Après 30 ans de carrière, Geneviève Brouillette sent encore que tout est possible

Photo : Dominic Gouin / TVA Pub

Daniel Daignault

2021-09-11T14:45:13Z

Geneviève Brouillette a fait ses débuts dans le métier à l’âge de 19 ans et, au cours de toutes ces années, elle a réussi à bâtir une belle relation d’amour avec le public. On la voit cet automne dans District 31 et dans 5e rang, et elle est l’une des vedettes du film La face cachée du baklava. La veille de notre rencontre, la comédienne avait célébré son 52e anniversaire de naissance, ce qui constituait une belle entrée en matière pour parler du temps qui passe.

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Geneviève, est-ce que ça signifie quelque chose de spécial pour toi d’avoir 52 ans?
Pas du tout! Je n’ai pas de grands états d’âme à propos du temps qui passe, je n’ai pas d’angoisse existentielle par rapport à ça. Ma vie va bien, je trouve même que je suis plus heureuse que je ne l’étais à 30 ans. Je suis plus sereine, mieux dans ma peau, mieux entourée aussi. C’est une belle occasion de célébrer; j’ai des amis qui sont venus à la campagne, et on a fait un beau souper dehors, il faisait chaud. Il fait toujours beau à ma fête, je suis vraiment chanceuse.

Il y a deux ans, le fait d’atteindre le plateau de la cinquantaine t’avait-il un peu secouée?
Même pas! Je me suis dit que c’était un beau jour de ma vie, parce que j’avais 50 ans, parce que j’ai des amis qui sont morts du cancer, entre autres, avant d’avoir cet âge. Quand je pense au temps qui passe, c’est vraiment le verre à moitié plein, et même un peu plus. C’est un privilège d’être en vie, d’être capable de l’apprécier et d’être aussi rendue à une belle place dans ma vie. 

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Chose certaine, le temps ne semble pas avoir d’effet sur toi, tu ne changes pas!
Ben voyons donc! J’ai une bonne génétique, et ça me coûte cher en crèmes! (rires) Quand tu es actrice, ton outil de travail, c’est ton visage, et il faut que tu en prennes soin. J’essaie de retarder le plus possible le moment où je prendrai peut-être des injections, des choses comme ça, mais pour l’instant, les crèmes font la job. Ma mère a 86 ans, elle est super jolie et n’a presque pas de rides. Dans le fond, c’est peut-être la génétique; je pourrais peut-être payer moins cher pour mes crèmes. (sourire)

En plus de 30 ans, tu as joué une trentaine de rôles. On peut dire que tu vis bien avec ton statut de pigiste...
On compose tous avec ça, et c’est une réalité qui nous rattrape à la fin de chaque contrat. On est confrontés à ce qui va arriver ensuite. Moi, ça ne m’angoisse pas tant que ça. Je pense qu’il y a des gens qui seraient malheureux de vivre dans cette réalité-là, alors que, pour ma part, je serais plus angoissée à l’idée de savoir ce que je vais faire pour les 10 prochaines années. Je trouve ça excitant, je sens que tout est encore possible, que tout peut arriver et qu’il peut se présenter un nouveau personnage capoté qu’on n’a encore jamais imaginé. Je me dis parfois que mon prochain personnage est peut-être déjà écrit ou qu’il est dans la tête d’un auteur. C’est excitant d’espérer qu’il y en aura d’autres à venir, même s’il n’y a pas de garantie que ce sera le cas. Mais après 32, presque 33 ans de métier, je peux quand même me dire que ça finit par arriver et que ce n’est pas mon dernier personnage que j’ai joué dans La face cachée du baklava, dans District 31 ou dans 5e rang. Chaque fois, le défi est de faire en sorte que les gens croient à une nouvelle personne, une nouvelle femme qui a sa vie, son travail, sa façon d’être. C’est ça qui est tripant. Et la vie m’a souvent prouvé que c’est parfois plus l’fun et plus beau que ce que j’avais pu imaginer. 

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Par exemple?
Je pense au moment où j’ai tourné avec Philippe Noiret (le film Père et fils, en 2003). Je n’aurais jamais pensé que ça m’arriverait. Comme avec La face cachée du baklava; la réalisatrice Maryanne Zéhil m’a offert ce rôle-là et elle ne me connaissait pas, elle m’avait simplement vue jouer dans une affaire. Des fois, tu te bats comme un fou, tu passes plein d’auditions et ça ne marche pas, et tout à coup, tu reçois un appel qui vient de nulle part et c’est quelqu’un qui t’offre un rôle sur un beau plateau d’argent, quelqu’un qui te fait confiance et qui t’aime. C’est l’fun! Écoute, ce n’est pas un métier facile, il y a des bouts où c’est même très cruel. C’est toujours à recommencer. Et même à mon âge, j’ai toujours l’impression que j’aurai encore tout à prouver lors de mon prochain rôle. 



Justement, dis-moi un mot sur le film La face cachée du baklava...
C’est franchement sympathique. Je pense que c’est le genre de film dont on a besoin en temps de pandémie. C’est une comédie et c’est très tendre et chaleureux. Les personnages ont d’énormes défauts, mais ils finissent tous par s’accepter comme ils sont et par s’aimer. Il y a quelque chose d’éminemment réconfortant dans ce film, et ça nous fait connaître la communauté libanaise montréalaise, qu’on ne connaît pas, ou du moins, que moi je ne connaissais pas.

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Ton personnage de Gabrielle dans District 31 s’est bâti au fil du temps. On ne savait rien d’elle au début...
Moi non plus, d’ailleurs! On ne sait jamais rien à l’avance dans District 31. On reçoit le texte et on l’apprend. C’est vraiment capoté, c’est très différent de ce que j’ai fait avant, parce que d’habitude, on a une ligne directrice et une description du personnage. Il arrive parfois qu’on lise le scénario du film ou la première saison d’une série au complet. Quand je suis arrivée dans District 31, j’avais la première semaine de textes et c’est tout. Puis un jour, j’ai appris que Gabrielle était mariée et qu’elle avait trois enfants. C’est différent comme façon de travailler, parce qu’il faut tout le temps laisser des portes ouvertes et accepter que le personnage va évoluer là où tu n’aurais pas nécessairement pensé l’amener, mais c’est intéressant et super le fun à faire. 

Photo : Karljessy / RADIO-CANADA
Photo : Karljessy / RADIO-CANADA



Qu’aimes-tu le plus dans ton travail de comédienne?
Les rencontres artistiques et humaines avec les autres collègues acteurs, les auteurs, les réalisateurs. Je pense que c’est ce qui m’anime le plus et qui me rend heureuse. Il faut que tu sois un happy camper pour aimer ce travail, parce que tu travailles en équipe. J’exagère, parce qu’on travaille vraiment fort, mais un plateau de tournage, c’est comme un camp d’été. Il faut aimer cette énergie, le travail de gang. Quand ça fait longtemps que je ne suis pas allée sur un plateau, je m’ennuie. Je suis une bibitte bien sociale et j’ai besoin d’avoir cette gang-là autour de moi.

Tu as toujours beaucoup travaillé. J’imagine que tu ne crains pas que les choses s’arrêtent subitement...
La confiance n’est pas ma grosse force, c’est la chose qu’il va falloir que je travaille toute ma vie. J’ai toujours l’impression qu’on a été aussi bon que notre dernier rôle et que ce qu’on a pu faire avant ne compte pas. Quand je suis arrivée sur District 31 et que le monde ne tripait pas sur le personnage de Gabrielle, ç’a été un défi pour moi. Je me suis dit que je réussirais à aller les chercher un par un et qu’ils finiraient par l’aimer, parce que cette fille-là est droite et elle a du cœur. Cette année, j’ai été en nomination pour un trophée ARTIS, alors on est passés de: «Oh non, pas elle!» à une nomination au Gala ARTIS. Pour moi, ç’a été une belle leçon de ténacité et de courage, parce qu’habituellement, je joue des personnages sympathiques.

Y a-t-il un personnage qui t’a vraiment collé à la peau et dans lequel tu te reconnaissais?
Je pense qu’Hélène Charbonneau, dans Rumeurs, me ressemblait beaucoup à cet âge-là. Elle avait plus d’humour que moi, elle était plus intelligente et plus folle aussi, mais il y avait quelque chose de moi dans l’essence du personnage et de ce que je vivais dans ma vie à ce moment-là, alors que j’étais célibataire et que je rencontrais toutes sortes de gars qui n’avaient pas d’allure! On se rejoignait vraiment beaucoup elle et moi.

Tu parlais de thérapies; en as-tu suivi plusieurs au cours de ta vie?
Beaucoup! Pendant longtemps. Je ne comprends pas comment il se fait que tout le monde n’en fait pas une à un moment dans sa vie. Je pense qu’il y a des choses qu’on ne peut pas comprendre seul et qu’on peut faire souffrir les gens autour de nous, et nous-mêmes, en restant pognés dans nos affaires sans pouvoir les nommer et les voir. Guérir ces choses-là, les régler, c’est ce qui nous permet d’avancer dans la vie. Ça m’a aidée à devenir une meilleure personne et à avoir une meilleure vie. C’est pour ça que je te dis que ça ne me dérange pas d’avoir 52 ans, parce que lorsque je pense à ma trentaine, je n’étais pas le quart aussi sereine et heureuse que je le suis présentement.

District 31, du lundi au jeudi à 19 h, à Radio-Canada.
5e rang, mardi 21 h, à Radio-Canada.
La face cachée du baklava est maintenant présenté en salle.

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