Varda Étienne veut sensibiliser le public aux enjeux de santé mentale

Photo : Patrick Seguin

Samuel Pradier

2021-06-14T11:00:00Z

Douze ans après la première parution de Maudite folle, son livre coup de poing dans lequel elle révélait sa bipolarité et tout ce qu’elle avait dû traverser en raison de ses problèmes de santé mentale, Varda Étienne en publie une nouvelle édition enrichie. En pleine forme et plus épanouie que jamais, elle s’est confiée sur son chemin de vie et sur sa mission de sensibiliser le public aux enjeux de santé mentale.

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Varda, pourquoi sortir une nouvelle version de votre livre?
Ce livre a eu un succès monstre lors de sa sortie en 2009, les gens m'en parlent encore aujourd’hui. Je trouve qu’il est toujours intéressant de parler de santé mentale. J’aime bien lire des entrevues de psychiatres ou de psychologues, mais quand c’est quelqu’un qui me parle de sa propre histoire, je trouve que c’est plus facile de s’y rattacher. Parler des enjeux de santé mentale est véritablement ma mission dans la vie. Je voulais donc que les gens qui n’ont pas pu lire le livre il y a 12 ans, comme ma fille, qui était trop jeune à l’époque, puissent y avoir accès. J’ai fait des ajouts dans la nouvelle version. Je raconte notamment tout ce qui s’est passé dans ces dernières années, le cheminement que j’ai fait et que je continue de faire depuis 12 ans. Je suis toujours en psychanalyse, et je pense que j’y serai jusqu’à la fin de ma vie.      

Vous avez été une des premières à parler publiquement de santé mentale. Étiez-vous consciente des enjeux?
Je n’ai pas eu d’autre choix que d’en parler. J’avais atteint le bas-fond à ce moment-là. Je perdais des contrats, et mes crises ont aussi contribué à mon divorce, je n’allais vraiment pas bien. Je me demandais pour quelles raisons les gens n’ont aucune gêne à parler de toutes les maladies dont ils souffrent, mais que lorsqu’il est question de santé mentale, ils restent silencieux. Je voulais aussi comprendre et faire comprendre aux gens certains comportements que j’avais pu avoir, et d’où cela venait. Je n’ai jamais regretté de l’avoir fait, et j’ai pourtant tout écrit dans ce livre.

À la sortie du livre, comment le public a-t-il réagi à votre égard?
J’ai toujours assumé ce que je faisais, que ce soit en bien ou en mal. J’ai d’ailleurs quelques polémiques et controverses derrière moi. Égoïstement, c’est un livre que je devais d’abord écrire pour moi. Je suis très fière de l’avoir écrit. En fait, la réaction du public a été beaucoup plus positive que ce à quoi je m’attendais. Beaucoup de gens m’ont écrit pour me dire non seulement qu’ils comprenaient comment je réagissais, mais surtout qu’ils comprenaient des gens autour d’eux. Mais je dirais que 80 % des messages que j’ai reçus, c’était des gens qui me disaient qu’eux-mêmes se reconnaissaient dans ce que je racontais, dans les situations que je décrivais. Ça montre que les gens qui souffrent d’un problème de santé mentale se prennent en main, et que ceux qui n’en souffrent pas essaient de comprendre. Je pense qu’on est sur une bonne voie.

On parle beaucoup plus des enjeux de santé mentale. Avez-vous l’impression que c’est suffisant?
Ce n’est jamais assez. Ce qui me choque tout le temps, et qui me blesse encore, c’est d’utiliser la maladie mentale de quelqu’un pour l’insulter. C’est comme une couleur de peau, on ne la choisit pas. On naît avec la maladie mentale ou on naît avec une couleur de peau. Utiliser ça pour insulter quelqu’un est d’une bassesse sans nom. J’entends encore des choses comme ça, ou alors des gens me demandent carrément: «As-tu pris tes médicaments?» On continue de m’apostropher comme ça dans la rue.

Avez-vous toutefois l’impression qu’il y a une meilleure compréhension?
Tout à fait, et tant mieux. Mais ce qui me réjouit beaucoup, c’est que la génération qui me suit, celle de mes enfants, s’indigne devant tout, que ce soit l’homophobie, le racisme ou les préjugés envers la santé mentale... Je trouve ça beau à voir, car rien ne passe avec eux. Il y a encore du travail à faire avec ma génération et celle de mes parents, mais je préfère être optimiste. Je pense aussi qu’il y a eu un éveil à cause de la pandémie, qui a provoqué de nombreux cas de dépression et de suicide. La société n’a pas eu le choix: elle a vu qu’il y avait un réel problème. Il faut faire quelque chose, mais, malheureusement, la santé mentale reste le parent pauvre de notre système de santé.      

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Photo : Patrick Seguin
Photo : Patrick Seguin


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Vous ne vouliez pas, au départ, être soignée. Ça a pris du temps avant que vous finissiez par l’accepter. Pourquoi refusiez-vous?
Il faut savoir qu’il y a des effets secondaires à la prise de médication, et ils ne sont pas négligeables. Par exemple, j’ai pris 40 livres depuis que je suis sous médication, mais ça ne paraît pas tant que ça, parce que je mesure 5 pi 9 po. Il y a aussi le fait que la phase manie est très agréable. Tout le côté créatif que je peux avoir en phase manie est très amoindri quand je suis médicamentée, mais ça m’empêche de faire beaucoup de conneries. Je préfère peser 40 livres de plus et que ma vie aille bien, plutôt que le contraire. Je ne veux pas tout axer sur le poids, c’est juste un exemple, car il y a d’autres effets secondaires. Et surtout, faire des crises est extrêmement douloureux. 

La phase d’acceptation est-elle un processus habituel?
L’acceptation est souvent difficile parce qu’on cherche beaucoup à comprendre. Je me suis souvent demandé pourquoi moi et pas ma sœur, par exemple. Il faut aussi accepter que ce soit comme ça toute notre vie. Je n’arrêterai jamais de prendre des médicaments jusqu’à la fin de ma vie, comme un diabétique n’arrêtera jamais de prendre de l’insuline. Mais j’ai fait la paix avec tout ça depuis quelques années. Aujourd’hui, ma culpabilité va plutôt arriver au moment où je ne prends pas ma médication. Si, par exemple, je m’endors sur le sofa sans avoir pris mes pilules, je vais me sentir mal. Il faut vraiment que je prenne mes médicaments religieusement. 

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Depuis quelques années, vous avez l’air beaucoup plus sereine et en paix. Est-ce seulement l’effet de la médication?
Je ne sais pas si c’est l’âge, les circonstances de la vie... Je veux aussi être un bon exemple pour mes enfants. J’ai pourtant vécu un nouveau divorce récemment, et je dois aussi jongler avec mon autre problème de santé mentale, qui est le trouble de personnalité limite. Il n’y a pas de médication pour ce problème-là, c’est seulement la thérapie qui peut m’aider à arranger les choses. Je pense aussi que je me suis lassée de tout ce qui est scandale et controverse. C’est lourd. Ça n’empêche pas que je suis toujours aussi excentrique et remplie d’autodérision sur mes réseaux sociaux. Mais je veux vraiment vivre mes prochaines années en paix. Je m’écoute beaucoup plus, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai choisi de quitter l’émission Big Brother Célébrités. Je sentais que je n’allais pas bien et qu’il fallait que je m’en aille.

Vous avez récemment présenté une conférence sur la santé mentale. Allez-vous en faire d’autres?
Oui, mais c’est une question de temps. En sortant de Big Brother Célébrités, j’ai été extrêmement sollicitée et ça m’a beaucoup fatiguée. Je suis tombée en phase manie et en phase dépressive, il y a eu trop de choses dans ma vie. En plus des sollicitations professionnelles, il y avait mon divorce, et je déménageais dans ma nouvelle maison. Mon ex-mari, le père de mes enfants, de qui je suis très proche, a appelé mon agent pour lui demander de tout arrêter, car c’était trop pour moi. Ça n’allait plus. Je suis rendue là; il faut que je m’écoute et que je prenne du temps pour moi. Je vais donc présenter d’autres conférences, mais ce sera davantage à l’automne. En même temps, ces conférences m’aident beaucoup, car je donne aux gens la possibilité d’interagir. Ça me permet de comprendre ce qu’ils vivent, il y a un échange très intéressant et très constructif.      

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Varda Étienne est de retour pour une 19e année comme chroniqueuse à Sucré salé, à TVA.
Elle coanimera l’émission du retour à la maison, avec Caroline St-Hilaire, sur QUBradio, de15h à18h du 21 juin au 15 août.
La nouvelle édition bonifiée de sa biographie Maudite folle! est disponible en librairie.
L’auteure travaille aussi à l’écriture de son prochain roman, qui devrait sortir début 2022.

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