COVID-19: des entreprises prêtes à adopter le télétravail à long terme

Photo Agence QMI, Joël Lemay

Myriam Lefebvre

2020-05-25T09:00:00Z
2023-10-12T23:40:05.159Z

MONTRÉAL | Configuration différente des bureaux ou carrément du télétravail de façon permanente: la réorganisation du travail au sein des grandes entreprises du centre-ville de Montréal est déjà en marche et pourrait avoir un grave impact sur l’achalandage dans les commerces. 

Avec sa tour du boulevard De Maisonneuve, à Montréal, désertée à 95% en temps de pandémie, la firme KPMG anticipe déjà qu’un bon nombre de ses employés demanderont de travailler à domicile de façon permanente.   

Publicité

«La configuration de [nos] bureaux sera vraisemblablement différente, avec plus d’espace entre les personnes, des salles de réunion plus grandes, etc. Conséquemment, même avec moins d’employés au bureau, la superficie de l’espace occupé risque d’être la même», a indiqué Benoît Lacoste Bienvenue, associé directeur de KPMG pour le Québec.   

Des réflexions profondes 

KPMG Canada a de quoi s’inspirer pour le retour au travail de ses employés puisque leurs bureaux en Asie ont rouvert il y a quelques semaines. Horaire strict de présence par étage, échelonnement des heures d’arrivée et de départ, alternance des jours de présence au bureau: les mesures sont multiples pour réduire l’achalandage dans les ascenseurs et favoriser la distanciation sociale, selon M. Lacoste. Chose certaine, «les organisations doivent se préparer, et plus tôt qu’elles ne pourraient le penser», a-t-il dit.   

Avec plus des deux tiers de ses membres à la maison, CIBC, dont la tour est le cinquième plus haut gratte-ciel de la métropole, admet que l’expérience des dernières semaines a provoqué une vaste réflexion.   

Publicité

«Elle nous donne l’occasion de réexaminer les modalités du télétravail dans la conception de notre futur lieu de travail», a indiqué Tom Wallis, directeur senior, communications et affaires publiques chez CIBC.

Son de cloche comparable à la tour Sunlife où l’on calcule une proportion d’environ 98% de télétravailleurs à l’heure actuelle. Le retour des employés sera «facultatif et basé sur leurs besoins individuels», a mentionné Mylène Bélanger, conseillère principale en relations publiques.   

Commerces affectés 

Donc, si les entreprises accueillent un moins grand nombre d’employés en raison du télétravail, comment les petits commerces, bars et restaurants parviendront-ils à survivre à la baisse d’achalandage subséquente?   

Selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), 53% des PME du grand Montréal ont subi des baisses de vente de plus de 60% depuis le début de la crise. À l’échelle canadienne, 50% des propriétaires ne croient pas pouvoir payer leur loyer de juin sans aide gouvernementale et 20% craignent d’être expulsés de leur local si la crise perdure.   

Publicité

«Si on n’aide pas les petits commerces à passer au travers actuellement, quand on va reprendre normalement, il va y avoir plus de locaux vides sur nos artères commerciales», a soutenu François Vincent, vice-président Québec à la FCEI.   

Situation semblable à New York 

D’autres grandes villes comme New York vivent aussi des bouleversements semblables dans leurs quartiers d’affaires. Dans Manhattan, l’un des plus importants arrondissements commerciaux et financiers au monde, des compagnies comme Barclays, Nielsen et Halstead ont annoncé qu’elles pourraient accueillir moins d’employés dans leurs bureaux, a rapporté le New York Times. Éventuellement, ceux-ci n’auraient qu’à se présenter pour des rencontres essentielles plutôt que de se déplacer matin et soir pour effectuer des tâches qu’ils peuvent accomplir à la maison.   

Twitter, avec des bureaux dans le quartier de Chelsea, a été la première grande compagnie technologique à en faire l’annonce officielle la semaine dernière: plusieurs de ses salariés seront autorisés à travailler à distance de façon permanente.   

Déclin à prévoir pour le marché immobilier commercial    

Le professeur Ahmad Al-Haji du département de finance de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM est d’avis que le centre-ville de Montréal ressentira des impacts de la pandémie, mais qu'il est difficile de mesurer l’ampleur en intégralité.   

Publicité

«Le volume de transactions immobilières [générales] a baissé de près de 70% en avril et même une perspective immobilière optimiste prédit une baisse moyenne des prix de 1% à 5% dans le grand Montréal plus tard cette année, dépendamment du temps qu’il faudra avant que les choses reviennent à la normale», a affirmé M. Al-Haji.   

Advenant que la crise perdure, des dommages structurels économiques plus profonds seraient à prévoir, selon le professeur, notamment des pertes d’emplois et un accès difficile à du crédit, en raison d’un contrôle accru des banques qui influenceront les prix de l’immobilier.   

Selon lui, le marché immobilier commercial de Montréal en verra davantage les conséquences. «Pour cette raison, on pourrait voir un impact plus significatif au centre-ville», a-t-il conclu.   

Télétravail permanent chez Shopify    

L’entreprise ottavienne Shopify, qui compte des bureaux sur la rue De La Gauchetière, à Montréal, a annoncé jeudi qu’elle devenait «numérique par défaut». Sur Twitter, le PDG de la compagnie de paiements en ligne Tobi Lutke a indiqué que ses bureaux seraient fermés jusqu’en 2021 pour les adapter à cette nouvelle réalité. Après la pandémie, la grande majorité des 5000 employés travailleront à distance en permanence.   

«La centralisation du travail au bureau est terminée», a déclaré le PDG dans son tweet.

Publicité