Debbie Lynch-White revient sur son quotidien de proche aidante pour son grand-père décédé

Photo : Julien Faugere

Michèle Lemieux

2021-05-03T16:47:31Z

Après le décès de son grand-père paternel en février dernier, Debbie Lynch-White a amorcé son deuil avec une grande sérénité. Pour la première fois depuis plus de 20 ans, celle qui a assumé avec dévouement son rôle de proche aidante n'a plus personne de qui s'occuper. Comme elle est fllle unique, dernière de sa lignée, ce départ l’a fait s’interroger sur la suite des choses. Son choix est fait: elle n’aura pas d’enfant et avec elle s’éteindront les White.

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Debbie, vous nous présentez
Histoires de coming out. Avez-vous été touchée ou rassurée d’entendre tous ces témoignages?
Tout cela à la fois. Je suis très fière de ce projet. Je suis étonnée que rien n'aie été fait à ce sujet de manière approfondie avant aujourd'hui. Je constate qu'il y a encore du chemin à faire, mais j'ai espoir en la jeunesse, en son ouverture. Les jeunes ont un vocabulaire que moi-même je n'avais pas à leur âge. À travers les histoires humaines tantôt belles, tantôt difficiles, nous explorons différents aspects du coming out et nuançons le propos sans tomber dans les stéréotypes. On entend des histoires touchantes, bouleversantes et parfois même très difficiles. Des gens ont été reniés par leur famille et ont dû en faire leur deuil. On se rend compte que la génération qui nous précède a manqué de modèles sur ce plan. Quand on est témoin du coming out de son enfant, il ne faut pas être centré sur nos peurs et nos insécurités, mais plutôt écouter l’autre et répondre à son besoin.      

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Vous avez fait le vôtre à l’âge de 29 ans. Qu’est-ce qui a fait en sorte que vous avez mis autant de temps à le faire?
Effectivement, je considère avoir fait mon coming out sur le tard... (sourire) Ça faisait 10 ans que je le savais, que j’avais eu un premier gros kick sur une fille qui, pour la première fois de ma vie, m’avait fait me questionner. J’ai compris que ce que je ressentais n’avait rien à voir avec de l’amitié. J’ai été prise par surprise... Cette fille ne l’a jamais su et n’est toujours pas au courant. Durant ma vingtaine, j’étais à l’école de théâtre et je m’occupais de mon père, décédé aujourd’hui. C’est aussi à ce moment que j’ai bâti ma carrière, que sont arrivées Unité 9 et la popularité. C’était une nouvelle réalité à gérer pour moi. Ma vie amoureuse et sexuelle a été éclipsée. Ce n’était pas sur ma liste de priorités. J’ai eu des kicks, mais rien de sérieux. L’évidence d’être lesbienne grandissait toutefois en moi. J’avais le désir de le dire, mais je ne savais pas comment. Souvent, on a peur de faire son coming out...

Photo : Julien Faugere
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Il faut dire que votre génération a cruellement manqué de modèles...
J’ai eu Ariane Moffatt pour modèle. Elle nous a ouvert la voie. Malgré tout, j’ai grandi en entendant des commentaires homophobes. La télé contribuait à diffuser cette homophobie. Disons que je partais de plus loin que les jeunes d’aujourd’hui... Ce sont toutes ces raisons qui m’ont fait attendre.

Aviez-vous peur de décevoir vos parents?
Mon père était décédé. Il ne l’a jamais su. Je n’ai jamais pu lui dire, mais je suis certaine qu’il le savait. Ma mère m’a dit qu’elle s’en doutait. Lorsque j’ai fait mon coming out, j’étais à un point de non-retour. J’avais toujours mis les besoins des autres avant les miens. Je voulais penser à moi. Je savais que je n’allais pas perdre mes proches et, effectivement, ma famille et mes amis ont bien réagi. Certaines personnes sont sorties de ma vie, mais ça ne m’appartient pas. Je ne dirais pas que c’est réglé, car je suis encore en processus de deuil, mais ce n’est plus une blessure.

Avez-vous le sentiment de contribuer à faire avancer les choses pour ceux qui sont en quête de modèles? Je suis une hypersensible et j’ai parfois l’impression de porter le poids du monde sur mes épaules. Je voudrais aider et sauver tout le monde! Je suis ainsi depuis que je suis toute petite. À cause de ma présence dans les médias avec ma blonde, je reçois des messages qui me bouleversent! Des gens me disent avoir fait leur coming out grâce à moi. Ça donne un sens à ce que je fais. 

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Photo : Julien Faugere
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Comme fille unique, avez-vous senti une certaine pression de la part de vos parents pour avoir des enfants?
Je n’ai jamais senti cette pression de mes parents ni de ma famille. Ma mère ne m’en a jamais parlé. J’ai été libre de décider par moi-même. De toute manière, je ne savais même pas si je voulais des enfants ou non. Je voulais juste vivre ma vie à 100 %, telle que je suis. Mon grand-père White est décédé à 87 ans en février dernier et j’ai quand même eu cette réflexion: je suis la dernière White de ma lignée. Il n’y a plus personne après moi. Mon père était fils unique. Je suis la fière représentante des White. J’adore ma famille Lynch, mais elle vit au Nouveau-Brunswick. Je me suis demandé si j’étais zen avec le fait que tout se termine avec moi et, honnêtement, oui. Je ne ressens pas du tout le désir d’avoir des enfants. C’est important d’en parler, que des femmes le disent haut et fort. Ça montre le chemin parcouru. En deux générations, nous avons fait des pas de géant. Ma grand-mère, par exemple, a eu 12 enfants. J’adore les enfants, mais je n’ai pas envie d’avoir cette vie-là. C’est un trop gros engagement pour moi. Je suis trop sensible: je serais toujours inquiète...      

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L’important, c’est de pouvoir choisir librement.
Oui. Quotidiennement, on me demande: «Pis, les enfants?» Pendant longtemps, ma blonde et moi avons été indécises. Nous en avons parlé, nous en avons voulu à un certain moment, mais finalement, nous nous sommes dit que ce n’était pas pour nous. Depuis peu, je le dis: je n’aurai pas d’enfant. Il y a peu de gens qui en parlent ouvertement. Ce n’est pas le discours habituel, mais je l’assume. 


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Vous disiez précédemment que votre grand-papa est décédé. Avez-vous eu la chance de l’accompagner dans ses derniers moments?
Oui, j’étais à ses côtés quand il est mort. Je lui ai tenu la main. C’était ma première expérience du genre. Sincèrement, j’ai adoré ça. Après son décès, je me suis dit que je voulais être là pour ceux que j’aime et qui vont mourir. J’ai aimé accompagner mon grand-père, être là pour lui, le rassurer. Ça m’a fait du bien. J’étais sa proche aidante depuis des années. Mon grand-père avait ses anxiétés. Ça faisait longtemps que j’avais ce rôle de personne rassurante à ses côtés. À la fin, il n’ouvrait plus les yeux, mais il savait que j’étais là; je l’ai senti dans sa main, dans ses sourcils. Quelques jours avant son départ, nous avons eu une conversation sur la mort. Il m’avait même raconté une blague à ce sujet!

Était-il aux soins palliatifs?
Oui, mais j’ignorais qu’il allait mourir trois jours plus tard. Je ne savais pas que c’était notre dernière conversation... Je me souviens de lui avoir dit que nous pouvions passer notre vie à avoir peur de la mort, alors que c’était peut-être encore plus agréable qu’ici! Peut-être que cela a allégé sa perspective de la mort... Nous avions même parlé de l’aide à mourir. Il avait le cancer depuis deux ans, et cela s’additionnait à d’autres problèmes. Mon grand-père avait de bons gènes. Comme je le disais si bien à ma blonde, elle est prise avec moi pour un méchant bout! (rires) Il vivait sur du temps emprunté depuis longtemps. Il n’avait pas peur de partir. Il avait hâte d’aller rejoindre son fils et sa femme. Je l’ai toujours épaulé. Nous étions rendus là dans l’histoire. Il a eu une belle vie. Mais il était rendu seul, il n’avait plus beaucoup d’amis. J’étais l’un de ses rares contacts. Il est donc parti en paix.

Finalement, Debbie, vous semblez avoir traversé une année pleine de bouleversements...
Oui, ç’a été une année chargée, mais j’ai aussi vécu de beaux moments. La pandémie m’a amenée à me rendre compte que je suis une fille privilégiée. Je n’ai pas trop manqué de travail, j’ai un toit au-dessus de la tête et de la nourriture dans mon frigo, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Ça m’a permis de me recentrer et de prendre soin de moi. J’ai appris à le faire. À dire non. À mettre mes limites. Cette année m’a fait beaucoup de bien. Ça peut sembler égoïste, mais à la suite du décès de mon grand-père, j’ai ressenti un grand soulagement, autant pour lui que pour moi.

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Parce que c’était une grande responsabilité pour vous?
Oui, la charge mentale était lourde. C’était beaucoup d’inquiétude. J’étais seule pour tout gérer, du compte de banque aux rendez-vous à l’hôpital. J’aménageais mon horaire pour être disponible pour lui et j’étais heureuse de le faire. J’ai pris soin de mon père, puis de mon grand-père. Je suis une aidante depuis l’âge de 14 ans. Je me suis toujours occupée de quelqu’un. J’ai donc ressenti un grand soulagement. J’avais besoin de cette pause. Le jour où il est décédé, j’étais bouleversée... Je me suis rendu compte que le décès de mon père quand j’avais 24 ans m’avait donné une urgence de vivre. À 35 ans, voir mourir mon grand-père m’a donné le goût de prendre le temps de vivre et de savourer ce qui m’arrive. Quand on y pense, la mort c’est étrange: notre culture, notre intelligence, notre mémoire, tout ce qu’on a mis une vie à bâtir disparaît en une seconde. Aujourd’hui, il n’y a plus personne sur terre pour me raconter l’enfance de mon père...

Comment vivez-vous ce deuil?
J’ai eu de la peine, mais la douleur s’est vite estompée. Le fait d’être là pour mon grand-père au lieu d’être centrée sur ma douleur m’a aidée à faire la paix avec ça.

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Photo : Julien Faugere
Photo : Julien Faugere



Vous êtes-vous transformée à travers ce que vous avez vécu?
Je pense que je vais me transformer toute ma vie! Je me suis remise au yoga l’année dernière et ça m’apporte un bien immense. Ça fait partie des choses que je fais pour moi. Le yoga me permet d’apaiser mon mental. Actuellement, ma réflexion tourne autour du fait que je dois arrêter d’absorber le mal de tout le monde. Je m’approprie le mal des autres. J’essaie de départager ce qui me concerne et ce qui ne me concerne pas. On m’interpelle parce que j’ai une tribune, mais je ne peux pas m’impliquer dans tous les combats et essayer de sauver tout le monde. Je tente de me recentrer sur mes batailles.

Comment résumeriez-vous la dernière année?
J’ai vécu beaucoup d’émotions, des inquiétudes aussi. J’ai perdu des contrats, mais ce n’est rien comparativement à d’autres. Ma blonde est aux études à temps plein et travaille à temps partiel. Nous avons vécu des montagnes russes sur le plan personnel, dans notre couple et dans notre travail. Nous n’avons pas l’habitude d’être toujours ensemble! Ça s’est bien passé, mais nous avons procédé à quelques ajustements. Nous savons à quel point nous nous aimons au-delà de tout cela. Nous avons quand même eu nos «bouts de garnotte», comme je me plais à le dire. Mais ça va bien. C’est une année où j’ai plus pensé à moi, j’ai évolué, j’ai fait des deuils... Je me sens encore plus à la bonne place maintenant. Et je ne ressens plus d’urgence. J’ai envie de me choisir sans me sentir mal.

Debbie Lynch-White anime la nouvelle série documentaire Histoires de coming out, diffusée le lundi à 21 h sur MOI ET CIE dès le 3 mai.
Elle reprendra les tournages de la quatrième saison d’
Une autre histoire.
Parallèlement, elle termine la rédaction de sa maîtrise.

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