Faire évoluer l’entreprise familiale avec succès: l’expérience de Cassis Monna et Filles
François Breton-Champigny
Lorsqu’on est sur le pont de l’île d’Orléans en provenance de Québec, on peut admirer les champs et les maisons bucoliques de la petite localité de Saint-Pierre. Dans ce décor qui a vu naître Félix Leclerc, on retrouve Cassis Monna et Filles, une entreprise familiale spécialisée dans la transformation du cassis.
Dans le cadre du Rendez-vous Réseau M 2019 qui se déroulait la semaine dernière à Montréal, on a rencontré les deux sœurs qui ont pris les rênes de la business, dont la crème de cassis cumule les prix et distinctions à travers le monde.
«Nos parents ont toujours été des entrepreneurs et artisans d’aussi loin que je me souvienne», relate Anne Monna, l’une des deux propriétaires.
Alors que leur mère vendait des roses, leur père, Bernard Monna, originaire du sud de la France, a décidé de développer le marché du cassis, peu connu dans la province à l’époque.
«Il voulait valoriser la terre et ramener un peu de chez lui ici. Comme on a un climat idéal pour faire la culture de ce fruit et que notre père provient d’une lignée de liquoristes, il s’est lancé dans la production d’alcool», résume Anne.
Le patriarche a démarré son petit commerce à la fin des années 90. C’est dans cet environnement que Anne et Catherine ont grandi.
«Enfants, on jouait dans le magasin. On vendait du vin de cassis à l’adolescence, raconte la femme d’affaires. C’était donc tout naturel pour nous de reprendre le flambeau à un certain moment».
Une transition pas toujours évidente
«Au départ, je pensais que ça ne serait qu’une job d’été pour aider mon père, mais j’ai rapidement pris goût à développer l’entreprise», confie Catherine, qui étudiait en photographie à Concordia à l’époque.
Elle a mis sur pied une terrasse pour les clients le même été, puis elle a créé des recettes de confitures avec sa sœur l’année suivante. «Ça a déboulé vite. Notre père nous a offert de reprendre la relève globale de l’entreprise en 2004».
Aujourd’hui, leur père occupe le poste de président fondateur, un titre plutôt honorifique selon les deux sœurs.
«Même s’il nous a donné le gouvernail, il ne voulait pas complètement "tirer la plogue" sur sa business. Il a encore une petite partie des actions et vient régulièrement faire son tour à la boutique ou au restaurant pour nous donner un coup de main», poursuit Anne.
Même si leur père témoigne d’une grande confiance à leur égard, elles reconnaissent que son implication dans l’entreprise peut créer des tensions.
«Il nous challenge parfois sur la façon de gérer nos employés ou le développement de l’entreprise, ce qui amène des petites chicanes», explique Catherine.
«L’entreprise a énormément évolué depuis sa création. On a instauré de nouveaux départements et on a voulu mettre l’accent sur l’expérience client lorsqu’on a repris les affaires. Donc, c’est normal que, pour lui, ça ne soit pas toujours comme il l’aurait imaginé. Mais il nous fait tout de même confiance et je crois qu’il est fier d’où l’entreprise est rendue», renchérit Anne.
Gérer une entreprise entre soeurs
Étant donné l’expansion de l’entreprise au cours des dernières années, les deux sœurs ont dû revoir leur manière de diviser les tâches.
«Au début, on prenait pratiquement toutes les décisions ensemble, mais on a réalisé que cette microgestion consommait beaucoup de temps précieux et que ce n’était pas nécessairement la façon la plus ingénieuse et harmonieuse de diriger notre entreprise».
«On essaie en ce moment de trouver une nouvelle formule, où on pourrait chacune gérer des projets et se séparer les tâches en fonction de ça», explique Catherine. «On veut un modèle de gestion avec notre propre identité en s’éloignant du type de gérance pyramidale», continue Anne.
Selon les sœurs Monna, la clé pour exploiter une entreprise familiale avec succès est la confiance.
«On a beau avoir une belle relation, ce n’est pas toujours facile de mêler business et famille. Mais à un moment donné, il faut savoir lâcher prise et profiter de chaque moment».