Soutenu par ses parents adoptifs, Patrice Godin retrouve sa mère biologique

Photo : Julien Faugere

Michèle Lemieux

2021-09-01T14:08:19Z

Adopté à sa naissance, Patrice Godin a toujours ressenti, malgré l’amour de ses parents adoptifs, un sentiment d’abandon qu’il décrit lui-même comme une espèce de trou au cœur. Durant la dernière année, il a retrouvé sa mère biologique, un événement qui a largement contribué à refermer cette blessure qui était la sienne depuis toujours. Dans un extraordinaire ouvrage intitulé Toutes les vies possibles, l’acteur et écrivain livre des bribes de réflexions qui l’ont animé durant la dernière année. Des réflexions sur fond de retrouvailles, mais aussi d’abstinence d’alcool...

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Patrice, la rentrée semble bien chargée pour vous. Où pourrons-nous vous voir?
J’anime la série Rencontres au sommet qui a été tournée dans Charlevoix. La première saison vient de débuter. Nous sommes cinq personnalités à gravir cinq montagnes en cinq jours: Sébastien Delorme, Sabrina Cournoyer, Émily Bégin, Guillaume Lemay-Thivierge et moi-même. Fin septembre, la seconde saison sera enregistrée en Gaspésie. Je suis en période de tournage pour L’homme qui aimait trop, qui sera diffusée sur Noovo. Marc-Alexandre, mon personnage, est un homme qui a deux familles: il mène deux vies en parallèle. Je serai aussi de retour dans Une autre histoire.     

Parce que vous êtes aussi un écrivain, vous nous présentez un nouveau livre intitulé Toutes les vies possibles, dans lequel vous nous permettez de faire une belle incursion dans votre monde intérieur et votre intimité. Quel a été le point de départ de ce projet?
Ça reflète le temps d’arrêt que nous avons vécu durant la pandémie, mais ce n’est pas un journal de pandémie. Je me suis questionné sur ma vie. Durant cette année, j’ai retrouvé ma mère biologique... Ça m’a fait du bien. Le temps était arrêté, mais il continuait de filer quand même! Mon père et ma mère, c’est-à-dire mes parents adoptifs, de même que ma mère biologique continuaient de vivre, même s’ils ne faisaient plus rien et qu’ils devaient rester chez eux. Le temps, lui, continuait à filer. Plus on vieillit, plus le temps passe vite et plus il est précieux. 

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere


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Quand on retrouve sa mère biologique à 53 ans, ressent-on une certaine urgence de rattraper le temps perdu?
Bien sûr. Elle et moi voulons nous rencontrer. Nous espérons pouvoir le faire à l’automne, probablement en octobre. J’aurais pu prendre l’avion pour aller la rejoindre à Vancouver — techniquement, je pouvais voyager puisqu’elle habite au Canada —, mais on aurait été obligés de rester à 2 m l’un de l’autre et de porter un masque. Et on n’aurait pas pu se prendre dans les bras l’un de l’autre... Alors, j’ai préféré attendre.

Qu’est-ce que cela a créé dans votre vie de pouvoir retrouver votre mère biologique à votre âge?
Je dirais que cela a réparé quelque chose en moi. J’en parle d’ailleurs dans mon livre. Malgré mes parents et la vie que j’ai eue, j’ai toujours eu le sentiment d’avoir été abandonné et de ne pas avoir été aimé. Il n’y a pas d’autres raisons que celles liées au fait que je suis né ainsi. Je suis venu au monde et j’ai été «abandonné», c’est-à-dire donné en adoption. Il y a pire, on s’entend... Je suis conscient que plein d’enfants vivent des choses pires que celle-là. 

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Mais un abandon demeure un abandon...
Oui. Ma première rencontre avec Marie Ellen, qui est ma mère biologique, s’est faite par téléphone. Je l’ai déjà dit dans mon livre Territoires inconnus: j’ai toujours eu l’impression d’avoir un trou dans le cœur, une espèce de vide que je ne comprenais pas et que j’essayais de combler de toutes sortes de manières. Être acteur en est une, car c’est vouloir faire en sorte que les gens nous aiment. Il n’y a pas que ça qui m’a guidé vers ce métier, mais il y a un peu de ça. Ça n’a jamais été réparé. L’alcool aussi a été une autre manière de combler ce vide. Lorsque j’ai parlé avec ma mère biologique pour la première fois, et compte tenu de ce qu’elle m’a raconté ce jour-là, j’ai instantanément senti ce trou se refermer. C’est fou! Elle m’a dit qu’elle ne m’avait jamais oublié... Ça, c’était la réponse que je n’avais jamais eue, et je l’ai enfin entendue. 

En lisant votre livre, on comprend entre les lignes que s’il y a une réelle souffrance chez l’enfant, cette dernière est aussi présente chez la mère...
C’est vrai. Pendant que j’écrivais mon livre, un de mes amis m’a fait voir cette réalité. Il m’a suggéré d’imaginer qu’après avoir eu Julia, Simone ou Marion, j’avais donné ma fille en adoption et que je ne l’avais jamais revue. J’y penserais tous les jours. Je ne peux pas imaginer avoir vu naître une de mes filles pour ensuite la remettre entre les bras de quelqu’un et ne plus jamais la revoir... Une partie de moi serait morte. Pour elle, c’était ça. Mais à l’époque, compte tenu des circonstances, elle n’avait pas le choix. 

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere


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Avez-vous mieux connu votre père biologique à travers les propos de votre mère?
Oui. Je ne veux pas juger mon père biologique, mais je raconte son histoire dans mon livre. C’est un peu l’histoire de la série L’ homme qui aimait trop... Le père peut s’en aller et ne jamais savoir qu’il a eu un enfant. La mère qui l’a porté et l’a mis au monde vit la situation autrement. Ça m’a fait réfléchir...

Laissons aux lecteurs le soin de découvrir pourquoi vous êtes né au Québec alors que vos deux parents sont américains...
Oui. Et c’est très drôle, parce que toute ma vie, j’ai ressenti un profond amour pour les États-Unis. Je me suis rappelé que, vers l’âge de trois ans, je voulais être Américain, même si je n’étais jamais allé aux États-Unis avec mes parents adoptifs. J’ai grandi en regardant des films américains. Spontanément, j’aime la littérature américaine. Cette espèce de fascination pour ce pays me suit depuis toujours. Lorsque ma blonde et moi discutons de voyages, elle parle de l’Europe, je parle des États-Unis. Je suis toujours attiré par ce pays. Je me demandais pourquoi...

Ça fait du bien de donner un sens à cet appel inconscient...
Je ne sais pas si c’est ce qui l’explique, mais au final, je suis Américain de père et de mère. J’ai grandi au Québec, et cela fait de moi un Québécois, un Canadien. J’ai aussi découvert que j’ai une demi-sœur. J’ai toujours voulu avoir une sœur. Je n’ai eu ni sœur ni frère.

Vous avez reçu, lors de votre dernier anniversaire, une première carte de souhaits de votre mère biologique. Est-ce que ç’a été un moment particulièrement touchant pour vous?
Oui, mais je pense que ç’a été encore plus important pour elle. Moi, le 5 avril, je ne pensais pas à ma mère biologique parce que mes parents m’ont toujours fêté. Mais cette année, j’ai reçu la première lettre de ma mère biologique. Pour elle, c’était un grand moment, car tous les 5 avril, sans exception, elle avait pensé à moi. Comme elle me l’a dit, elle se demandait ce que j’étais devenu, si j’étais bien, si j’étais heureux.

A-t-elle été étonnée d’apprendre que vous êtes connu?
Que je sois acteur, écrivain, connu, je n’en fais pas un cas, mais quand elle a su qu’elle pouvait googler mon nom et voir apparaître plein de photos et d’articles sur moi, elle a trouvé ça impressionnant... Elle ne parle pas français. Elle ne connaît pas vraiment les émissions auxquelles j’ai participé. Toute sa famille aux États-Unis me connaît. Ils capotent! Ils ont accès à moi. C’est une grande fierté pour elle.

On sent, à travers votre récit, à quel point vous estimez vos parents adoptifs, qui ont été et sont toujours des parents extraordinaires pour vous...
Oui, mes parents, ce sont mon père et ma mère qui sont là, toujours vivants. Ils m’ont aimé, ils ont pris soin de moi. C’est important pour moi de faire la distinction: mes parents, c’est eux. Marie Ellen, c’est ma mère biologique. Oui, j’ai de l’amour pour elle, mais ça reste Marie Ellen. C’est ma mère, mais je ne l’appellerai jamais maman... 

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La naissance de votre première fille a été salvatrice. Pourquoi?
Avant d’avoir des enfants, j’étais un adolescent attardé... Et parfois je le suis encore! (rires) J’étais centré sur moi. Il me manquait une connexion avec le monde qui m’entourait. Puis, j’ai rencontré Nathalie. C’est à partir de la naissance de mes filles que j’ai commencé à réfléchir à certains enjeux, qu’il fallait que je prenne soin de moi. J’avais des vies dont je devais prendre soin. J’ai eu une première fille, puis une deuxième et une troisième: Julia en 2002, Simone en 2004 et Marion en 2009. Il fallait que je sois en forme pour moi, mais aussi pour elles!


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Vous vouliez être un bel exemple pour vos filles?
Oui, je voulais donner le bon exemple. Lorsque Marion est née, j’avais déjà amorcé ce processus, mais cette prise de conscience a culminé à partir de 2006. J’ai voulu me remettre en forme et arrêter de fumer. En 2008, ç’a été le début des courses, et j’ai fait de gros changements dans ma vie. Je n’étais pas parfait et je ne le suis toujours pas: il restait l’alcool à travers tout cela. Il a toujours été une espèce de palliatif à la douleur. C’est très agréable quand on peut boire pour le plaisir, mais pour moi, depuis quelque temps, ce n’était plus agréable. J’arrêtais toujours de boire lorsque j’écrivais. Je connaissais donc des périodes d’abstinence qui duraient deux ou trois mois par année. De temps en temps, je décidais, par exemple, de traverser le mois d’octobre sans prendre une goutte d’alcool. Comme je suis extrémiste, je l’étais aussi dans ce domaine...

Cette fois-ci, avez-vous décidé d’arrêter pour de bon?
L’automne dernier, j’ai décidé que j’en avais assez. Le 1er août, ça a fait neuf mois que j’ai arrêté de boire. Je me sens super bien. Je trouve ça le fun. Je ne dis pas que je ne prendrai plus jamais un verre, mais je ne dis pas non plus que j’en prendrai à nouveau. Je me demande pourquoi je prendrais un verre si ça va si bien. Non pas que j’étais toujours sur la brosse, mais quand je buvais, je buvais trop. J’avais hâte au vendredi. Si j’allais manger au restaurant le midi, je prenais une bière, puis une autre. À un moment donné, j’ai décidé d’arrêter, de laisser aller. Je ne sens pas nécessairement le besoin de boire. Quand j’ai des soupers avec des amis, je bois de bonnes bières sans alcool et j’ai du plaisir quand même. C’est sûr qu’un souper au restaurant avec un bon verre de vin, c’est agréable. Cela me déchire, mais je n’en prends pas, et le souper est quand même bon. (sourire) Quand boire est un plaisir, c’est cool, mais quand tu te rends compte que ce n’est plus le cas, mieux vaut arrêter... 

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Rencontres au sommet est diffusé le mercredi, à 21 h, à Évasion.
La série Une autre histoire reviendra à Radio-Canada dès le lundi 13 septembre, à 20 h.
On pourra voir la série L’homme qui aimait trop cet hiver sur les ondes de Noovo.
Toutes les vies possibles: Carnets minimalistes est publié chez Libre Expression.

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