Céline Bonnier se confie sur la chance qu’elle a, à 55 ans, de cumuler les rôles

Photo : Dominic Gouin

Daniel Daignault

2020-11-21T16:28:01Z

La comédienne Céline Bonnier a tourné dans pas moins de 25 films depuis le début de sa carrière, et elle est en vedette dans Au nord d’Albany, le premier long métrage de la réalisatrice et comédienne Marianne Farley. Le tournage devrait être complété ces jours-ci, un tournage évidemment bien différent de ce à quoi elle est habituée, en raison de la covid.

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On ne lésine pas avec les précautions sanitaires sur le plateau de tournage du film. Lors de notre passage, l’équipe tournait dans une maison de Châteauguay. On m’a donné un masque pour remplacer celui que je portais, puis on a pris ma température. Pour assister au tournage d’une scène à l’intérieur de la maison, j’ai aussi dû enfiler de grosses lunettes en plastique. Enfin, quand est venu le temps de réaliser mon entrevue avec Céline, c’est sous un chapiteau, assis à une grande table et à 2 m de distance, que nous avons pu discuter. Décidément, plus rien n’est normal sur les plateaux de tournage en raison de la pandémie.

Dans le film Au nord d’Albany, Céline Bonnier incarne une femme qui quitte Montréal en vitesse avec ses deux enfants en direction des États-Unis, à la suite d’un incident survenu entre sa fille et une autre adolescente. La fuite se déroulera mal, puisque leur voiture tombera en panne dans un petit village situé dans les Adirondacks.

Céline, qu’est-ce qui t’a séduite dans le scénario de ce film?
L’histoire est très bonne, c’est quelque chose qui est en partie arrivé à Marianne Farley. Je trouve qu’elle écrit bien et, quand j’ai lu le scénario, je me suis dit: «Mon Dieu!» Je trouve qu’elle a une économie du mot qui laisse de la place à la cinématographie et aux silences. C’est vraiment parfait.

Tu n’avais jamais eu l’occasion de jouer ou de travailler avec Marianne Farley?

Non, je ne l’avais jamais croisée. Je suis contente de l’avoir rencontrée, c’est une femme brillante. J’ai vu son court métrage Marguerite et je le trouve très beau. Elle est sensible à l’atmosphère et aussi au visuel, ce qui est bien important pour moi. Elle ne noie pas le contenu.

Comment est-ce de tourner avec toutes les règles sanitaires imposées par la Santé publique?

C’est plus long et plus compliqué, parce qu’il faut penser et organiser chaque plan en fonction des distances. Il faut aussi calculer le temps d’intimité entre deux personnages, ce qui est quand même plus long. On fait aujourd’hui des plans qu’on devait faire hier, parce qu’hier, j’ai utilisé toutes mes minutes d’intimité (au maximum 15 minutes par jour), et on ne pouvait pas poursuivre le travail.

Vous tournez beaucoup de scènes dans cette maison?

Oui, plusieurs. C’est la maison d’Emma qui, pour les besoins du film, est située dans les Adirondacks. Emma est une femme à peine plus âgée qu’Annie, mon personnage. Elle est d’une grande générosité et nous reçoit chez elle, mon personnage et ses deux adolescents. Emma est un personnage assez flamboyant et excentrique. Son neveu lui apprend que la voiture d’Annie ne sera pas réparée avant quatre ou cinq jours, et c’est pourquoi elle nous invite chez elle.

Tu as le don de passer avec aisance d’un personnage à l’autre, on t’oublie vraiment derrière tes personnages...
T’es bien fin, merci! J’essaie de bien choisir mes personnages, parce que mon but premier est de ne pas m’ennuyer. Je suis mon premier public, et c’est pour ça que j’ai proposé à Marianne de changer mes cheveux pour mon rôle d’Annie. J’aurais même voulu que le changement soit plus prononcé, mais il faut quand même que je tienne compte des autres choses que je vais faire. J’aime beaucoup modifier mon apparence. Et c’est l’fun, parce que ça faisait longtemps que je n’avais pas interprété un personnage qui a du caractère. Elle est à la tête d’une famille monoparentale, elle runne ses enfants, dans le sens qu’elle dirige la patente. Elle a du chien.

Tu joues autant à la télé qu’au cinéma, tu enchaînes les rôles. Te considères-tu comme privilégiée?

Je pensais à ça l’autre jour, et je me disais qu’à 55 ans, je me trouve vraiment chanceuse. C’est un passage qui est plus marqué au niveau physique, et il y a aussi le fait que, longtemps, il n’y a pas eu de rôles intéressants pour les femmes de cet âge-là, ou si peu. Ce ne sont que des grands-mères, et probablement qu’elles s’appelaient «la grand-maman» dans les scénarios. Mais là, on dirait qu’on s’intéresse à des femmes qui ont une expérience de vie et c’est drôlement intéressant.

Il faut dire que le 60 ans des femmes d’aujourd’hui est différent de celui d’il y a 10 ou 15 ans...
Il y a ça, et je pense qu’on s’y intéresse plus. Il y a une autre façon de raconter les choses et de s’approcher des personnages qui fait en sorte qu’on peut s’attacher à ces femmes-là, peu importe leur âge. Le court métrage Marguerite (personnage joué par Béatrice Picard), c’est beau en tabarouette. Je lui dis chapeau! À tout âge, c’est intéressant de s’approcher du personnage, de l’analyser et de le connaître. C’est l’fun la jeunesse, mais l’être humain est intéressant dans son entièreté.

As-tu repris le travail sur le plateau de L’heure bleue?
Non, je ne tourne pas en ce moment. Les tournages devraient reprendre au printemps, si tout va. Mais si ça ne va pas, je ne sais pas.

Malgré tous les rôles que tu as joués, rêves-tu encore d’incarner un type de personnage en particulier?

C’est dur à dire, parce que ça dépend toujours comment c’est présenté et écrit. Je ne le sais pas, je suis prête à être surprise. Comme je fais du théâtre et que ça fait 30 ans que je pratique ce métier, j’ai eu l’occasion d’en faire pas mal. Longtemps, j’ai dit que j’aimerais incarner un personnage gêné, mal dans sa peau, et j’ai fait Suzanne dans Unité 9.

Ton personnage de Suzanne a marqué les gens, et là, c’est Anne-Sophie dans L’heure bleue. Comment composes-tu avec la popularité?
Les gens sont gentils. Je suis quelqu’un de plutôt réservé, voire sauvage, et très sociable en même temps. Quand j’ai plus de difficulté une journée et que je me sens plus sauvage, je ne sors pas.

As-tu l’impression que tout ce qu’on vit depuis le mois de mars va changer ton métier?
J’espère que ça ne le changera pas trop. C’était déjà difficile de tourner des films et de la télé avant la covid, parce que ça va de plus en plus rapidement. Là, on n’a pas vraiment plus de temps, parce qu’on est dans une pandémie et qu’il faut prendre plus de précautions. Je trouve aussi qu’il y a beaucoup de gaspillage qui se fait; on ne peut pas toucher le verre de l’autre, la cuillère d’une telle, on ne peut plus rien partager, et on est beaucoup dans le plastique, comme pour les ustensiles. Sur le plan environnemental, on jette beaucoup de choses, et ça me fait mal au cœur. J’ai quand même confiance que ça va changer, qu’on va revenir à la normale; du moins, c’est ce que je pense. J’ai ce positivisme-là, mais ça ne veut pas dire que c’est réel.

J’imagine que tu devais jouer au théâtre en 2020...

Oui, et en ce moment, je répète une pièce qui doit être jouée au Théâtre Prospero, sur la rue Ontario. C’est un show mis en scène par Christian Lapointe et c’est Emmanuel Schwartz et moi qui y jouons. On va faire quelque chose coûte que coûte avec ce spectacle. Soit qu’il sera joué devant public ou qu’il prendra une autre forme. Ça devrait être présenté à la fin février. Sinon, j’ai tourné dans le film de Francis Leclerc, L’arracheuse de temps, et je dois tourner dans la dernière saison de L’heure bleue. On a d’abord reporté à l’automne, et ensuite au printemps 2021. J’ai aussi du théâtre prévu à l’automne 2021 au TNM, mais on ne sait pas trop. C’est très étrange, mais c’est comme ça, c’est la vie.

As-tu fait des choses que tu n’avais jamais le temps de faire durant le confinement?
Oui, j’ai terminé l’écriture de trois courts métrages que je voudrais réaliser; j’attends d’avoir des sous pour faire ça. Et, comme je vis à la campagne et qu’il a fait super beau, j’ai pleinement profité de la nature.

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Au nord d’Albany devrait être présenté sur nos écrans l’an prochain. Pour en savoir plus sur le Théâtre Prospero: theatreprospero.com.

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