Michel Barrette explique pourquoi sa famille et lui ont choisi de quitter la ville

Photo : Julien Faugere

Daniel Daignault

2021-04-21T13:00:00Z

Michel Barrette est indéniablement ce qu’on appelle dans le jargon du métier un vieux routier. À bientôt 64 ans, l’humoriste a cumulé les emplois — il a fait de la scène, de la télé et du cinéma en plus de la radio —, mais ce rythme effréné est maintenant derrière lui. La retraite n’est pas pour tout de suite, dit-il, et il profite désormais pleinement de la vie depuis qu’il a déménagé dans un environnement paisible.

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Michel, c’est en quelque sorte une nouvelle vie que tu as amorcée, loin loin de la ville, comme le chantait Boule Noire!

Oui, je vis dans un petit village à la campagne, sur la rive sud de Québec et je capote! Quand on a fermé l’hôtel (Les Trois Tilleuls) pour les raisons que l’on connaît, ça a tout changé dans ma vie. Avec la covid et les spectacles qui étaient sur pause, on a décidé de déménager. On a cherché, puis on a trouvé cet endroit où le paysage et même les gens ressemblent tellement à ceux du Saguenay–Lac-Saint-Jean que je me sentais chez nous. On a loué un chalet à La cache à Maxime, puis on a magasiné et on a trouvé la maison parfaite pour nous et notre fils Jonathan, qui a maintenant 15 ans.

Courtoisie
Courtoisie

Dix fois par jour, ma blonde et moi, on se regarde et on se dit: «On est-tu bien! On a-tu bien fait!» C’est apaisant, tu ne peux pas savoir! Ça me fait vraiment penser au paysage qu’il y avait à Alma quand j’étais jeune. J’ai l’impression d’avoir 14 ans! Je ne suis pas loin de Québec, où la sœur de ma blonde habite, et je suis à deux heures du Saguenay– Lac-Saint-Jean, où ma mère, ma sœur et mes chums vivent tous. Ç’a vraiment été une bonne décision.

Était-ce une nécessité qui s’imposait, ce changement?
J’ai l’impression que j’avais besoin de ça, parce que j’ai dû arrêter de travailler et parce que je me suis retrouvé dans un environnement paisible. Tu le sais, j’ai toujours travaillé, fait des tournages de séries, d’émissions (8 ans à jouer dans Km/h, 8 ans à l’animation de Pour le plaisir), de films, j’ai été 15 ans à la radio et j’ai présenté de nombreux spectacles. Je finissais un show le vendredi et j’en commençais un nouveau le lundi! Jamais je n’ai arrêté durant un an.

La pandémie s’est répercutée sur ton emploi du temps...
Oui, tous les spectacles prévus de ma 12e et dernière tournée ont été reportés. Par la force des choses, j’ai dû arrêter de travailler. Et ça a été la panique, parce que je ne savais pas ce que c’était, que de ne pas travailler. Ensuite, il y a eu le déménagement en juillet dernier, ce qui a fait que, d’un coup sec, je me suis retrouvé avec ma blonde et notre beau Jonathan dans un nouvel environnement, avec des champs devant moi. Je n’avais jamais autant roulé avec mes motos que j’ai pu le faire en août et en septembre. J’ai sorti mes vieilles voitures. Je peux passer mes semaines sans aller en ville!

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Ce mode de vie te plaît-il?
C’est vraiment un autre mode de vie et ça me fait du bien. Je n’ai pas de constat négatif à faire de la pandémie, même si j’aimerais être en tournée pour présenter mon nouveau spectacle. De toute façon, cette tournée est remise: je vais la faire quand ce sera possible. En attendant, j’ai du temps — ce qui ne m’était jamais arrivé! — et je l’apprécie pleinement. Chaque jour est libre: je ne connaissais pas ça, mais j’aime ça.

Donc, c’est bien fini, les horaires stricts?
Écoute, je me souviens qu’il y avait des matins où je me disais que ça n’avait pas de bon sens. Je devais enregistrer deux épisodes de l’émission Pour le plaisir, et ensuite aller présenter un spectacle à Trois-Rivières. À une certaine époque, quand je tournais et que j’étais en spectacle, mon horaire était tellement fou que je n’étais jamais chez nous. J’ai même déjà dormi dans une roulotte sur un plateau de tournage. C’était fou! Et merci la vie de m’avoir montré qu’il y a autre chose que le travail!

As-tu l’impression d’être comme en semi-retraite?
Oui, parce que le spectacle que je vais reprendre sera mon dernier. La tournée devrait durer environ trois ans et demi. Tu vas me dire: «T’es pas à la retraite, t’es en tournée!» Mais comme je ne vais faire que des spectacles, pour moi, ça équivaut à une semi-retraite, puisque j’ai toujours fait d’autres choses en même temps. Je n’aime pas trop prononcer le mot retraite parce qu’un jour j’ai annoncé que je me préparais à la retraite, et des gens ont compris que je voulais dire que je ne travaillerais plus. Il y a une chose qui est claire: cette tournée sera la dernière. Pour la suite des choses, ce sera un tournage? Un rôle dans une série ou un film? On verra. Cela dit, je peux me vanter d’avoir joué dans 16 films! J’ai aussi fait quatre saisons de Scoop, j’ai joué dans Un homme mort et Le Gentleman. Il y a bien des comédiens qui ont joué moins que moi!

Comment vois-tu la suite des choses, disons pour les trois ou quatre prochaines années?

Il y a deux choses qui m’inquiètent. La première, c’est par rapport à la pandémie: il faut qu’on s’en sorte. Je m’inquiète pour le show-business en général, et je ne parle pas seulement des humoristes, mais des arts de la scène en général, parce qu’il y a la possibilité que des salles de spectacles ferment leurs portes. Ça prend des salles pour jouer et des plateaux pour tourner. Si tu n’aides pas les jeunes artistes en théâtre, en chanson et en humour à survivre, ils vont être obligés d’aller voir ailleurs. Moi, je suis en fin de carrière... Laissez-moi juste terminer mon affaire, mais il ne faut pas non plus que ça se termine avec moi. La deuxième chose qui m’inquiète, c’est la censure. C’est un débat qui existe depuis quelques années et qui ne s’améliore pas. On ne peut plus rire! Quand un épisode de La petite vie, tourné il y a 20 ans, est censuré, c’est ridicule. On veut tellement être politiquement correct. Durant ma carrière, j’ai fait des numéros qui ne passeraient pas aujourd’hui. Et à l’époque, les gens trouvaient ça drôle.

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere


Ainsi, tu vois le métier et ta vie de façon différente maintenant...
La pandémie m’oblige à entrevoir ce à quoi va ressembler ma retraite; j’ai toujours eu peur de ça. J’ai l’impression, aujourd’hui, que j’étais un être totalement inquiet. Je ne pouvais imaginer que je cesserais de travailler, parce que je craignais que les gens m’oublient. J’avais le sentiment que, si je n’étais pas en représentation, j’aurais moins d’importance et que je disparaîtrais.

Quand tu regardes tout ce que tu as accompli durant ta carrière et que tu vois pousser plein de jeunes humoristes, quels conseils penses-tu pouvoir leur donner?

Ce que je souhaite aux jeunes humoristes, c’est d’avoir la chance, comme moi, de durer. C’est ma plus grande réussite! Si je redémarre ma tournée à l’automne, ça voudra dire que, lorsqu’elle sera terminée, je sortirai de scène à 68 ans. Je suis l’humoriste qui a eu la plus longue carrière en continu, donc, sans jamais avoir arrêté de travailler. Je considère aujourd’hui que j’ai bien fait de tuer mon personnage de Hi! Ha!. C’est Jean Bissonnette qui m’a donné des conseils, et je l’en remercie encore aujourd’hui, même s’il n’est plus là. Ce personnage était tellement fort qu’il aurait pu devenir un autre Père Gédéon ou un autre Capitaine Bonhomme. Hi! Ha! a eu du succès, et Jean avait senti le danger avant moi. C’est lui qui m’a amené à réduire le temps que j’accordais au personnage sur scène. Jean faisait la mise en scène de mon spectacle et, au final, il m’a amené à prendre plus de place sur scène en racontant des histoires. Il m’a obligé à prouver que je pouvais être drôle sur scène, sans personnage. Et quand il a été question de créer le prochain spectacle, il m’a suggéré de monter sur scène seulement en tant que Michel Barrette, sans Hi! Ha!. Alors, le personnage est mort sur scène en décembre 1993, à Gatineau.

Au fond, en remisant Hi Ha! dans le garde-robe, Michel Barrette a pris toute la place...
Oui, et c’est là que j’ai commencé à faire de la télé et du cinéma. Ça m’a ouvert des portes. Sinon, je serais mort avec le personnage.

Ta force a toujours été ta polyvalence: tu pouvais toucher à différents aspects du métier.
Oui. Je pouvais faire des spectacles, mais aussi jouer la comédie ou le drame et animer des émissions.

Maude et toi filez toujours le parfait bonheur. C’est vraiment une belle histoire d’amour!

Ça fait 18 ans qu’on est ensemble. Quelle belle rencontre! Je pense que, dans la vie, quand on rencontre la bonne personne, on sait que c’est elle. Mes journées existent parce que nous sommes ensemble. Je la regarde avec notre beau Jonathan, avec mes grands enfants. Il y a 18 ans, quand Martin, Nicolas et Olivier sont venus vivre avec nous, on est devenus une nouvelle famille.

Les familles reconstituées traversent souvent une période d’adaptation difficile au début. Ça ne semble pas avoir été votre cas...
Maude avait à peine 30 ans, et elle a composé avec cette famille; et Jonathan est arrivé par la suite. Il fallait qu’elle soit forte. Elle a fait ça comme si elle avait eu 10 000 enfants! Il y a quelqu’un en haut, quelque part — mon grand-père, ma grand-mère, je ne sais pas trop —, qui a mis Maude sur ma route. En plus, c’est arrivé à Chicoutimi! C’était le 16 août 2002, en sortant d’un taxi. J’avais 45 ans, j’étais un loser total, j’allais encore veiller dans les bars! Ma vie, alors, c’était le travail et les bars, et Maude a tout changé. Aujourd’hui, notre couple est encore plus beau qu’il l’était au début. C’est vraiment un cadeau de la vie!

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Photo : Bruno Petrozza
Photo : Bruno Petrozza

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C’est le fun de te savoir si heureux! Est-ce qu’il y a un secret qui explique la longévité de votre couple?

Je pourrais te parler de notre quotidien, de nos niaiseries, mais en gros, c’est simple et il n’y a rien de compliqué: on est dans le respect total et, si on vit des choses difficiles, on les vit ensemble. Elle est tout le temps là. Et elle est là pour les boys: ils lui parlent souvent, elle est une référence pour eux. En 18 ans, je n’ai jamais passé autant de temps avec ma blonde — te dire à quel point j’apprécie tous ces moments! La dernière fois que je me suis senti aussi bien avec quelqu’un, c’est quand j’étais ado. Un amour d’adolescence, c’est fou, c’est malade, c’est l’absolu. Alors avec Maude, aujourd’hui, je me sens comme si j’avais à nouveau 17 ans. Chaque jour, j’ai 17 ans, et en plus, Maude me permet d’être exactement celui que j’étais à cet âge-là. On est des flos, on s’amuse. Je ne passe plus de temps à me poser une foule de questions pour savoir ce que je suis, ce que je devrais être ou ne plus être.

Dis-moi un mot sur ta relation avec ton fils...
Jonathan est un petit gars merveilleux, brillant et allumé. On passe beaucoup de temps avec lui, et il est aimé.

Parle-moi de tes objets de collection. Que comptes-tu faire de tout cela?
À l’hôtel, j’avais la chance d’avoir beaucoup de place. Je pouvais y exposer quelques objets pour le public. Les gens disaient qu’il y en avait beaucoup, mais ce n’était rien en comparaison de tout ce que je possède. Il y avait notamment des cheveux de Marilyn Monroe, des cartes de crédit de Frank Sinatra, beaucoup d’objets reliés à Kennedy, 15 guitares signées, la robe de Whitney Houston, etc. Les gens pouvaient aussi voir la réplique de la Porsche de James Dean dans laquelle il s’est tué... Mais pour répondre à ta question, oui, il faudra qu’un jour il y ait un musée. Quelque 300 objets de ma collection avaient été exposés à Chicoutimi il y a sept ans, au Musée La Pulperie, et ça avait obtenu un grand succès. S’il y avait un musée où je pourrais exposer mes objets, je pourrais même faire des visites privées, pendant lesquelles j’expliquerais les histoires reliées aux objets. Sinon, il pourrait y avoir des vidéos et des enregistrements pour guider les visiteurs.

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Semi-retraite

Michel a beau parler de semi-retraite, son sac à idées n’est pas vide pour autant! Il caresse un projet avec Lucien, le personnage qu’il a créé sur papier et qu’on peut apprécier dans La Semaine (Les aventures de Lucien). Il a de plus le désir d’exposer les objets de sa collection et de reprendre du service à titre de comédien. On l’a vu récemment dans un épisode des Beaux malaises. Et c’est sans compter la suite de son livre, Histoires de chars, qu’il terminera très bientôt.

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