé fort pour être bien, n’est-ce pas?
Oui, et je n’y suis pas encore arrivée. Je suis allée chercher des outils pour avoir une vie qui me ressemble le plus possible. J’avais atteint le fond du baril, je n’en menais pas large. Je me sentais fragilisée. Je n’allais vraiment pas bien... Je suis, entre autres, allée en thérapie. Les gens avaient vécu des choses bien plus graves que moi... Je me jugeais. Je viens d’une famille aimante: de quel droit est-ce que je venais me plaindre en thérapie? 

Une thérapeute t’a dit qu’un enfant qui a été trop aimé se trouve désemparé devant les difficultés de la vie. Que peux-tu nous en dire?
Exact! Je fais partie de la génération trop couvée... (sourire) Il y avait de la ouate tout autour de moi. C’était rempli d’amour et de bonnes intentions, mais lorsque je suis arrivée dans le vrai monde, je n’étais pas prête à y faire face. La moindre chose me faisait mal. Une autre phrase m’a interpellée: «La souffrance ne se compare pas.» Il faut nommer la souffrance, lui donner le droit d’exister pour pouvoir s’en sortir. Il faut aller chercher de l’aide, aller en thérapie. Il n’y a pas de honte à ça. C’est important de parler de santé mentale dans le contexte anxiogène que nous connaissons. Moi, j’ai fait un burnout. Un proche a fait une grave dépression. J’aurais voulu prendre sa souffrance et l’aider. Comme ce n’était pas possible, j’ai choisi de communiquer. C’est ainsi que le blogue est né; le livre en est la suite logique. 

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere

Quelles prises de conscience ont changé ta vie?
Le moment où j’ai appris à dire non, à fixer mes limites tout en respectant l’autre. Ç’a été marquant, parce que j’étais la fille qui ne voulait pas déplaire, qui voulait être parfaite. J’ai appris à m’aimer. Un jour, j’ai compris que ça passait parde petits détails: être indulgent envers soi-même, être bienveillant, se dire de belles choses au lieu d’attendre que ça vienne des autres. J’ai aussi compris la source de mon perfectionnisme. Mes parents étaient contents quand je réussissais, mais ils n’étaient pas exigeants envers moi. Dans un des textes, je parle du jour où on m’a «abandonnée»...

Que veux-tu dire par là?
À l’âge de deux ans, j’ai été gravement malade. On m’a laissée à l’hôpital pendant 10 jours sans que mes parents aient un droit de visite. J’étais attachée à un lit, sans doudou ni toutou. C’était la procédure de l’époque. J’ai toujours su que j’avais fait une fièvre typhoïde et que j’avais failli mourir, mais je n’avais jamais compris l’impact que cela avait eu sur moi. Pendant une séance d’hypnothérapie, j’ai compris que j’avais eu l’impression de ne pas avoir été une bonne petite fille et que pour cette raison, on m’avait abandonnée... Par la suite, j’ai toujours eu peur d’être abandonnée. Cette blessure fera toujours partie de moi. Il existe cinq grandes blessures, nous avons chacun les nôtres. Les miennes sont le rejet et l’abandon.

Arrive-t-on à mettre un baume sur ces blessures?
Oui, mais il m’a fallu comprendre pourquoi j’avais ces réactions complètement irrationnelles dans certains contextes. Nos vieilles blessures se répercutent dans notre vie d’adulte et si on ne les désamorce pas, on risque de répéter des comportements complètement inappropriés.

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Parmi ces blessures, tu reviens à deux reprises sur la non-maternité. Ce thème avait-il provoqué de nombreuses réactions?
Oui, et je ne m’attendais pas à ce raz-de-marée: il y avait eu 300 000 vues sur mon blogue! De toute évidence, j’avais touché un tabou. Pendant longtemps, j’ai senti que ce n’était pas normal. Souvent, on me demandait: «C’est pour quand les bébés?» Ça met de la pression quand ça n’arrive pas. Il vient un moment où il faut accepter que la vie se déroulera sans enfant. Est-ce que je peux quand même être heureuse, épanouie, aimante et donner cet amour maternel à quelqu’un d’autre qu’un enfant? Oui. Les femmes m’ont écrit pour me remercier de mettre des mots là-dessus. D’autres m’ont dit que ça leur avait permis d’arrêter de s’acharner. Certaines s’étaient rendues très loin et avaient vécu échec après échec. Elles avaient compris qu’elles devaient accepter que la vie pouvait être belle, même sans enfant. J’étais heureuse, car c’était aussi le fruit de ma réflexion. J’avais beau tout essayer, ça ne fonctionnait pas et j’avais de la peine tous les mois. 

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Tu as choisi de ne pas te tourner vers les traitements de pointe, n’est-ce pas?
Effectivement. Pour moi, c’était la limite. Certains ont le courage de le faire et c’est parfait. Moi, je n’avais pas ce qu’il fallait pour ça. Je me disais que si ça se produisait, c’était tant mieux, mais que si ça n’arrivait pas, ça n’arrivait pas et c’est tout. 

Que penses-tu du fait qu’en 2020, les gens puissent porter un jugement sur cette question?
Je comprends que ceux qui posent ces questions n’ont vraiment pas de mauvaises intentions. On ne connaît pas l’histoire des gens. Peut-être qu’on touche à un bobo... On ne devrait pas avoir à se justifier. Certaines ne peuvent pas en avoir, d’autres n’en veulent pas. Ne pas vouloir d’enfant ne fait pas de toi une mauvaise personne. Pendant longtemps, des préjugés ont subsisté et si on ne voulait pas d’enfant, on était considéré comme des égoïstes, des carriéristes. Pourtant, on peut être une bonne personne autrement.

Tu aimes les enfants, mais tu n’étais pas prête à tout faire pour en avoir un. Comment expliques-tu cela?
Plus jeune, j’entendais des filles dire qu’elles voulaient des enfants avant 30 ans. Moi, je voulais voyager, me réaliser dans ma carrière, m’épanouir. J’avais des rêves tellement grands! Après quelques années avec mon chum, nous avons songé aux enfants. Nous avons laissé aller la vie, mais la vie m’a fait comprendre que ça ne serait pas pour moi. J’ai quand même eu un sentiment d’échec. Je suis une performante: quand j’entreprends quelque chose, c’est dans le but de réussir. J’avais décidé que je voulais un enfant... et ça ne marchait pas. J’ai pensé que j’avais un problème. J’ai vraiment vécu un sentiment d’échec. Puis, j’ai accepté la situation et j’ai décidé d’ouvrir la porte à autre chose. J’ai une nièce à qui je donne plein d’amour maternel. Je lui ai dédié mon livre, de même qu’à mon frère. Je ne pourrai jamais transmettre ma vision de la vie et mes valeurs à un enfant. Si je peux léguer quelque chose à Emma, c’est mon livre. 

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Crois-tu que ça pourrait lui donner des outils pour faire face à la vie?
Je le lui souhaite tellement! Je la vois aller: nous nous ressemblons beaucoup... C’est une mini-moi. C’est une petite blonde qui veut toujours gagner, être parfaite, avoir de bonnes notes. Je vais essayer de l’aider. À mes yeux, c’est la plus belle et la plus fine... (sourire)

Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere

Il semblerait que parfois, le deuil de la maternité te rattrape... Crois-tu que ce soit un deuil à long terme?
Oui, ce sont des vagues. Je vois ce deuil comme étant semblable à celui qu’on éprouve pour une personne qu’on a aimée. Ça va bien puis, alors qu’on pensait être passé au travers, ça nous happe à nouveau. Ça m’est déjà arrivé, mais disons que ces temps-ci, c’est plus calme. Je ressens une acceptation plus profonde. Je me souviens d’une discussion où une phrase avait été lancée de manière plutôt maladroite: «Oui, mais toi, tu ne peux pas avoir d’enfant...» Ça m’avait fait tellement de peine! Je réalisais encore une fois que, contrairement à d’autres, je n’allais pas connaître cet état-là... Alors oui, c’est revenu me happer à quelques reprises, mais je crois que ça fait partie du processus du deuil. Je constate que ça s’adoucit avec le temps. 

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Ça implique aussi qu’il faille se trouver des projets en tant que couple?
Oui, voyager entre autres. Ça a toujours fait partie de notre vie. Sinon, nous sommes très casaniers. Nous sommes bien chez nous! Finalement, j’ai reproduit le modèle de mes parents... Mon père répète toujours: «On est ben à maison!» (rires) Cuisiner une belle grosse bouffe avec mon chum, faire un feu de foyer, ouvrir une bonne bouteille, regarder le fleuve: le plaisir passe par tous ces petits moments. 

Te reste-t-il des rêves sur ta bucket list?
(Rires) Oui, il en reste! Une auditrice à Rythme m’avait dit un jour qu’elle avait fait la liste de ses 101 rêves. Elle faisait valoir que ça nous forçait à ne pas nous concentrer uniquement sur les grandes choses, mais aussi sur les petits plaisirs tout simples. J’ai donc encore plein de petites choses à accomplir qui pourraient contribuer à mon bonheur. Mon amoureux a aussi réalisé un grand rêve, celui de lancer son entreprise. Il est inspecteur en bâtiments. Ç’a été difficile avec la pandémie, mais il est résilient et rebondit vite. Il avait déjà travaillé en réparation navale, il fait donc de la réparation de petits bateaux. C’est un manuel, un travaillant. Son entreprise reprend son envol, et il en est très heureux. Ken a osé plonger. Je suis là pour lui, et il est là pour moi. Notre couple est comme un balancier: quand l’un ressent un besoin, l’autre est là pour lui et inversement.      

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Être bien est disponible en librairie.

Ça finit bien la semaine, vendredi 19 h, à TVA.

Du lundi au jeudi, Julie anime Rythme au travail, de 8h30 à 11h30, et coanime Lunch 80-90, avec Marie-Eve Janvier, de 11h30 à 13h, à Rythme FM.


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