José Gaudet revient sur ses années avec les Grandes Gueules

Photo : Bruno Petrozza

Michel Barrette

2020-07-11T19:46:18Z
2023-10-12T23:43:03.534Z

Lorsque Michel Barrette rencontre José Gaudet, la conversation ne tourne pas nécessairement autour des moteurs. Les deux hommes partagent aussi une profession qu’ils chérissent plus que tout! Entre deux éclats de rire, ils ont donc partagé leur perception du métier, de l’état de l’humour en 2020 et de leur avenir.

José, que réponds-tu lorsque tu passes aux douanes et qu’on te demande ce que tu fais dans la vie?

J’ai toujours du mal avec cette question. Avant, je répondais humoriste. Je me disais que même s’ils ne savaient pas ce que c’était, je m’en moquais. Aujourd’hui, je dirais animateur, parce que c’est plus facile à expliquer. Tu sais, mon travail consiste davantage à animer qu’à faire de l’humour. En fait, je reste un humoriste qui anime. L’humoriste en moi ne disparaîtra jamais et il va toujours passer en premier.

Plus jeune, rêvais-tu de faire ce métier?

Oui, mon inspiration était Jerry Lewis. Même si je fais désormais plus d’animation, mon but a toujours été de divertir les gens, de leur donner du plaisir, peu importe la manière dont je le fais. J’ai d’ailleurs rapidement compris qu’on pouvait avoir du fun, mais qu’il fallait aussi livrer du contenu. Ça ne peut pas être juste du niaisage. Quand je travaille avec de jeunes humoristes, je leur dis dès le départ qu’il faut donner les deux en entrevue. Il faut qu’ils soient capables de répondre sérieusement à certaines questions et faire rire en même temps. J’aime jouer sur ces deux côtés à l’émission Ça finit bien la semaine.

Tu as fait de la radio pendant des décennies. Repenses-tu souvent à ces années où tu avais un micro au quotidien?

Je n’ai jamais autant été dans une période de reconnaissance qu’actuellement. Dans les dernières semaines, grâce à cette pause imposée, j’ai baigné dans ce sentiment. Je ne suis pas triste, je suis heureux. Je me dis que, si tout s’arrêtait demain matin, j’aurais quand même eu une belle vie. J’ai été plus chanceux que bien du monde. Je ne me remets pas en question en me disant pourquoi moi et pas un autre, mais juste que j’ai vécu une vie extraordinaire.

Il y a eu de la chance, c’est sûr, mais il faut aussi livrer la marchandise. Il y a du travail derrière tout ça...

Je pense qu’on crée souvent notre chance, mais il en faut quand même à la base. Ensuite, c’est sûr qu’il y a beaucoup de travail, mais la chance reste importante. Pour la radio, il faut quand même savoir que ce n’était pas mon rêve dans la vie. Moi, je voulais faire des spectacles. La radio est arrivée par hasard et, comme on crevait de faim, on s’est dit qu’on allait prendre la job, qu’on allait se faire connaître et qu’on ferait des spectacles après. Finalement, on aura réussi à faire deux tournées à travers tout ça. Mais pour la radio, on a eu la chance de faire Les Grandes Gueules à une époque où on avait le droit de tout dire.

Trouves-tu que c’est difficile de tout dire aujourd’hui?
Je trouve cette situation très triste. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, les gens sont offensés pour tout et pour rien. Ils cherchent même à être offensés, et ensuite à défendre leur point. Le problème est qu’ils entendent un truc, ils l’interprètent, et leur interprétation devient la vérité. Les gens font des amalgames et ont l’impression qu’on les insulte ou qu’on insulte quelqu’un de leur entourage, alors que ça n’a rien à voir.

Est-ce que ça t’est déjà arrivé?
J’ai eu ce problème avec un sketch du personnage qui s’appelle Stéphane Sansouci, qui siffle en parlant. Sa quête était de faire l’amour pour la première fois avec une femme. Après avoir rencontré un tas de filles toutes croches, il rencontre enfin une fille qui a un bec-delièvre. C’était au début des réseaux sociaux, et je reçois le courriel d’une dame qui me dit qu’elle s’est sentie offensée parce que sa cousine a un bec-de-lièvre. Je lui ai répondu que je ne connaissais pas sa cousine, que je ne savais même pas qu’elle existait, et qu’il est donc impossible pour moi de rire d’elle. C’était simplement une situation comique, une simple blague.

Pourrais-tu faire encore de la radio comme tu le faisais avant?
Pas du tout, je serais en prison. Les Grandes Gueules, c’était un esprit de vestiaire. Au départ, c’était un party de boys, des gars qui décidaient d’aller prendre une bière au bar après une game de hockey. C’était ça, notre dynamique. Ensuite, après notre première tournée, les filles ont vu les personnages et elles ont aussi embarqué dans notre énergie.

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Penses-tu que la situation actuelle va évoluer et que ça va revenir à une plus grande ouverture, comme avant?
L’arrivée des réseaux sociaux a fait en sorte que les gens se sont mis en vitrine. Chaque être humain a maintenant son public. Même s’il a seulement 400 personnes qui le suivent, il reste qu’il a un public. Son apparence, son avis, son opinion deviennent importants et tout est prétexte à montrer, sur les réseaux sociaux, combien il a une belle vie. Tout le monde s’exprime sur tout, en pensant que son avis est important.

Tu as deux enfants. Est-ce qu’ils sont beaucoup là-dessus?

Mon gars, qui a 18 ans, n’est pas trop sur les réseaux sociaux, mais ma fille de 16 ans, Satine, est à fond là-dedans. Elle s’offense de tout, et j’ai récemment eu une grosse conversation avec elle à ce sujet.

Comment voient-ils ton métier?
Ils ont très peu suivi ma carrière. Ils savaient que je faisais de la radio, mais ils ne comprenaient pas pourquoi les autres le savaient. À la maternelle, la prof de mon fils m’a dit, à la première réunion de parents, qu’elle avait l’impression que mon fils ne savait pas que je faisais de la radio et que j’étais connu des gens. C’était vrai, je ne le lui avais pas dit. Quand j’amenais mes enfants au resto, les gens me saluaient ou venaient me parler, et chaque fois, les enfants me demandaient si je connaissais cette personne.

Tu as eu 49 ans en janvier. Le tournant de la cinquantaine est-il important pour toi?
Ma blonde m’a organisé une grosse fête pour mes 49 ans. Elle m’a dit que, comme elle avait manqué toutes ces années, elle avait le goût de faire un party. En fait, je l’ai connue à 23 ans, et elle est revenue dans ma vie plus tard. J’ai trouvé son idée amusante. Mais je dirais que la cinquantaine me fait un peu paniquer. D’un autre côté, je suis dans la reconnaissance de ce que j’ai eu la chance de vivre. Je suis partagé entre le fait qu’il me reste peut-être une vingtaine d’années le fun à vivre et, en même temps, que j’ai eu 50 années de vie incroyables.

Où te vois-tu dans 15 ans?
J’aurais eu plus de facilité à te répondre avant la pandémie. J’avais un projet pour cet été, que j’ai finalement décalé pour différentes raisons, ce qui fait que j’ai un été quasiment libre. Ça fait longtemps que je n’ai pas eu ça. Je vais donc prendre ce temps pour écrire. Je n’ai pas envie de partir en tournée, mais j’aimerais avoir un spectacle que je pourrais jouer de temps en temps en résidence dans des salles. J’ai le goût de jouer. Mais pour revenir à ta question, j’espère pouvoir encore faire des projets qui me passionnent. J’espère surtout que la planète va bien survivre à tout ça, et que nous serons tous en bonne santé physique, mentale et financière. C’est ce que je nous souhaite le plus.

Ça finit bien la semaine reviendra pour une 11e saison cet automne, à TVA

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