Guy Nadon sur son parcours scolaire tumultueux

Photo : Dominic Gouin

Michèle Lemieux

2021-03-14T20:56:11Z

Pour plusieurs acteurs, jouer aux côtés de Guy Nadon tient du privilège. Il faut dire que l’homme cumule bien des années au sein de ce métier et que sa passion pour le jeu n’a pas pâli au fil des ans. Lorsqu’il a quitté le collège sans diplôme et s’est inscrit à l’École nationale de théâtre, il a inquiété ses proches, mais il avait trouvé sa voie. Comme quoi la vie ne se vit pas toujours en ligne droite...

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Monsieur Nadon, vous travaillez sur plusieurs projets actuellement. Où peut-on vous voir et vous entendre?
Je joue dans La Maison-Bleue, une série qui se veut loufoque et dans laquelle j’incarne le quatrième président du Québec depuis le référendum de 1995. C’est un candide, mais il peut parfois se montrer machiavélique. La République du Québec, c’est la réalité des petits pays qui sont aux prises avec de gros pays autour d’eux. Ils risquent de se retrouver dans des situations où le ridicule n’est jamais très loin... J’ai aussi enregistré une série de romans policiers écrits par Jacques Côté et je fais de la surimpression vocale.     

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Revenons, si vous le voulez bien, à votre choix d’exercer ce métier. Avez-vous su très rapidement que vous étiez destiné à devenir acteur?
J’ai eu l’intuition de ce métier alors que j’étais très jeune, vers cinq ou six ans. J’ai compris que des gens faisaient cela comme métier et ça m’avait frappé. Ma maman m’avait amené voir Ben-Hur au cinéma. Elle avait acheté un cahier souvenir. À la fin de ce cahier, on pouvait lire les crédits techniques. On y voyait, entre autres, un gars assis sur une grosse caméra de l’époque habillé comme dans les années 1950. C’était le directeur photo qui discutait de la prise avec Charlton Eston qui, lui, était habillé en Romain.

Cela vous avait intrigué?
Oui, et j’avais questionné ma mère. Elle m’avait expliqué que c’était un acteur, qu’il était déguisé. J’avais été séduit par cette proposition. Se déguiser, c’était comme vivre une Halloween chaque soir. Ma mère m’avait inscrit à des cours de diction, mais j’avais rapidement abandonné. Je n’aimais pas faire ça de mes samedis après-midi. À la petite école, ces leçons que j’avais prises m’avaient permis d’avoir une certaine qualité d’énonciation. Les sœurs me faisaient souvent lire les remises de notes. Je n’avais pas le trac, j’y prenais même un certain plaisir. 

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Comment avez-vous découvert le théâtre?
Lorsque je suis arrivé au collège Jean-de-Brébeuf, j’ai trouvé ça pénible... C’était une chance, mais c’était socialement pénible. Il y avait énormément de bourgeois. Pour la première fois de ma vie, j’ai senti les classes sociales. J’avais du mal à me lier aux gens qui étaient sur place. Il fallait que je trouve une manière d’y trouver du plaisir. Au cours de la deuxième année, je m’étais inscrit à l’atelier de théâtre en me disant que j’allais parler à des gens, travailler avec eux à un projet commun. Je ne connaissais rien au théâtre, mais j’en savais suffisamment pour avoir cette certitude. Je me suis rendu compte que je trouvais un grand plaisir et une grande vitalité à aller sur scène. Ça m’a fait plaisir. Très rapidement, les études ont pris le bord! J’ai abandonné mes études sans obtenir de diplôme. Je suis un décrocheur à qui la vie a réussi. Lorsque je suis entré à l’École nationale, j’avais à peine 19 ans. 

Photo : Bertrand Calmeau
Photo : Bertrand Calmeau


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Je n’ose imaginer vos parents: ne pas terminer ses études collégiales et se diriger en théâtre, deux raisons de s’inquiéter pour vous?
Absolument. Mon père m’avait annoncé un avenir raté... (rires) Ma mère l’avait tempéré: ça ne servait à rien de me faire des remontrances, j’aimais ce que je faisais. Finalement, mon père a eu le temps de m’épauler dans mon choix de carrière, malgré ses prédictions catastrophiques. Il est venu voir tout ce que je faisais. Il a eu le temps de me voir passer d’un jeune sans beaucoup de métier à quelqu’un qui en acquérait rapidement et s’améliorait. À 21 ou 22 ans, on m’appelait sur des projets qui me sortaient de mon anonymat. Il a vu cela avant de mourir. Il était content et fier. 

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Vous avez pu lui montrer que vous étiez en mesure de faire votre place au soleil?
Oui, mais il était très réaliste quand il m’a parlé du métier. J’ai eu le même réflexe avec mon fils. Quand il a décidé de devenir un athlète professionnel, je lui ai dit ce que mon père m’avait prédit. Qu’il veuille devenir footballeur, j’avais envie de me taper la tête sur les murs... Je me suis rendu compte que de génération en génération, les parents ont toujours le même réflexe. Le plus important, c’est de laisser l’enfant être et devenir ce qu’il souhaite. Ensuite, on verra comment la vie dansera avec lui. 

Votre carrière a démarré dès la sortie de l’école, si je comprends bien?
Oui. Ce dont j’étais convaincu, c’est que j’allais devenir un meilleur acteur si j’avais la chance de jouer au théâtre. Les premières années, j’ai eu énormément de chance. J’ai travaillé au Théâtre d’Aujourd’hui pour Jean-Claude Germain et des metteurs en scène qui faisaient des créations. Ç’a été extrêmement formateur, dynamique, excitant. Ça, c’est nécessaire quand on est jeune, et quel que soit le métier qu’on pratique. Parfois, on ne comprend pas pourquoi on nous aime, mais l’important est de dire oui. Les sept ou huit premières années où j’ai joué, j’ai eu l’occasion d’être sur la scène une ou deux fois par année au Théâtre d’Aujourd’hui. 

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Photo : Serge Gauvin
Photo : Serge Gauvin


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On vous a rapidement fait confiance à titre d’acteur?
J’étais encadré par des gens qui me faisaient confiance. C’était des gars impressionnants qui avaient le goût de faire apparaître le théâtre national. Je me suis fait un réseau de contacts professionnels qui émergeaient et qui ont fait appel à moi après que nous avons quitté le Théâtre d’Aujourd’hui. J’ai pu travailler ailleurs. Ma grande ambition, c’était de devenir un acteur utile. Je suis né en 1952. Quand j’étais un petit gars, nous avons vu beaucoup de reportages sur le président Kennedy. Lors de son assermentation, il avait dit: «Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays.» Même si ce n’était pas notre chef d’État, ses propos avaient frappé tout le monde, moi compris. Je me suis rendu compte que pour moi, il était important de servir le métier plutôt que de me servir du métier. J’ai eu la chance d’être là au bon moment et de correspondre à quelque chose dont les gens avaient besoin. 

Parmi vos beaux souvenirs professionnels, quelles expériences marquantes vous viennent en mémoire?
Ce sont des moments où tout converge en même temps: la production, le personnage, le metteur en scène, les camarades avec qui je travaille. Le public vient nous voir et parfois, on se dit qu’on aurait aimé être assis dans la salle. On la sent vibrer... Si c’est un moment émouvant, au dernier acte, on entend le cœur des gens se serrer, on les entend quasiment gémir... Ça m’est arrivé à quelques reprises, notamment dans Cyrano de Bergerac et Tu te souviendras de moi.

Un mot sur les rencontres les plus marquantes pour vous?
Daniel Roussel, avec qui j’ai travaillé pendant presque 40 ans à intervalles irréguliers; Claude Desrosiers, avec qui j’ai tourné dans Aveux; Frédéric D’Amours, avec qui j’ai fait O’. Au théâtre, il y a eu André Brassard, avec qui j’ai travaillé à quelques reprises, notamment dans Richard III de Shakespeare. Ça reste des moments précieux pour moi...      

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Faits divers, lundi 21 h, à Radio-Canada.
La Maison-Bleue, mercredi 21 h, à Radio-Canada.
Pour en savoir plus sur les livres qu’il enregistre.

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