Dans l’univers de Riverdale et de Sabrina | La petite histoire d'Archie

Photo : The CW

Steve Martin

2020-07-02T04:00:00Z
2023-10-12T23:42:23.158Z

Sa tête rousse et son éternel visage juvénile lui donnent l’air d’un adolescent charmeur et maladroit. Pourtant, Archie Andrews ajoutera bientôt une 80e bougie sur son gâteau d’anniversaire. Retour sur la petite histoire d’un personnage qui, contre toute attente, continue de prospérer au gré des générations. 

C’est en décembre 1941 qu’un personnage nommé Archie Andrews fait ses débuts dans le comic book Pep #22, publié par l’éditeur MLJ, qui deviendra plus tard Archie Comics. 

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À l’époque, Superman est le roi incontesté de la BD américaine, qui se consacre principalement aux superhéros et à la science-fiction. Mais l’éditeur John L. Goldwater, un des fondateurs de MLJ, est persuadé que l’adolescent américain typique serait intéressé par les mésaventures d’un garçon ordinaire, comme lui. L’avenir lui donnera rapidement raison. Déjà en 1943, Archie et sa bande — son meilleur ami, le glouton Jughead; son rival, Reggie; et les deux filles de sa vie, la «fille du peuple» Betty et la bourgeoise Veronica — font le saut à la radio avant de mériter leurs cases dans les pages de plusieurs journaux américains. 

Le triangle amoureux que forment Archie, Betty et Veronica devient vite le fil narratif le plus exploité de la série. Au cours des années, d’autres personnages viennent se greffer à la bande d’ados qui fréquentent l’école secondaire de Riverdale, notamment la rouquine Cheryl Blossom, l’étudiant modèle Dilton ainsi que le costaud Moose, inspiré — comme Jughead — d’un ami de jeunesse du dessinateur Bob Montana.

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Dans les années 1960, la série animée The Archie Show devient un incontournable des matinées télé, et le groupe musical The Archies voit sa pièce Sugar, Sugar — coécrite par le Montréalais Andy Kim — obtenir le titre de chanson no 1 de l’année 1969 au Hot Top 100 du magazine Billboard après avoir passé quatre semaines au sommet du palmarès.

Sorcières et zombies

Cette aventure télé ne sera pas la dernière pour les copains et copines d’Archie. Après quelques téléfilms parfois médiocres et vite oubliés, Sabrina, l’apprentie sorcière (Sabrina the Teenage Witch), une sitcom à saveur fantastique mettant en vedette une héroïne aux pouvoirs surnaturels inspirée par un personnage de la BD Archie, fait ses débuts au réseau ABC dans les années 1990. L’émission demeure à l’antenne durant sept saisons et attire, à son zénith, plus de 12 millions de téléspectateurs.

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Côté cinéma, l’aventure s’avère moins heureuse avec le film de 2001 Josie et les Pussycats, mettant en vedette Rachael Leigh Cook, Tara Reid et Rosario Dawson. Les recettes de cette production, qui raconte les aventures du groupe de musique qu’on retrouve aussi dans les BD d’Archie, sont bien en deçà des espoirs et du seuil de la rentabilité.

La véritable révolution, si l’on peut parler ainsi, vient au début des années 2010. Les créateurs d’Archie tentent désespérément de revamper leurs personnages «un peu trop sages» qui semblent avoir perdu contact avec leur époque depuis un moment. Le tout dans un monde où les personnages de BD sont de plus en plus tordus et subversifs, et où les jeunes sont moins naïfs qu’ils ne l’étaient dans les années 1940.

C’est ainsi qu’Archie Comics donne le feu vert à l’auteur Roberto Aguirre-Sacasa, un Américain d’origine nicaraguayenne, pour la création d’Afterlife with Archie, une BD dans laquelle les habitants de Riverdale tentent de survivre à une horde de morts-vivants menée par... Jughead! Ils ont profité de la popularité de la BD The Walking Dead pour faire une BD de zombies dans le même style, mais avec les personnages d’Archie. Après avoir vendu tous les exemplaires des huit premiers numéros de la série, les créateurs d’Archie ont continué d’exploiter ce filon excessivement prolifique, payant et attrayant pour le public adolescent.

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La connexion montréalaise

On peut dire que les auteurs de Riverdale, une série créée pour la chaîne CW en 2017 et diffusée au Québec à Vrak, se sont inspirés de l’atmosphère des films néo-noirs et des polars gothiques. Pilotée elle aussi par Roberto Aguirre-Sacasa, cette production a connu un parcours peu banal avant d’arriver au petit écran.

En effet, à l’époque où il étudiait la littérature anglaise à l’Université McGill, l’auteur a mis en scène une pièce dans laquelle les personnages des BD d’Archie évoluaient dans un univers sordide se rapprochant davantage des films de Hitchcock que des dessins animés des années 1960. La goutte qui a fait déborder le vase? Dans cette production, Archie était homosexuel, à l’instar de l’auteur de la pièce. Une telle témérité a valu au créateur d’être poursuivi par Archie Comics dans les semaines suivant la levée de rideau. Une façon comme une autre, dira-t-on plus tard, de se faire remarquer...

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Grand fan des BD de la série depuis son jeune âge, Aguirre-Sacasa est parvenu avec le temps, malgré ce premier contact un peu rude, à convaincre l’éditeur d’Archie que sa franchise était stagnante et avait bien besoin d’être dépoussiérée. 

Il faut croire que Roberto a su se montrer convaincant. En plus de lui confier la création d’Afterlife with Archie, Jon Goldwater (le fils du fondateur, décédé en 1999) et son équipe lui ont demandé de concevoir l’univers de Riverdale, dont plusieurs éléments font écho à la pièce de théâtre présentée quelques années plus tôt au festival Fringe de Montréal. Mieux encore, on lui a depuis confié le poste de chef de la création chez Archie Comics! 

Sabrina, Katy, Josie et Satan

Le succès de Riverdale, qui en sera à sa cinquième saison l’an prochain, a ouvert la porte à de nouvelles adaptations, dont Les aventures effrayantes de Sabrina (The Chilling Adventures of Sabrina), mettant en vedette Kiernan Shipka (Mad Men). Avec ses références à la magie noire, cette série diffusée sur la plateforme Neflix depuis l’automne 2018 est bien loin de la sitcom des années 1990. D’ailleurs, la série a valu à ses créateurs une poursuite inhabituelle. En effet, les dirigeants du groupe Satanic Temple ont entrepris l’an dernier des démarches juridiques sous prétexte qu’une statue vue dans la série était en fait une copie de celle de Baphomet, démon à la tête de bouc, disposée dans un de leurs lieux de culte. La poursuite de 50 millions de dollars a finalement été réglée à l’amiable. L’entente prévoit notamment l’inclusion du regroupement satanique dans les crédits de production de l’émission. 

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Malgré ce tournant inattendu, obscur et indéniablement populaire dans l’histoire d’Archie, le côté bonbon associé à la franchise n’est jamais bien loin. Ainsi, la pin-up Katy Keene, héroïne de sa propre BD dès 1945, s’est retrouvée cet hiver au cœur d’une série dérivée exploitant un autre genre populaire: la comédie musicale. Une fois de plus imaginée par Roberto Aguirre-Sacasa (qui a également travaillé aux séries Glee et Big Love), Katy Keene raconte l’histoire de quatre jeunes artistes (incluant la Josie de Josie et les Pussycats) qui tentent de faire leur place dans le milieu artistique new-yorkais.

Dans les prochaines semaines, les créateurs de la série — qui n’a pas encore été traduite en français — sauront si leurs héroïnes seront de retour pour une deuxième fournée d’épisodes ou si elles seront vite reléguées aux oubliettes...

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