Jean-Marc Généreux revient sur son parcours en tant que parent d’un enfant handicapé

Photo : Eric Myre

Samuel Pradier

2022-01-17T15:00:00Z

Tout semblait normal quand Francesca, la fille de Jean-Marc Généreux et France Mousseau, est née. Même si son développement était plus lent, elle marchait, parlait et jouait avec son frère. Mais à l’âge de 24 mois, le syndrome de Rett s’est emparé de son corps, et ses parents n’ont pu qu’assister, impuissants, à sa régression. Après avoir participé à un documentaire, diffusé cet automne à TVA, Jean-Marc Généreux a accepté de revenir sur son parcours en tant que parent d’un enfant handicapé.

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Jean-Marc, comment avez-vous réagi lorsque vous avez reçu le diagnostic de votre fille?
Dans toutes les situations, j’essaie toujours de rester positif, même si je suis capable de voir le négatif. En fait, je n’ai pas voulu croire aux signes avant-coureurs jusqu’à ce que le diagnostic arrive, vers l’âge de 24, 26 mois. Avant, j’étais dans le déni, alors que ma femme le savait inconsciemment. Quand le diagnostic est tombé, ça m’a véritablement démoli de l’intérieur, comme si mon armure de bonheur s’était fissurée. Je me suis surtout demandé comment deux personnes qui s’aiment autant que France et moi peuvent avoir créé quelque chose d’aussi abstrait que cette maladie. Quand on regardait Francesca à cette période-là, personne ne pouvait dire qu’elle avait le syndrome de Rett. France m’a donné le temps de me reconstruire, parce que j’étais complètement à terre.      

Qu’est-ce qui vous a permis de vous accrocher?
C’est peut-être cliché, mais je me suis raccroché à la femme que j’aime et à mon fils, qui avait alors cinq ans. Il ne fallait pas que Jean-Francis soit victime de tout ça, qu’il soit affecté psychologiquement. Devant mon fils, je devais faire l’acteur, il fallait que je reste fort. Il ne pouvait pas comprendre que sa vie aussi allait changer avec la maladie de sa sœur. Mais il s’en apercevait quand même; elle n’était plus capable de lui parler ou de jouer avec lui comme avant.

Quel était le climat familial durant cette période difficile?
C’était comme si on compartimentait nos émotions. Quand je me retrouvais seul avec France, ce n’était que du questionnement, des doutes et des appréhensions. Ça m’a pris cinq semaines pour me remettre sur les rails. France, ça lui a pris cinq minutes. J’étais le lion blessé, et elle était la louve qui gardait la famille intacte et soudée. Je n’étais pas encore capable de digérer la nouvelle qu’elle était déjà en mode solution pour trouver les meilleurs médecins qui travaillaient sur ce syndrome et qui pourraient nous aider.      

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Comment avez-vous fait le deuil de l’enfant que vous aviez imaginé?
On le vit à chaque étape de son développement et de sa vie. Le conseil le plus important que je peux donner à des parents qui vivraient cette situation, c’est de toujours rester dans le présent. Le passé va toujours être là, on peut le chérir, mais ne vous projetez pas dans le futur. Ensuite, chaque âge de l’enfant apporte son lot de déceptions. Il faut faire le deuil d’un profil idéal et ne plus y penser. Vivre le moment présent est la solution, sinon, c’est trop dur. 

Photo : Eric Myre
Photo : Eric Myre


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Est-ce que le fait que votre fille a déjà parlé et marché plus jeune rend sa situation actuelle plus difficile à accepter?
En faisant le documentaire, j’ai réalisé combien on a été chanceux de vivre ces moments avec Francesca alors qu’elle marchait et jouait à la cachette avec son frère. Je pourrais me considérer comme vraiment malheureux aujourd’hui, car Francesca a perdu tous ses acquis. On ne peut pas avoir de la peine pour des choses qu’on n’a pas eues, mais nous, on l’a entendue parler, on l’a vue marcher et jouer avec son frère. Étrangement, même si elle était très jeune, plus elle sentait que son état se détériorait, plus elle se retirait du regard des gens.

Parlons du regard des autres... Comment le vivez-vous quand vous vous promenez avec elle?
Grâce à l’émission Révolution, j’ai eu une renaissance publique au Québec, ce qui entraîne une popularité qui attire une curiosité. Au Québec, il y a environ 200 000 familles avec un enfant différent qui vivent ce qu’on vit; on fait tous partie de la même famille. Il y a toujours des regards qui se tournent vers nous, mais ça ne me dérange pas, j’ai l’habitude. La chose qui me rend inconfortable, c’est lorsque des enfants s’approchent de ma fille et que les parents les tirent par le bras en disant de ne pas déranger la petite fille.

Pourquoi?
Elle est handicapée, mais elle va aussi apprécier qu’on lui fasse un sourire ou qu’on me pose des questions sur elle. Cette attitude me fait peur, car c’est comme si on ne regardait plus les personnes handicapées, qu’on les enlevait de la vision de la société. C’est dangereux. 

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Vous êtes habité par un sentiment de culpabilité. Est-ce propre à tous les parents d’enfants handicapés?
C’est très personnel. Je sens que ce que je fais dans la vie, mon métier, est important pour la famille et que je contribue à ma manière. Mais je peux dire que ma vie est très différente de celle de ma femme, et c’est là où la culpabilité s’installe. Je suis souvent parti en Europe, je vais sur les plateaux de tournage, mon quotidien est plus léger que le sien, car c’est elle qui s’occupe de notre fille à temps plein. J’ai dernièrement refusé un contrat en France pour être davantage à la maison. J’essaie maintenant de partir moins longtemps. Francesca a moins de services depuis qu’elle a eu 21 ans, et je veux être plus présent à la maison. Je veux développer ma carrière au Québec pour m’aider dans ce sens. 

Photo : Eric Myre
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Comment avez-vous fait pour ne pas oublier votre fils, Jean-Francis, dans cette équation familiale?
Sans le vouloir, on l’a un peu mis à l’écart. On ne voulait pas qu’il participe à la vie de sa sœur handicapée. On voulait qu’il joue au hockey, qu’il voie ses amis, qu’il fasse les choses comme les autres. On a tellement bien fait notre travail qu’à un moment donné, il passait devant sa sœur et il ne lui disait même pas bonjour. Il a finalement eu un retour à la réalité et il est actuellement en train de rebâtir un lien avec elle. Mon conseil est donc d’impliquer les autres enfants dans la vie de leur frère ou sœur handicapé. Je ne referais plus les choses de la même façon.

À quoi pensez-vous quand vous regardez l’avenir?
Le mot avenir fait partie de mon travail. Si je travaille, c’est que j’amasse des sous pour l’avenir. Si je suis sur une production, des stylistes m’habillent. Sinon, je suis souvent habillé pareil. Je ne dépense pas d’argent pour des vêtements, une Harley Davidson ou un chalet. Quand je travaille, c’est pour l’avenir de Francesca. La seule affaire que je peux créer pour l’avenir, c’est une ressource financière probante en cas de coup dur. Sinon, je ne peux pas me projeter. L’avenir de ma fille est au jour le jour. L’espérance de vie des personnes atteintes du syndrome de Rett est assez courte.

Y pensez-vous parfois?
Non, je ne veux pas penser à ça, parce que Francesca est là, elle est présente. Par contre, je peux comprendre que mon fils s’inquiète de l’impact que ça pourrait avoir sur France et moi si elle devait partir avant nous, comme il l’a exprimé dans le documentaire. C’est sûr qu’il se pose la question. Mais moi, je ne vais pas dans ces pensées-là.      

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Le livre de Jean-Marc Généreux, Au rythme de mes amours, est disponible en librairie et sur qublivre.ca.
Le documentaire Une princesse chez les Généreux est disponible pour visionnement sur le site qub.ca.

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