Un documentaire sur Denise Filiatrault réalisé par sa fille
Samuel Pradier
Qui de mieux placé que sa propre fille pour réaliser un documentaire sur Denise Filiatrault? En toute humilité, Danièle Lorain a accepté le défi. Son film retrace le parcours de la mère, de l’artiste et de la femme avec originalité et émotion.
• À lire aussi: À 90 ans, Denise Filiatrault s’apprête à remonter sur scène
Faire un documentaire sur Denise Filiatrault n’était pas dans les plans de sa fille Danièle Lorain. Il a fallu que la productrice Denise Robert soit convaincante pour qu’elle finisse par accepter et qu’ensuite la principale intéressée donne son accord. «Se raconter, ce n’est pas trop son genre, explique Danièle Lorain. Elle disait qu’elle l’avait déjà fait dans sa biographie, mais elle a finalement accepté pour faire plaisir à sa fille. Et ce qui me fait plaisir, c’est qu’elle n’était pas si mécontente quand elle a vu le résultat. Je ne voulais pas la décevoir.»
• À lire aussi: Danièle Lorain se confie sur sa nature anxieuse
Des lieux importants
Danièle Lorain a choisi de remonter le parcours de sa mère en lui faisant revisiter des lieux qui ont été importants pour elle, que ce soit le premier cabaret où elle s’est produite, le parc Lafontaine ou une des rues où elle a habité. «Je trouvais intéressant de retrouver des endroits qui ont une signification, qui ont été inspirants ou qui ont été déterminants dans son cheminement. C’est aussi une façon de se raconter qu’elle n’avait jamais faite.»
La réalisatrice, qui est aussi comédienne, reconnaît qu’il y a une proximité entre elle et son sujet qu’elle n’a pas voulu gommer ou ignorer. «Je peux vous confirmer qu’elle n’a pas été plus patiente parce que c’était moi. Elle était drôle, elle n’arrêtait pas de dire qu’on la faisait marcher beaucoup trop lentement. Il a fallu lui dire à plusieurs reprises que ce n’était pas elle qui réalisait le film, car elle prenait rapidement les commandes.»
D’ailleurs, tout le monde se demande d’où vient cette impatience légendaire qui la caractérise. Même ses proches n’ont pas trouvé d’explication. «Il y a quelques années, Michel Tremblay m’avait fait remarquer que Denise n’est jamais dans le moment présent. Pour elle, le moment présent est déjà passé. On fait quoi, maintenant? Qu’est-ce qui arrive après? Il faut toujours se dépêcher, faire vite. Quand je la regarde sortir de sa maison, elle ne sort pas de chez elle, elle évacue la maison. C’est dans sa nature, elle est comme ça. Et ça ne change pas en vieillissant, je peux vous le confirmer!»
Dans le documentaire, Denise Filiatrault revient sur sa jeunesse, notamment sur ses parents adoptifs. «Mon grand-père n’était pas très content qu’elle travaille dans les cabarets, mais il adorait maman. Il la voyait dans sa soupe. Elle finissait toujours par obtenir ce qu’elle voulait de lui. Même s’il était dans la police, il n’était pas rigide. J’ai rarement vu des gens aimer une enfant comme ça. C’était leur fille adoptive, mais ils étaient en pâmoison devant elle.»
Deux histoires de cœur
On constate dans le film que Denise Filiatrault a vécu deux grandes histoires de cœur: une histoire d’amour intense avec Jacques Lorain, le père de ses filles, et une histoire d’amitié incroyable avec Dominique Michel. «Ces histoires ont été à l’origine de sa carrière. Du côté de mon père, cette relation a été formatrice. Il avait 15 ans de plus qu’elle. C’était un Français qui avait exercé le métier à Paris. Il connaissait les rouages et les exigences du métier; il savait comment ça fonctionnait. C’est grâce à lui qu’elle a fait la rencontre de Dominique Michel. C’est aussi lui qui a proposé qu’elles travaillent ensemble. Il était visionnaire.»
• À lire aussi: Sophie Lorain a déjà impliqué la police à un tournage, et ça donne une anecdote savoureuse
L’autre amour incommensurable dans la vie de Denise Filiatrault, c’est certainement le public, pour lequel elle a travaillé sans relâche durant plusieurs décennies et pour lequel elle continue de créer encore aujourd’hui. «Son acharnement au travail, sa discipline, son immense sens de la responsabilité vis-à-vis du public, ce sont des traits de caractère qu’elle s’est toujours fait un devoir de cultiver. Ma mère a toujours été au service du public qui se déplace et paie son billet. Elle s’est toujours fait un devoir de lui proposer des spectacles qui l’intéressent, qui lui apportent quelque chose et d’où il va ressortir content.»
Des amis proches
Deux personnalités interviennent dans le documentaire, deux amis proches de Denise Filiatrault: Denys Arcand, qui est son voisin en Floride, et Michel Tremblay. «Sa rencontre avec Michel Tremblay a contribué à l’élargissement de sa carrière. À l’époque, jouer du Tremblay était quasiment révolutionnaire. Ils ont partagé beaucoup de choses ensemble. En plus, ils sont issus du même quartier, ils ont connu les mêmes endroits... Il est très important dans son parcours.»
Danièle Lorain a choisi de dédier ce documentaire à son neveu, Mathieu Lorain Dignard, le fils de Sophie Lorain. «Il n’avait jamais vu sa grand-mère comme comédienne jusqu’à la sortie du film C’est le cœur qui meurt en dernier. Maman ne faisait plus de scène ni de films depuis longtemps. Je voulais qu’il voie tout le cheminement de sa grand-mère. Je trouve ça important pour lui, c’est son héritage.»
Le documentaire Filiatrault: Parcours d’une légende est offert sur la plateforme Vrai.
