Florence Longpré revient sur l’époque où elle était préposée aux bénéficiaires

Photo : Dominic Gouin

Pascale Wilhelmy

2021-12-08T11:00:00Z

Elle a le talent de nous faire rire, de nous émouvoir. Que ce soit sa Gaby Gravel de Like-moi! ou sa Ada dans M’entends-tu?, Florence Longpré a ce don: on s’attache à ses personnages, et à elle aussi. Avec la nouvelle série Audrey est revenue, elle espère qu’on aura de l’affection pour cette jeune femme tout juste sortie d’un coma de 15 ans. «Un personnage rare, qui nous fait comprendre que chaque petit geste est important», dit-elle.

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Florence, on a l’impression que tout t’arrive en ce moment. Tes projets se transforment en or. T’attendais-tu à ce qu’il se passe autant de choses dans ta vie?
(Rires) Tellement pas! La vérité, c’est que j’étais désespérée, il y a quelques années. J’approchais la trentaine, je gagnais 12 000 $ par année et je ne savais pas où je me retrouverais dans un an. Tout ce que je savais, c’est que j’avais une grande passion pour les arts, pour mon métier. Mais ce qui m’arrive en ce moment, je ne m’y attendais pas. On dirait que ma vie me surprend toujours. Je pense que je vais faire tel projet, puis il en arrive un autre, encore plus étonnant.      

C’est bien, quand même...
Oui, et quand je dis que c’est de l’imprévu, c’est la même chose qui est arrivée avec l’écriture. Je ne pensais pas écrire des pièces, des scénarios de télésérie, mais ça s’est fait naturellement. Je devais passer une audition pour le Quat’Sous, à la fin du cégep, et je ne trouvais rien qui me ressemblait. Je me suis écrit une petite scène de cinq minutes, absurde et comique à la fois, et je l’ai présentée. Des gens l’ont vue puis, plus tard, ils m’ont demandé d’écrire une première pièce de théâtre, et ensuite tout est parti...

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TELE-QUEBEC
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Le grand public t’a connue avec ton rôle de Gaby Gravel, la conseillère beauté de Like-moi!, et ç’a été un grand coup de cœur, pour le personnage et pour toi...
J’ai l’impression que les gens l’ont trouvée attachante et drôle. Dans Like-moi!, les messages que je recevais, c’était surtout du genre: «Merci de m’avoir fait rire cette semaine!» Et ça me touchait. C’est la même chose avec M’entends-tu?. Je reçois encore presque tous les jours des messages en lien avec les personnages. Juste hier, j’étais au restaurant avec une amie productrice, et j’ai reçu une note écrite de quelqu’un assis près de nous, qui disait: «Je ne voulais pas te déranger. Merci de m’avoir fait rire et pleurer», et... je suis partie à pleurer! 

C’est vrai que la série M’entends-tu? a beaucoup touché, en plus d’être un incroyable succès...
Oui. On savait qu’on présentait quelque chose de bon, de différent. Et même si on abordait des thèmes difficiles, nous étions conscients que nous avions une bébête spéciale dans les mains. Mais la réponse, on ne la connaissait pas. Et elle a été très forte, très belle.

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À tel point que Netflix l’a acquise! Elle est diffusée dans 190 pays et traduite en 30 langues...
Ça, c’était le boutte du boutte! C’était notre première télésérie, ça jouait à 10 h le soir à Télé-Québec, on était juste contents d’exister. Et là, Netflix s’intéresse à nous! Disons que ce n’était pas prévu. (rires) Les négociations ont été très longues, et on se disait que ça allait foirer. Finalement, ça a fonctionné. C’était impossible de comprendre ce qui nous arrivait. Maintenant, des émissions sont diffusées sur d’autres plateformes, mais c’était l’une des premières fois que ça arrivait ici. On capotait. Il n’y avait même pas de contrat type pour ce genre d’acquisition. C’était tout nouveau.

Donc, tu aimes écrire?
J’adore ça! J’y consacre beaucoup de temps, mais c’est stressant. C’est prenant. Il y a des comptes à rendre et des contraintes budgétaires. Il faut avoir les reins solides. En même temps, ça me fait découvrir plein d’environnements, des manières de vivre. Dans Audrey est revenue, c’est tout l’aspect médical, le retour à la vie. Dans M’entends-tu?, c’était les quartiers défavorisés, la solidarité qui existe dans ces milieux-là, l’affection qui est exprimée autrement.

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Dans ce que tu joues, ce que tu écris, on te sent très sensible à tout ce qui t’entoure. Tu donnes la parole aux démunis de la société...
C’est vrai. J’essaie de donner la parole à ces gens-là. Il y a plein de réalités qui me touchent énormément, de souffrances que je comprends. Mais j’ai réalisé que moi-même, comme spectatrice, j’aime entrer dans une histoire où la vraie comédie côtoie le drame. Je veux faire rire et émouvoir. On apprend beaucoup en souffrant pour quelqu’un d’autre, en riant aussi. Humainement, c’est la portée de mon travail artistique. Si je peux faire ressentir des émotions, faire comprendre des situations, des manières de vivre qui ne sont pas les nôtres, je suis heureuse.

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Photo : Dominic Gouin
Photo : Dominic Gouin



Dans la nouvelle série Audrey est revenue, tu abordes justement un sujet qu’on connaît peu: le coma...
Avec Guillaume Lambert, on a plongé dans ce sujet, qui est passionnant. Dans la série, j’incarne Audrey, cette jeune femme qui se réveille du coma après avoir manqué 15 ans de sa vie. Audrey m’a bouleversée. La réhabilitation, retrouver les gestes, c’est un long cheminement... J’ai envie que le public soit aussi touché et surpris que je l’ai été par cette histoire. Il y a tellement de témoignages, de découvertes, on parvient à créer un suspense avec très peu de gestes. Audrey réussit à bouger un doigt, c’est une victoire. On veut faire ressentir ça aux téléspectateurs. Pour tous ceux qui ont vécu difficilement la pandémie ou une dépression, cette importance de chaque petit geste va leur parler, les interpeler. Chaque petit pas nous permet d’avancer. Au bout du compte, je veux qu’on retombe en amour avec des choses très simples comme la chance de pouvoir toucher, de pouvoir goûter... 

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, tu n’avais pas nécessairement écrit le rôle pour toi. Tu as même fait passer des auditions?
Exact. Ce n’est pas parce que j’écris une série que je dois absolument jouer dedans. Mais interpréter Audrey, un personnage d’une grande originalité, ce n’est pas commun. Ç’a été un beau défi et j’espère qu’on va s’attacher à cette femme qu’on ne connaît pas et qui, elle-même, ne sait pas qui elle est. Elle doit s’adapter à un monde qui lui est étranger. Dans la série, il y a de l’émotion, on pleure, mais il y a aussi du suspense, un peu de mystère. Et Audrey doit faire le deuil de ce qu’elle a été. C’est revenu très souvent dans mes échanges avec les gens que j’ai rencontrés et qui sont sortis du coma. Ils doivent faire le deuil de ce qu’ils étaient. 

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Tu as donc poussé tes recherches, questionné des gens?
J’ai fait moi-même les entrevues avec des personnes sorties du coma. C’était important pour moi de bien comprendre leur feeling, les sensibilités présentes. Parfois, ils n’étaient pas complètement rétablis. Dans certains cas, ça peut être rapide, mais d’autres fois, ça prend beaucoup de temps et c’est très difficile. J’ai aussi rencontré des sommités, des spécialistes du coma. Le coma est encore très nébuleux dans le monde médical. J’ai posé plein de questions et, encore là, j’ai appris. C’est passionnant, ce sujet! 

Photo : Dominic Gouin
Photo : Dominic Gouin



Tu as d’ailleurs été préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD et un hôpital pendant quatre ans. Cette expérience t’a-t-elle servie?
J’ai aimé faire ce métier. Avec le théâtre, c’était parfait dans mes horaires; j’ai payé mes études en étant préposée aux bénéficiaires. Mais j’ai aussi trouvé ça vraiment choquant, à la limite traumatisant. Dans un CHSLD ou un hôpital, je trouvais la charge de travail difficile. Parce que moi, je m’attachais aux gens, je passais du temps avec eux, je m’intéressais à eux. Je me rappelle une patiente, une ancienne danseuse dont j’avais tellement de plaisir à m’occuper. Elle était intéressante, et elle avait une manière de bouger juste à elle... et plein de prétendants! Je me suis spécialisée dans les services à domicile pour les tétraplégiques. Et c’est sûr que ça m’a marquée, que ça transparaît dans ce que j’écris. 

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Tu parles beaucoup de ton métier, mais on en sait bien peu sur toi...
Je suis très privée. Je peux te parler de mes rôles, de ce qui me touche, mais il y a une barrière que je ne veux pas franchir. Aussi, la pandémie m’a changée, comme bien des gens. Je sais que le travail, c’est bon, mais je veux aussi me poser, avoir une vie privée, que je protège. C’est important pour moi, cet espace. Je peux dire que je suis heureuse, que la pandémie m’a fait prendre de bonnes décisions, dont celle de prendre du temps pour moi. Entre la deuxième et la troisième saison de M’entends-tu?, j’ai frisé le burn-out. Ça force à réfléchir. Mais j’ai encore plein d’envies, plein d’idées, le goût de faire du cinéma, d’écrire un roman! Cette fois, j’y vais doucement, ce que je ne faisais pas avant. Dans mon métier, tu envoies 10 lignes à l’eau et, en général, il y a deux trucs qui vont fonctionner. Après Like-moi!, tout a mordu, et je me suis retrouvée dans un tourbillon. Là, je veux ralentir, reprendre mon souffle. J’essaie de me choisir en premier, de créer là où je suis bien, où la pression ne sera pas trop présente dans ma vie. J’ai envie de profiter de ce qui m’arrive.      

Audrey est revenue est disponible sur Club illico.

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