Sophie Lorain lance un cri du cœur pour l’avenir de la télévision

Sabin Desmeules

2024-01-23T14:00:00Z

La réalité de plus en plus difficile de la télévision et de culture québécoises inquiète grandement Sophie Lorain, non seulement en tant que productrice et actrice, mais aussi en tant que consommatrice d’art sous toutes ses formes.

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Depuis peu, on la voit dans la nouveauté Projet Innocence, qu’elle coproduit avec son conjoint, Alexis Durand-Brault, et leur boîte de production, ALSO. «On avait entendu parler du Projet Innocence Québec et on s’y intéressait depuis un certain temps, explique Sophie. Ce qui nous captivait, c’était qu’il réunissait plusieurs univers dans un seul contexte. Projet Innocence est non seulement une série judiciaire dans laquelle on explore le monde universitaire, mais aussi un thriller, avec une enquête policière... Ça aborde bien des sujets!» Mais le couple avait une motivation encore plus grande pour créer cette série. «C’était de réunir une génération plus jeune avec une génération plus âgée. Le contexte universitaire créait un clash. Ce sont de jeunes étudiants aux prises avec un professeur qui n’est pas très pédagogue. Il les confronte et il est lui aussi confronté à des jugements, à des idéaux... Ça fait de la bonne télé, de la télévision dramatique intéressante, se réjouit-elle. Et ça nous permettait de raconter une histoire judiciaire sans aller dans le monde de la cour avec des avocats.» Le sujet est si riche que l’équipe est en développement pour une seconde saison. 

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  • Écoutez l'entrevue avec Alexis Durand-Brault, réalisateur, directeur de la photographie et cinéaste, via QUB :

DES SUJETS SENSIBLES

La série touche à des thèmes qui peuvent heurter les sensibilités: le racisme systémique, la violence faite aux femmes, les gangs de rue... «Ça suscite certaines interrogations. Ça soulève des questions intéressantes... Le prisonnier qu’on tente de libérer, un criminel, un pimp qui appartient à un gang de rue et qui a commis des violences incroyables sur des femmes, ne serait-il pas préférable de le laisser mourir en prison étant donné qu’il représente une nuisance pour la société? La question est valable. Mais en même temps, la justice, elle, ne doit pas commencer à se poser ce genre de question, sinon elle ne fera plus son travail. On a tous droit à un procès juste et équitable.» 

BIEN DOCUMENTÉE

Par souci de véracité, Sophie et Alexis ont rencontré une avocate récemment nommée à la Cour du Québec, Me Lida Sara Nouraie, qui dirige le Projet Innocence Québec. «C’est elle qui était avocate sur le cas Jolivet», note la productrice. Pour la petite histoire, Daniel Jolivet a été condamné à la prison à vie en 1994 pour quatre meurtres qui ont été perpétrés le 10 novembre 1992. Sophie a donc eu l’occasion de bien se documenter auprès de cette spécialiste du sujet. 

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Photo : Dominic Gouin / TVA Publications
Photo : Dominic Gouin / TVA Publications

INQUIÈTE POUR L’AVENIR

On peut voir à l’œuvre de jeunes talents dans la série. «Ça fait du bien ce vent de fraîcheur qui arrive, de voir de nouvelles têtes qui sont très différentes les unes des autres. Je trouve ça extrêmement rafraîchissant!» Si celle qui a consacré sa carrière à la télévision et au cinéma se soucie autant d’avoir des jeunes dans ses séries, c’est qu’elle s’inquiète du fait que le public de cet âge tourne de plus en plus le dos à la télé. «Il faut plus que jamais parler aux jeunes, aller les chercher, tout en ne perdant pas ceux qui sont déjà présents devant leur écran. Ce n’est pas juste une question de jeune public... Aujourd’hui, on est envahis par la culture nord-américaine, anglophone de surcroît, qui est en train d’avaler le monde entier. Au Québec, nous sommes un très petit public, huit ou neuf millions d’habitants. Avaler ça, ça va très, très vite! déplore-t-elle. Si on n’est pas vigilants, si on ne se bat pas, si les gouvernements du Canada et du Québec n’imposent pas de façon plus durable des politiques de protection du fait français, on ne survivra pas.» Sophie insiste: «On est en ce moment dans une période où la culture doit être sauvée à tout prix! Je pense que les gens ne réalisent pas le danger en ce moment, dans le sens où, si on n’essaie pas de créer un intérêt, si on ne tente pas d’amener une certaine relève devant et derrière l’écran, je ne donne pas cher de notre peau dans les 10 prochaines années!» 

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Les récentes coupures dans le domaine télévisuel inquiètent profondément Sophie Lorain, non seulement en tant que productrice et actrice, mais aussi en tant que téléspectatrice. «Ça ne devrait pas créer la frousse seulement chez une productrice de télé; ça devrait inquiéter toute la population québécoise! Dans quoi se reconnaît-on? Dans notre culture. En tant qu’individu, en tant que société, on existe, et le fait français n’existe que par la culture! Si on n’a pas ça, on n’existe plus! Alors, cette menace qui plane sur le milieu télévisuel québécois devrait nous alerter tous. Les gens ne le réalisent pas parce que c’est un acquis: on pense que ça va de soi et que c’est éternel. Ce n’est pas vrai! C’est comme pour l’avortement. Il faudra toujours se battre et insister pour que le fait français demeure. C’est capital. Et la seule façon de réussir à faire ça, c’est de faire vivre cette culture québécoise et francophone, qu’elle soit télévisuelle, cinématographique, musicale, théâtrale ou autre, peu importe, il faut la garder vivante!»

Comme productrice, Sophie Lorain se sent interpellée et est convaincue qu’elle a un rôle plus actif à jouer dans ce combat. «C’est sûr que je suis aux premières loges, que j’en ressens les premiers soubresauts, les premières vagues. Le tsunami nous frappe bien avant la population. Quand on sait que les GAFA (acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon qui désigne les géants du Web) s’installent impunément dans le monde entier, ne paient pas de taxes ou très peu, investissent très peu dans les produits québécois et la culture d’ici, c’est très inquiétant. Il faut faire de la place à ce que nous sommes.» 

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UN FILS POLYVALENT

C’est le fils de Sophie Lorain, Mathieu Lorain Dignard, qui fait la narration de Projet Innocence. Il est polyvalent. «Il a aussi travaillé sur les locations du tournage», souligne la fière maman. En plus d’être comédien, le jeune homme est également humoriste et auteur. «Probablement qu’on va retravailler ensemble éventuellement», lance-t-elle dans l’univers, exprimant un souhait dont la réalisation semble tout à fait envisageable. 

On peut voir la série Projet Innocence sur les ondes de Noovo les mardis à 20 h.

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