Michel Bergeron prépare doucement sa retraite

Photo : Sébastien Sauvage

Dave Morissette

2021-10-25T14:27:32Z

J’étais vraiment excité de réaliser ma première entrevue avec un des Québécois que je respecte le plus: l’ancien coach des Nordiques Bergy, comme on le surnomme. C’est pour moi un grand privilège de m’asseoir à ses côtés et de jaser de hockey, mais aussi de la vie, de la famille, de la retraite — un sujet délicat pour celui qui n’a jamais fait de pause tant il aime son métier. Michel Bergeron est un des hommes les plus passionnés et généreux que je connaisse. Il est avec moi depuis mes débuts à la télé, en 2000, et je me souviens d’un de ses premiers conseils: «Pose-moi les bonnes questions, tu auras les bonnes réponses.»

Photo : Sébastien Sauvage
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Michel, tu as fêté tes 75 ans le 12 juin avec ta famille.
Oui. La dernière année a été difficile pour moi, ma femme et toute la famille. Nous étions très prudents; pas question de sortir beaucoup ou de voir des gens non vaccinés. On a pu fêter, mais j’avoue que ç’a été un choc d’avoir 75 ans. Je réalise que je n’ai pas toujours fait les bonnes choses. J’étais devenu big dans ma profession; tout le monde me félicitait, et j’ai pris de mauvaises décisions, sur le plan familial ou dans la vie de tous les jours. À une époque, je me sentais invincible! 

Ton but premier, c’était d’être coach?
Tout jeune, je rêvais d’être joueur de hockey. Je n’avais malheureusement pas le talent et je suis devenu chauffeur de camion. Je jouais senior dans quatre ligues de garage, jusqu’au jour où je me suis gravement blessé à un genou. Quelqu’un cherchait un coach, alors j’ai commencé à le faire et j’ai réalisé que j’avais de très bonnes équipes. 

Tu as été le coach des Nordiques, mais aussi celui d’un peuple. Tu as marqué le public.
J’ai toujours eu l’impression d’avoir été dans le salon de tout le monde. Dans la rue, des gens m’appellent Bergy, le Tigre, Coach, Monsieur Bergeron ou Michel. Pour eux, je fais partie de leur famille. J’apprécie la popularité, mais ça m’a déjà poussé à négliger mes proches. Ma femme était heureusement là pour s’occuper des enfants, mais ils en ont peut-être souffert...

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Photo d'archives
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Y a-t-il autre chose que tu as fait passer en second?
J’ai tout négligé — principalement ma famille, mais aussi ma santé. Il n’y avait rien de plus important pour moi que la victoire. Je suis un excessif. J’ai l’air au-dessus de mes affaires, mais j’ai toujours été un grand nerveux. J’ai coaché les Nordiques durant huit ans, et chaque partie était comme un septième match de finale de la Coupe Stanley. Entre trois et quatre millions de gens regardaient les séries. Derrière mon banc, il y avait souvent un premier ministre. C’était fou! En plus, mes enfants ne voulaient plus aller à l’école. Dans le bus scolaire, les autres leur disaient: «Les Nordiques ont perdu hier. C’est la faute à ton père!»

Au fil des ans, tu as perdu beaucoup d’êtres chers, dont René Angélil et Marc Verreault. Comment as-tu vécu ces deuils?
Plutôt mal. Plusieurs proches qui m’ont beaucoup aidé ne sont plus là. Il n’en reste qu’un seul sur sept. Quand René est parti, il y a cinq ans, ça a mis fin à une de mes gangs.

Ces deux dernières années, tu as été moins souvent à TVA. On ne t’aurait pas imaginé restant à la maison.
Je l’ai fait parce que mes dernières vacances en Floride devaient durer trois semaines, mais j’y suis resté 24 heures. J’ai eu un malaise cardiaque et je suis rentré sur les conseils de mon cardiologue. Le lendemain, on me débloquait une artère bouchée à 85 %. Trois semaines plus tard, on me posait un pacemaker. Quand on sait le pourcentage de gens qui passent à travers ça... Mon père est mort après une seule, et moi j’en ai eu trois.

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Photo : Patrick Seguin
Photo : Patrick Seguin


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Tu as aussi perdu ta mère, qui avait 93 ans, en 2018.
Oui, elle souffrait de démence et d’alzheimer. Son départ nous a soulagés, même si c’est toujours triste de perdre un de ses parents, parce qu’il mettait fin à ses souffrances.

Tu parles souvent de ta conjointe. Quel est le secret pour être un couple si solide?
Il a fallu que Michèle soit forte, parce que je ne suis pas un gars facile à vivre. Elle a tout fait. Quand je coachais les Rangers, j’étais aux entraînements et aux meetings à New York. Pendant ce temps, elle a visité une quinzaine de maisons pour qu’on s’installe. On a déménagé sept fois; c’est elle qui s’est occupée des ventes. Je ne la remercierai jamais assez. Elle me donnait des retours incroyables, elle savait ce que les gens aimaient. Il arrive qu’on se chicane, mais elle a raison 80 % du temps! 

Photo : Daniel Auclair
Photo : Daniel Auclair

Tu es devenu animateur et analyste dès 1990. Tu en as beaucoup accompli!
Je n’aime pas le mot accompli. Pour moi, j’ai juste été au bon endroit au bon moment. Et je n’ai jamais arrêté.

Penses-tu à la retraite?
On ne l’a pas annoncé publiquement, mais je vais diminuer cette année. Et ma femme en est très contente.

Ça pourrait donc être ta dernière année dans les médias?
J’en ai parlé avec Ron (Fournier, journaliste sportif) quand il a pris sa retraite. Pour être franc, je trouverais ça facile de ne plus être sous les projecteurs.

Regrettes-tu de ne pas avoir coaché les Canadiens?
Non, mais j’aurais aimé le faire. J’ai pensé à coacher le club quand j’ai rencontré Serge Savard, mais il a choisi Jacques Demers et ils ont tout de suite gagné la Coupe Stanley. Je ne pouvais pas dire qu’il avait fait un mauvais choix! Jacques était mon grand chum en plus. On avait tous deux été chauffeurs de camion. On n’avait pas beaucoup d’instruction, on ne parlait pas anglais, on est arrivés en même temps dans un univers inconnu. On était toujours ensemble dans nos réunions de coachs. On se disait les vraies choses. Quand il est tombé malade, ç’a été très dur.

Comment aimerais-tu qu’on se souvienne de toi?
Je ne veux pas passer pour un gars prétentieux. Le hockey est un sport d’équipe. Quand je coachais, j’étais souvent le premier sur la glace. René avait une expression que j’aime beaucoup: «Lui, il est correct.» J’aimerais donc qu’on dise de moi que j’ai été correct, même si je n’ai pas gagné une Coupe Stanley.      

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La Coupe, il ne l’a peut-être jamais gagnée, mais les Québécois se souviendront de lui comme d’un gagnant.

Michel Bergeron est analyste des matchs de la LNH et collaborateur à L’après-match, que coanime Dave Morissette du lundi au samedi en soirée à TVA Sports.
On peut lire ses chroniques dans Le Journal de Montréal.

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