Violette Chauveau s'ouvre sur le deuil éprouvant de sa fille Rosine

Bruno Petrozza

Michèle Lemieux

2022-01-10T15:35:31Z

Le 18 février 2021, Violette Chauveau vivait la pire épreuve qu’un parent puisse imaginer: sa fille Rosine décédait alors qu’elle n’avait que 28 ans. Avec le soutien de sa famille, de ses amis et de la communauté culturelle, l’actrice apprivoise lentement l’absence. Alors qu’elle remontera prochainement sur les planches à l’Usine C, la comédienne évoque les durs mois qu’elle vient de traverser.  

Violette, vous avez repris vos activités professionnelles, semble-t-il?
Oui, j’ai joué dans la pièce alterIndiens en Abitibi, de Drew Hayden Taylor, un auteur autochtone, avec une équipe fabuleuse. En septembre dernier, à la première, il y a eu beaucoup d’émotions à renouer avec le public. Cet accueil chaleureux nous a fait du bien. Ce projet m’a aussi permis de faire un séjour dans la communauté Mashteuiatsh. J’ai rencontré un guérisseur, nous avons fait une sweat lodge. Ç’a été une expérience incroyable. Comme j’ai vécu une grosse épreuve cette année, ça m’a aidée à avancer. Je suis aussi en train de répéter la pièce Vernon Subutex, qui devrait être présentée à l’Usine C, avec une distribution hallucinante! On attend de voir ce qui se passe avec la pandémie.      

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Marie-Andrée Lemire
Marie-Andrée Lemire

Vous avez connu, comme bien d’autres, une accalmie professionnelle avec la covid?
J’ai eu quelques tournages, mais mentalement, je n’étais pas prête à travailler de nouveau. J’ai même remis en question ma participation à Platonov. Je ne savais pas si j’allais être capable de recommencer à travailler. Finalement, ça m’a fait beaucoup de bien. Angela Konrad a été extraordinaire. Je voulais lâcher le projet, mais elle a suggéré que je poursuive.

Vous viviez la douleur d’avoir perdu votre fille, Rosine.
Oui. C’est une épreuve majeure, mais j’ai eu le soutien de la communauté artistique, de mes amis, de ma famille. Tout le monde s’est rallié. Je ne sais pas comment les gens peuvent traverser pareille épreuve sans soutien. Je me suis estimée très chanceuse malgré tout. Quand ça arrive, on n’a aucune référence. Au début, je me suis demandé comment j’allais faire pour survivre à ça. Le père de Rosine (Normand Chouinard) et moi avons vécu beaucoup de remises en question. Rosine était une jeune femme tellement courageuse! Elle a vécu des épreuves desquelles elle est passée au travers avec tant de force et de dignité, c’était injuste que ça se termine ainsi. 

Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere



Faire le deuil de son enfant, c’est sans doute la pire épreuve à traverser dans une vie.
C’est inimaginable. Heureusement qu’il y a son petit bout de chou. C’est beau de voir sa mère vivre à travers lui. Il lui ressemble tellement quand elle était petite que c’en est troublant. Être avec lui nous apaise, nous fait du bien. Nous nous faisons du bien mutuellement. Avec lui, nous sommes dans le moment présent, la joie, la vie. Rosine continue de vivre d’une façon différente pour nous. Elle nous a laissé tellement de choses... Elle était exceptionnelle. Le nombre de personnes qui m’ont appelée pour me dire combien elle les a aidées... Elle a fait énormément de bien autour d’elle. Heureusement, nous l’avons beaucoup filmée. Elle adorait chanter, et elle chantait particulièrement bien. Ça me manque de l’entendre. Elle est présente à chaque seconde dans ma vie. 

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On sent encore la douleur que cette perte vous impose...
C’est le cas. Et il y a encore beaucoup de questions. Je mettrai le temps qu’il faut. Je crois qu’on apprivoise l’absence. Son fils, qui a quatre ans, demande sa maman. C’est étonnant comme les enfants ont une grande force de vie. Il a une maturité incroyable et une sensibilité à fleur de peau, comme Rosine. On disait d’elle qu’elle était une vieille âme. Je sens cela chez Maël.      

Vous parliez de votre entourage qui est là pour vous.
Oui, je suis vraiment bien entourée. Je suis très chanceuse. Ma mère est extraordinaire. Elle va à l’église, elle prie. Moi, je ne suis pas très portée sur la religion, mais j’essaie de trouver des choses qui m’aident. Au début, je n’arrivais pas à sortir de chez moi. Ce sont des amis qui ont organisé la vie autour de moi. Mon nouveau chum, Normand Bissonnette, a été extraordinaire, comme ses deux filles. Il y a des gens qui ont été présents alors que je ne pensais pas qu’ils y seraient. La vie est surprenante...

Photo : Bruno Petrozza
Photo : Bruno Petrozza



Les gens ont su vous montrer leur bienveillance.
En effet. Une amie, Alix Dufrène, a fait une collecte de fonds dont j’ignorais l’existence, pour me faire parvenir de la bouffe afin que je n’aie pas à me préoccuper de ça. Il y avait toujours quelqu’un qui venait me voir pour m’inciter à aller marcher. J’ai été choyée. Des collègues m’ont écrit, dont Louise Latraverse, que je connaissais moins, qui prenait chaque jour de mes nouvelles. Mes grands amis, Joanna Murphy, Éric Bernier, Valérie Blais, m’ont aidée à passer au travers. Alice Ronfard et son fils Jules ont orchestré une magnifique cérémonie au théâtre Espace Go, grâce à Ginette Noiseux. Je pense aussi à toute la bienveillance de Nathalie Duchesne et de son équipe. Mes amis ont été là jour et nuit, comme ceux de Rosine! Maude Gadouas, Julie Renaud, Rébecca Vachon et toute sa classe de l’École nationale! Et même si nous ne sommes plus ensemble, le père de Rosine et moi formons une équipe solide. 

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Photo : Jean Langevin
Photo : Jean Langevin

Vous avez mentionné plus tôt d’une séance chez les Mashteuiatsh. Cela vous a-t-il aidée?
Ça m’a aidée à retrouver un peu de magie. Je suis très spirituelle dans la vie, mais j’avoue que cela m’a frappée de plein fouet. Je ne trouvais plus de sens à la vie. J’ai reçu des cadeaux symboliques qui m’ont raccrochée à la vie, qui ont suscité l’espoir. Dans la communauté Mashteuiatsh, j’ai rencontré des gens qui ont vécu de grandes épreuves, entre autres les pensionnats. Ils savent ce qu’est la souffrance. Il y a eu un réel échange. Ils m’ont aidée à passer au travers. La mort a frappé fort, mais l’amour et la bienveillance ont été présents. 

Cela vous aide à trouver la force de poursuivre en dépit de cette douloureuse absence?
Oui. J’ai toujours profondément aimé la vie mais là, je me suis demandé jusqu’à quel point je l’aimais... Je fais ce qu’il faut. J’ai un suivi psychologique. J’arrive à présent à sourire quand je pense à Rosine. Elle est enterrée près de chez moi. Ça me fait du bien d’aller me recueillir sur sa tombe. Maël demande parfois de m’accompagner et je l’y amène. J’essaie de lui expliquer que sa maman est toujours là, et je le crois vraiment. Comme c’est dur d’imaginer ce qu’est un ange, je dis à Maël que sa maman est comme un papillon. Il s’est approprié cette image pour passer au travers. Cela a suscité une certaine forme de magie. Quand il voit un papillon, il se dit que c’est «maman» qui nous l’envoie. Qu’on y croie ou non, ça fait du bien. Rosine a eu une courte vie, mais elle a été très marquante. Elle a laissé sa trace à plusieurs égards...

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Pour s’informer sur les représentations de Vernon Subutex à l’Usine C: usine-c.com.
On a pu voir Violette dans Les moments parfaits, cet automne. La série est diffusée le mercredi à 20 h, à TVA (offerte aussi sur qub.ca).

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