TV Hebdo revisite les événements marquants de 1969
Le cœur à la fête
Steve Martin
Si vous croyez que l’année 1969 a été morne, vous viviez sans doute sur une autre planète à l’époque ou, si vous avez moins de 50 ans, vous avez un peu trop somnolé durant vos cours d’histoire.
La fin d’une folle décennie
On parle ici de l’année du festival de Woodstock et des premiers pas de l’humain sur la Lune, du retrait des troupes américaines du Vietnam et du bed-in montréalais de John Lennon et Yoko Ono dans la suite 1742 de l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth.
Au Québec, c’est également l’arrivée des Expos, « nos z’amours », qui remportent leur premier match — contre les Mets de New York — au printemps. De leur côté, les Canadiens répètent leur exploit de la saison précédente en éliminant Saint-Louis en finale de la Coupe Stanley. Un tout jeune Serge Savard se voit décerner le trophée Conn Smythe, remis au meilleur joueur des séries et, bien entendu, la province tout entière écoute René Lecavalier décrire les exploits des Glorieux en direct à La soirée du hockey.
Côté culture, les plus branchés découvrent les nouveaux tubes en regardant Pierre Lalonde à Jeunesse d’aujourd’hui, et ceux qui ont la fibre plus traditionnelle swignent la bacaisse en syntonisant Soirée canadienne, animée par le chic Louis Bilodeau.
Même en hiver, on trouve le moyen de festoyer lors du temps des fêtes et du 15e Carnaval de Québec, qui reçoit une visite royale: la princesse Grace de Monaco est de passage dans la Vieille Capitale et loge, comme on peut s’y attendre, au Château Frontenac.
Ainsi se termine une folle décennie à l’aube des années 1970, qui apporteront elles aussi leur lot de chambardements.
La série de l’heure
Moi et l’autre
Le statut de la femme québécoise a progressé au cours de la décennie. Au petit écran, la Donalda soumise des Belles histoires des pays d’en haut côtoie des colocataires dégourdies, assumées et émancipées qui ne rougissent pas lorsqu’elles font allusion à leur sexualité.
Diffusée depuis 1966, la comédie créée par Gilles Richer et Roger Garand a fait de ses deux vedettes, Denise Filiatrault et Dominique Michel, de grandes stars. Toutefois, malgré le portrait que l’émission trace des femmes modernes, des questions ont été soulevées depuis à propos de certaines réalités qui se vivaient dans les coulisses. À ce propos, Denise Filiatrault raconte dans son autobiographie avoir vécu des frustrations, car son apport au texte n’était pas reconnu ni mentionné au générique de Moi et l’autre. Était-elle, comme l’a été Janette Bertrand, victime d’un préjugé crasse à l’endroit des femmes scénaristes? Poser la question, c’est y répondre. La preuve que, malgré les avancées, la bataille était loin d’être gagnée.
Flash Actualité
On a marché sur la Lune !
Le 20 juillet, la capsule Eagle de la mission Apollo 11 se pose sur la Lune, et des millions de personnes dans le monde assistent à cet événement historique, scotchées à leur fauteuil. Les premiers mots de l’astronaute Neil Armstrong franchissent des centaines de milliers de kilomètres tandis qu’à CBS le chef d’antenne Walter Cronkite décrit la scène avec émotion. La diffusion de ce grand moment demeure à ce jour un des plus grands exploits techniques de l’histoire de la télé et de la science.
Françoise Gaudet-Smet
Souvenir d’une pionnière
Si une nouvelle femme plus émancipée émerge à l’écran à la fin des années 1960, c’est aussi grâce à l’apport de celles qui l’ont précédée. Animatrice de Voie de femme et de Bonheur du jour, la pionnière du journalisme et auteure Françoise Gaudet-Smet a laissé derrière elle un nombre important d’ouvrages et de contenus destinés aux femmes vivant en milieu rural. Bien qu’elle ait valorisé les activités jugées traditionnellement « féminines », la fondatrice du magazine Paysana — dans les années 1930 — a toujours clamé que le travail des femmes devait être reconnu à sa juste valeur. Si les Dodo, Denise et Janette sont là pour prendre le relais, c’est qu’il y a d’abord eu des Françoise pour leur tendre le flambeau.
Tapis rouges et galas
TV Hebdo assiste à la soirée des Oscars
Au cinéma, le changement de garde entre deux générations ne pourrait être plus apparent que dans la catégorie de la meilleure actrice : la légendaire Katharine Hepburn (Le lion en hiver) doit partager l’honneur avec une jeune Barbra Streisand (Funny Girl). Chez les hommes, Cliff Robertson remporte le trophée pour son rôle dans Charly, le film tiré du roman Des fleurs pour Algernon. La comédie musicale Oliver! remporte le prix du meilleur film.
Franco Zeffirelli gagne deux trophées pour son Roméo et Juliette, alors que le pauvre Stanley Kubrik doit se contenter d’un seul Oscar, celui des meilleurs effets spéciaux, pour 2001: L’odyssée de l’espace, pourtant considéré de nos jours comme un chef-d’œuvre.
Sol et Gobelet
La Boîte à Surprise continue de livrer ses trésors
L’émission La Boîte à Surprise a donné naissance à une série de personnages qui ont marqué l’imaginaire d’une génération: Franfreluche, Grujot et Délicat, Marie Quat’Poches, Picolo et, bien entendu, Sol et Gobelet, l’irrésistible duo formé de deux clowns (Marc Favreau et Luc Durand) perdus dans un décor dépouillé d’objets. Même si Monsieur Surprise a tiré sa révérence, de nouvelles productions comme Le major Plum-Pouding, avec Yves Létourneau et Gaétan Labrèche, s’ajoutent dès 1969 à l’héritage de cette corne d’abondance télévisuelle.
Une année prolifique pour Ginette Reno
Outre l’incontournable Je t’aime moi non plus, du duo Gainsbourg-Birkin, le succès sirupeux Que je t’aime, de Jean-Philippe Smet — alias Johnny Hallyday, l’Elvis belge — trône au sommet des palmarès. Jean-Pierre Ferland chante Sainte-Adèle PQ, Claude Dubois, Comme un million de gens, Renée Martel, Embrasse-moi, et Robert Charlebois, Tout écartillé dans Paris.
Quant à l’interprète de La dernière valse, on ne peut pas lui reprocher de ne pas être besogneuse: durant l’année, elle lance trois albums studio et un disque en spectacle, Ginette Reno à la Comédie canadienne ’69.
La jeune vedette de 23 ans a l’avenir devant elle. L’occasion d’une carrière internationale est à portée de main pour celle qui a remporté quelques mois plus tôt le titre de Miss Radio-télévision et un prix spécial au MIDEM, à Cannes. Ginette saisira-t-elle sa chance?
Ça fait jaser
Une jeune femme prénommée Valérie
Au cinéma, le réalisateur Denis Héroux présente le premier film érotique québécois. Il met en vedette une Danielle Ouimet tout en beauté dans la peau d’une orpheline qui quitte le couvent pour devenir danseuse, puis prostituée. La controverse suscitée par les (nombreuses) scènes de nudité ne fait qu’attiser l’intérêt des spectateurs, las du cinéma « bien-pensant » de l’époque. C’est le début d’une vague rose qui culminera l’année suivante avec l’immense succès de Deux femmes en or.
Télé-Zapette
• Après la nuit sanglante du 8 au 9 août, la planète prend conscience avec horreur, en suivant les nouvelles, des actes commis par les apôtres de Charles Manson. Ces derniers viennent d’assassiner six personnes, dont l’actrice Sharon Tate, enceinte de plus de huit mois.
• Le comédien Dick York s’effondre sur le plateau de Ma sorcière bien-aimée. Il quitte l’émission quelques jours plus tard pour soigner sa santé et est remplacé par Dick Sargent.
• La BBC diffuse le premier épisode d’une série humoristique devenue légendaire depuis: Monty Python’s Flying Circus. Aux États-Unis, une émission tout aussi marquante prend son envol: Sesame Street.
• En revanche, la première mouture de Star Trek se termine après trois saisons à l’antenne de NBC. C’est toutefois loin d’être la fin de l’aventure pour Kirk, Spock et le reste de l’équipage de l’Enterprise...
• Au cours d’une entrevue avec TV Hebdo, l’interprète de Jinny, Barbara Eden, admet qu’elle aimerait bien venir tourner un épisode à Québec. Le 2 décembre, le génie qu’elle incarne voit finalement son souhait se réaliser lorsque Jinny épouse enfin son cher major Nelson, incarné par Larry « J.R. Ewing » Hagman.
• Plus près de chez nous, Les Oraliens et Quelle famille! font leurs débuts à l’antenne.
• L’indémodable Béatrice Picard, qu’on peut voir dans Cré Basile et Le paradis terrestre, constate que plus elle vieillit, plus ses rôles rajeunissent. Cinquante ans plus tard, il faut bien admettre que la comédienne n’a rien perdu de cet air espiègle qui nous l’a rendue si attachante.
• En septembre, Yves Corbeil prend le relais de Jacques Boulanger à la barre de l’émission de variétés Zoom. De leur côté, Réal Giguère et Claude Blanchard forment le tandem à la tête de Madame est servie.
• Le temps d’une unique saison, ce même Réal Giguère raconte les mésaventures des employés d’une compagnie d’aviation dans Amour, délices et compagnie, avec Serge Laprade, Francine Morand, Suzanne Valéry et Serge Lasalle.
• Des célébrités nées cette année-là ? Au Québec: Patrick Huard (2 janvier), Suzanne Clément (12 mai), Charles Lafortune (25 juillet), Geneviève Brouillette (23 août), France Beaudoin (25 août), Anthony Kavanagh (26 septembre), Éric Lapointe (28 septembre) et David Boutin (12 novembre). Du côté des stars internationales: Jason Bateman (14 janvier), Jennifer Aniston (11 février), David Boreanaz (16 mai) Christian Slater et Edward Norton (18 août), Matthew Perry (19 août), Matthew McConaughey (4 novembre) et Ellen Pompeo (10 novembre).