Sandrine Bisson confie être moins à l’aise avec le côté public de son métier

Saskia Thuot

2024-01-31T12:00:00Z

Petit matin gris. Sandrine cogne doucement à la porte. Elle me remercie de l’accueillir, un peu gênée mais tout sourire. On se rappelle s’être déjà croisées il y a de nombreuses années alors que je faisais un reportage sur le plateau du Négociateur, une série dans laquelle elle jouait. C’était au début des années 2000.

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Un café, un croissant, elle s’installe pour le maquillage. Elle regarde Stéphanie, notre maquilleuse, et lui dit: «Je te connais un peu; je suis allée voir sur le Web pour en savoir plus sur toi. Même chose pour toi, Julien (le photographe), et toi aussi, Saskia. C’est important pour moi de faire mes devoirs avant de rencontrer de nouvelles personnes. Comme je suis très gênée, ça m’aide un peu.» Elle rit, et nous aussi. Elle connaît le nom de mes enfants, de mon ex, elle avait vu ma maison en photo. «J’étais contente de venir ici et je savais à qui j’avais affaire. (rires) En fait, je fais rarement des entrevues. Je me sens mal à l’aise quand vient le temps de parler de moi.» 

GARDER LA TÊTE FROIDE

Entre la ville et la campagne, Sandrine possède l’art du bonheur tranquille. Les deux pieds bien ancrés sur terre, elle sait apprécier ce qui se présente sur son chemin. «J’ai une famille que j’adore et je fais le seul métier au monde que je veux faire. En fait, c’était comme la seule option pour moi. Même si j’ai eu des moments de doute, je ne me voyais pas faire autre chose. Je remercie le metteur en scène André Brassard, qui m’a donné ma première chance. À cette époque, je n’articulais pas, je faisais juste des sons. (rires) Malgré ça, il a vu un potentiel en moi, et j’ai commencé à faire ce que j’aime le plus au monde.» Pour gagner sa vie, elle travaillait en restauration, et puis un jour, elle a quitté ce milieu pour se consacrer au jeu. «J’ai eu de belles années en restauration. Je gagnais bien ma vie. Et, comme j’ai toujours été économe, je mettais un maximum de sous de côté. C’était rassurant pour moi. Encore aujourd’hui, je ne dépense pas beaucoup dans la vie. Quand j’ai eu mes premiers contrats au théâtre et à la télé, je travaillais le soir au Continental, un restaurant très prisé. Je finissais tard, très tard, et je devais me lever tôt pour les tournages. Ce n’était pas un bon combo. J’ai donc décidé de quitter la restauration pour mettre toutes les chances de mon côté pour le jeu.» Depuis, elle a décroché des dizaines de rôles, au petit et au grand écran, sur scène et sur le Web. Des personnages qu’elle habite et qu’elle aime autant les uns que les autres. «Quand je prépare une audition, je me donne à fond. Pas question pour moi de sortir d’une audition en me disant que j’aurais pu faire mieux. Ça implique donc de nombreuses heures de répétition. Mais j’adore ça! C’est la même chose quand j’ai un rôle: je m’imprègne du personnage pour l’habiter et bien le comprendre. Dans Le temps des framboises, mon personnage, Elisabeth, a une ferme et elle monte parfaitement à cheval — ce que je n’avais jamais fait de ma vie! Quand j’ai su que j’avais décroché le rôle, dès le lendemain, j’allais faire du bénévolat dans une écurie pour mieux connaître les chevaux et apprendre à les monter.» 

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TOUT EN SIMPLICITÉ

On s’installe pour la séance photos, et elle me demande de rester près d’elle. «Je ne sais pas pourquoi, mais ça me gêne de faire de la photo. Reste proche, ça me rassure.» On rit. Un rire naturel qui fait d’ailleurs les plus jolis clichés. «Je suis très timide. Alors ça me gêne d’être à l’avant-plan. Même si je fais le plus beau métier du monde, je suis peut-être moins à l’aise avec le côté public. Quand on m’invite à parler de moi, je me sens bizarre car, après tout, j’ai une vie bien simple. Et puis je suis super sensible. C’est sûrement aussi pour ça que je suis plutôt discrète. Une façon de me protéger, peut-être. J’ai toujours tracé une ligne entre ma vie professionnelle et ma vie privée. J’aime être incognito dans le public. Je prends encore le métro et j’observe les gens. Ils sont tous sur leur iPhone, donc, c’est facile! (rires) Mon métier, c’est aussi ça, observer. Je m’inspire des gens pour créer mes personnages. J’aime les regarder et, quand on me reconnaît, je suis gênée. J’ai comme une petite larme. Je les remercie tellement, ça me touche beaucoup!» Je suis charmée par la sensibilité de Sandrine. Je découvre aussi une femme ancrée, intuitive, et qui a le sens des affaires. Un beau mariage entre son désir de saisir l’opportunité et son besoin d’indépendance. «En fait, je sais m’occuper de mes affaires. Quand je sortais de mes soirées au resto ou au bar, j’allais déposer les sous que j’avais gagnés dans la soirée et j’allais me coucher au lieu de partir sur une balloune et de tout dépenser. Mon père m’a toujours dit: “Sois autonome. Bâtis ta vie pour toi. Fais des choix pour ne pas dépendre de quelqu’un d’autre.” À 18 ans, mon frère Jonathan et moi, on a eu l’occasion d’acheter une maison. On l’a fait même si on était jeunes. Un peu naïvement peut-être, mais c’était définitivement un bon choix sur le plan financier. J’ai toujours été propriétaire et j’ai continué à investir dans l’immobilier.» 

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L’AMOUR DE LA FAMILLE

Originaire de Québec, elle a grandi un sein d’une famille qu’elle qualifie de «normale». Elle est très proche de ses parents et de son frère, et le respect est au cœur de leur relation. «Je suis bien entourée. Chez nous, ce n’est pas compliqué: on ne fait pas de vagues et on se laisse être. Mes parents ont été de très bons guides. J’ai aussi une belle relation avec mon frère, Jonathan. Je l’aime beaucoup, il a une belle sagesse. On a été élevés dans l’amour et le respect, c’est une grande richesse.» Des valeurs qu’elle partage aussi avec son amoureux des 25 dernières années, Stéphane, et leurs enfants. «J’ai un chum fabuleux! On se complète à merveille. On a toujours mis notre couple en avant: on veut toujours en faire plus pour l’autre. On prend soin de nous. Rien de compliqué, on s’aime. On rit beaucoup ensemble. D’ailleurs, quand on s’est connus, son message sur son répondeur disait: “Bienvenue chez M. Bonheur!” Ça, c’est vraiment lui!» Quand ils se sont rencontrés, Stéphane avait deux petites filles, Laurianne et Émilie. Elles sont maintenant dans la vingtaine. Plus tard, ils ont eu un garçon, Lambert, désormais adolescent. «Ne me demande pas leur âge, je ne suis pas bonne avec ça. Je ne sais même pas quel âge j’ai! Tu iras voir sur Wikipédia! (rires) Stéphane est entré dans ma vie avec deux petites toutes faites. Je les ai connues très jeunes. C’est un grand bonheur pour moi de les voir grandir et s’épanouir. Avec mon fils, Lambert, on forme tous une belle famille. J’adore les jeunes, ils nous apprennent tellement... J’aime échanger avec eux, m’intéresser à leur vision du monde, toujours dans le respect et l’ouverture d’esprit. Bon, l’adolescence vient avec ses défis, mais ça se passe quand même bien. (Elle me fait un clin d’œil.) Je trouve aussi rassurant de voir que mon gars est bien à l’école, avec ses amis, dans les sports et académiquement aussi. Je suis contente pour lui.» 

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PASSÉ, PRÉSENT, FUTUR

Je comprends que les années de Sandrine au primaire et au secondaire ont été difficiles. «Je n’aimais pas l’école, j’y étais tellement malheureuse... Et c’était très dur académiquement parlant. J’avais l’impression d’être différente. Peut-être que c’est moi qui me mettais une étiquette. Peut-être que je ne me trouvais pas aussi bonne que les autres... Quand j’ai quitté Québec pour venir vivre à Montréal, ç’a été comme si je recommençais à zéro. Je n’entendais plus: “Ah oui, Sandrine est comme ci ou comme ça.” Je suis arrivée dans la métropole légère et prête pour un nouveau départ! Si je repense à ces années, je n’en ai pas de beaux souvenirs. Mais je n’en veux à personne. Ça fait partie de mon bagage, et je me suis construit une belle vie malgré tout.» L’année 2023 a marqué la fin de trois grands projets pour l’actrice: 1995, quatrième et dernier film de la saga autobiographique de Ricardo Trogi, la troisième saison de la série Le Bonheur et la deuxième du Temps des framboises. Une page blanche qu’elle accueille avec sagesse. Comment se sent-elle en pensant que ces projets sont terminés? Sereine, tout simplement. «Je ne suis pas de nature nostalgique. C’est sûr que ce sont de gros morceaux. J’adore ces trois personnages et ils seront toujours en moi. Mais je regarde devant et je suis prête à retourner me “battre”. Bien... pas me battre pour vrai, là! (rires) Je veux rester dans la course. Je suis encore émerveillée quand on pense à moi pour un rôle ou qu’on m’appelle pour une audition. Quand ça arrive, je donne toujours tout ce que je peux pour bien me préparer — c’est dans ce sens-là que je veux me battre. Je suis de nature très positive. Alors j’avance en toute confiance et je sais savourer les moments de pause pour accueillir la suite. Mais je suis toujours en mouvement: j’aime ça quand ça bouge! Hier, je regardais pour un poste à la bibliothèque de ma ville, mais mon chum m’a dit: “Calme-toi... Donne-toi deux-trois semaines!” (rires)» 

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Julien Faugere / TVA Publications
Julien Faugere / TVA Publications

J’apprends aussi qu’entre deux contrats, elle a déjà entamé des cours pour devenir courtière immobilière. Aucun doute, elle aime le mouvement. «Je ne veux pas me cristalliser. J’ai soif d’être en mouvement et d’apprendre, mais je suis aussi capable de me poser et de passer du temps tranquille à la campagne: un endroit où je retrouve l’essentiel, la famille, la nature, et où je savoure des moments de qualité avec ceux que j’aime.» En terminant, on jase de beauté et des femmes, et on se laisse sur ces mots inspirants. «J’ai envie de naturel. J’ai toujours aimé les hommes plus vieux que moi. Je les trouve beaux. C’est ce regard que je veux poser sur moi. Je ne me regarde pas beaucoup, mais je trouve que je vieillis bien. Et c’est ce que je souhaite à toutes les femmes: de se trouver et de se sentir belles en vieillissant.» 

Merci, Sandrine! Quelle belle rencontre! 

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Le bonheur, mercredi 21 h 30, à TVA. Le film 1995 sortira en salle le 31 juillet. Le temps des framboises (saison 2) sera présentée sur Club illico en 2024.

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