Michèle Deslauriers revient avec émotion sur son rôle de Monique, dans Les beaux malaises, un clin d’œil à sa propre mère

Photo : Bruno Petrozza

Jean-François Brassard

2021-11-09T15:43:48Z

On connaît tous Michèle Deslauriers. Pourtant, combien d'entre nous pourraient mettre le doigt sur un seul premier rôle qu'elle aurait tenu à la télé durant ses 55 ans de carrière? La vérité est que le nom de la polyvalente comédienne n'a jamais été inscrit au haut du générique. C'est probablement ce qui explique qu'à 75 ans elle n'a jamais manqué de boulot.

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Elle a une vitalité et une ouverture d’esprit exceptionnelles. Michèle Deslauriers reste jeune, comme Janette Bertrand l’était à son âge... et l’est toujours à 95 ans. À n’en pas douter, ça se passe entre les deux oreilles. «Quand j’étais jeune, avant d’avoir véritablement vécu, j’avais peur de mourir. Plus le temps avançait, plus je m’estimais chanceuse d’être encore vivante. Aujourd’hui, je dis à mes enfants que s’il m’arrive malheur, ce n’est pas grave, parce que j’ai vécu plein de choses.» 

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Le ton est serein et joyeux, presque insouciant. «Aujourd’hui, je ne pense jamais à l’âge que j’ai. Ce sont les autres qui me rappellent que j’ai 75 ans. Lorsqu’on me demande quand je prendrai ma retraite, je réponds que je ne le sais pas. Tant que j’ai de beaux projets, pourquoi arrêter?» 

Production
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UN CLIN D’ŒIL À SA MÈRE
L’un des derniers beaux gros projets dans lesquels elle s’est impliquée est Les beaux malaises et Les beaux malaises 2.0. Son rôle de Monique, la mère de Martin, lui a d’ailleurs valu cette année son premier Gémeaux en carrière, dans la catégorie Meilleur rôle de soutien féminin: comédie. «J’étais très contente. C’était la troisième fois que j’étais en nomination pour ce rôle-là. Ça souligne l’énergie et l’émotion qu’on a mises là-dedans. Que ça vienne de nos pairs, c’est agréable à recevoir. Ça fait plaisir, parce que c’est un personnage qui m’a tenu vraiment à cœur.» 

Elle a adoré camper ce personnage plus grand que nature. «J’ai rencontré la mère de Martin Matte, et elle est charmante. Ce n’est pas du tout elle que je joue. Cette famille qu’il a créée et inventée, c’est très touchant.» La comédienne parle avec autant de bonheur que de tendresse de Monique. «Elle était difficile à suivre, par moments! Elle n’avait jamais connu le bonheur de s’amuser avec la sexualité, qu’elle avait découverte sur le tard. J’aimais bien ce côté de cette femme, qui s’ouvre à la vie, au monde, à la joie et aux plaisirs qu’elle ne connaissait pas avant.» 

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Si le personnage de Monique était fictif, son interprète y a parfois reconnu sa propre maman. La comédienne devient pensive. «Je me suis un peu inspirée de ma mère pour créer le personnage: à un moment donné, l’âge la rattrape et elle commence à avoir des ratés... Ça me touchait beaucoup, parce que ma mère est devenue confuse à 82 ans. Ce lent procédé de dégénérescence, je l’ai vécu avec elle. À la fin, ma mère n’était plus là... Dans Les beaux malaises 2.0, ça n’allait pas jusque-là, mais elle avait des épisodes de confusion qui ont créé des moments d’émotion et d’autres très drôles. J’avais aussi vécu ça avec ma mère.» 

En riant, Michèle se souvient de certains épisodes de vie où sa mère lui faisait terriblement penser à Monique. «Mon personnage n’avait pas d’inhibitions. Elle disait tout de façon crue et directe. Ou encore, elle passait du coq à l’âne. Ma mère avait un côté comme ça. On magasinait ensemble, et elle commentait à haute voix: “As-tu vu la madame? Si ça a du bon sens de s’habiller de même!” Elle parlait fort parce qu’elle était sourde d’une oreille. Quand je lui disais que tout le monde l’entendait, elle me répondait: “Ben non! Elle m’entend pas.” La dame se retournait en fusillant ma mère du regard...» 

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Sébastien St-Jean / Agence QMI
Sébastien St-Jean / Agence QMI


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DES DÉBUTS... À L’ORATOIRE!
Son prix Gémeaux marque de belle manière une carrière riche, qui se déploie maintenant sur 55 ans. La comédienne se souvient de ses premières années. «À 20 ans, en sortant du Conservatoire, j’ai décroché un rôle sur le Chemin de croix de l’oratoire Saint-Joseph. Ensuite, j’ai joué au Théâtre du Rideau Vert, puis je suis partie deux ans en Europe, où j’ai travaillé et suivi des cours. Quand je suis revenue, j’ai fait plusieurs spectacles avec Jacqueline Barrette, qui était devenue une grosse vedette au Québec. Tout s’est enchaîné, et ça n’a jamais arrêté depuis ce temps-là.» 

Tandis qu’on lui promettait une grande carrière dans le drame, c’est plutôt vers la comédie que la comédienne s’est dirigée. «Je privilégiais la télévision parce que j’avais des enfants et que je voulais être à la maison le soir», rappelle la mère de Caroline et Gabrielle. C’est ainsi qu’à partir du milieu des années 1970, on l’a vue dans des séries pour ados très populaires et avant-gardistes telles La Fricassée et Pop Citrouille

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À partir de ce moment, elle allait faire de l’humour sa spécialité, d’autant plus qu’elle avait des dispositions pour jouer avec sa voix et faire des imitations. «J’ai une facilité avec les voix depuis que je suis toute petite.» On l’a vue dans plusieurs Bye Bye, Denise... aujourd’hui, Samedi de rire, La princesse astronaute, Cornemuse, Le monde de Charlotte, Le cœur a ses raisons... Puis, en 2006, elle prêtait sa voix à différents personnages dans Et Dieu créa... Laflaque, conçue par Serge Chapleau. «J’y ai collaboré pendant 14 ans. Pierre Verville y participait aussi. Sur les entrefaites, Philippe Laguë a commencé À la semaine prochaine, à la radio de Radio-Canada. Pierre a suggéré mon nom, et j’y suis depuis 14 ans.» Et n’oublions pas qu’elle est aussi la voix officielle du métro de Montréal depuis 2003!

PARTOUT ET NULLE PART
Lorsqu’on parcourt la biographie de Michèle Deslauriers, on est pris de vertige. Télévision, théâtre, radio, mise en scène... Une touche-à-tout qui carbure aux défis qui l’allument. Un exemple: «J’ai fait des mises en scène pour l’Opéra bouffe du Québec. Quand le directeur, Simon Fournier, m’a sollicitée, je lui ai demandé: “Pourquoi moi?” Il m’a alors répondu: “Pourquoi pas?” Ça m’a convaincue», dit-elle, amusée. 

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À travers son impressionnante feuille de route, jamais n’a-t-elle joué de premier rôle à la télé. Elle n’en prend pas ombrage. Au contraire, elle croit que cette caractéristique a contribué à la pérennité de sa carrière. «Ça ne m’a jamais frustrée. Je n’ai pas été étampée au fer rouge par un rôle. C’est peut-être aussi pour ça que je n’avais jamais eu de Gémeaux: je n’avais rien fait qui sorte vraiment de l’ordinaire.» 

Ce statut, elle l’embrasse. «J’ai toujours été partout et nulle part en même temps. Ça a toujours fait mon affaire, parce qu’être dans le bois, j’aime tellement ça! Je suis sauvage. Ça me prend toujours tout mon p’tit change pour aller dans des partys. J’ai de la misère avec les mondanités.»

JOEL LEMAY/AGENCE QMI
JOEL LEMAY/AGENCE QMI


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RETOMBER EN AMOUR
La dame a beau se dire «sauvage», elle a été la première à faire du porte-à-porte avec son conjoint, Sébastien Dhavernas, lorsqu’il s’est porté candidat aux élections fédérales de 2008 et aux élections municipales de 2013. «Il a toujours été impliqué politiquement.» En riant, elle ajoute: «À huit ans, il était dans la rue avec une pancarte “Votez Kennedy”!» 

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Le couple est ensemble depuis plus de 45 ans et a deux enfants: Caroline, qu’on connaît tous, et Gabrielle. «J’admire beaucoup Sébastien. C’est un gars brillant et, avec tout ce qu’il peut donner, il ne reçoit pas à sa juste valeur. Comme acteur, il ne travaille pas en ce moment, et c’est une grosse déception pour lui. Il a tenu le doublage ici à bout de bras pendant des années, sinon tout serait fait en France depuis longtemps.» 

Au fil des ans, le couple a vécu des hauts et des bas, ponctués par des épisodes de rupture. Le respect, l’admiration et l’amour les ont toujours rapprochés. «Notre dernière séparation a duré deux ans, mais on est retombés en amour.» Oui, Michèle Deslauriers est une éternelle jeunesse.      

Le cœur a ses raisons est en rediffusion le mardi à 20 h, à Unis TV, et Les beaux malaises, le dimanche à 22 h, à Prise 2.
À la semaine prochaine est diffusée le samedi à 11 h sur ICI Première.

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