À 80 ans, Louise Latraverse donne de ses nouvelles

Production

Jean-François Brassard

2021-02-16T13:00:00Z

Elle sacre aux deux mots, mais avec une élégance, ma chère! Son «L'amour crisse», lancé comme un cri du coeur libérateur et fédérateur à la fin d'En direct de l'univers du jour de l'An, résonne encore à nos oreilles et nous décroche un sourire. À 80 ans, en temps de pandémie, Louise Latraverse est devenue un service essentiel.

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Louise Latraverse conserve la voix chantante de la fille du Saguenay qui, à 18 ans, s’amenait dans la grande ville pour devenir actrice. Excessive et attachante comme un personnage de Pagnol, elle se fâche gentiment trois ou quatre fois contre le journaliste durant l’entretien, à coups de «Es-tu fou, toi?» ou de «Non, ça va faire! Je ne suis plus capable d’entendre ça!» La dernière syllabe n’est pas sitôt tombée qu’elle reprend son souffle pour dire: «Excuse-moi. Ben oui, c’est moi qui suis folle!» Impossible de ne pas éclater de rire devant tant de candeur. 

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Depuis quelque temps, Louise Latraverse est partout où ça compte. Pleine d’autodérision, elle lance: «Je suis devenue la vieille de service! Il y en a une à chaque époque.» Le journaliste risque: «Une Janette Bertrand en plus jeune?»      

Elle saisit l’occasion pour lui rendre hommage: «C’est ma grande, grande amie. Elle travaille beaucoup plus que moi. Janette se lève à 7 h, et si elle n’a pas commencé à travailler à 7 h 05, elle se sent coupable. Moi, je peux flâner et regarder le plafond toute la journée. Elle a toujours 2000 projets. Je suis plus bohème.» 


LE SACRE ASSUMÉ
L’an dernier, Louise a été la première invitée de France Beaudoin à Pour emporter et, à la fin de l’année, l’animatrice la recevait à nouveau dans le cadre d’En direct du jour de l’An. Son désormais célèbre «L’amour crisse» est maintenant imprimé sur une gamme de t-shirts et de cotons ouatés. 

La dame de 80 ans serait-elle devenue l’item le plus chaud en ville? «C’est quoi, ces histoires de redécouvertes? Je ne me suis jamais cachée!» s’emporte-t-elle devant le journaliste qui éclate de rire. Elle reprend, posément: «Je travaille depuis l’âge de 18 ans, alors je ne comprends pas ces affaires de redécouvertes. Je crois que c’est beaucoup lié au fait que je communique avec les gens sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas banal, ça crée un mouvement qui est large. Peut-être que l’attitude que j’ai plaît aussi.» C’est on ne peut plus vrai. 

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Autant Louise Latraverse a la plume d’une femme raffinée et cultivée lorsqu’elle écrit sur Facebook, autant elle sacre comme un charretier à l’oral. Et elle s’en enorgueillit: «Sacrer a été ma première libération. Je suis arrivée à Montréal à 18 ans et je ne savais pas trop ce que j’allais faire. Je voulais être actrice et, à ma première répétition, il y avait Janine Sutto et Denise Filiatrault. Je les ai entendues sacrer et me suis dit: “J’appartiens à ce monde-là. C’est ça que je vais faire dans la vie.” Ça résonnait tellement fort chez moi! Ma première libération a été de sacrer comme les gars. Ces deux femmes ont été très inspirantes pour moi. Elles étaient mes mentores.» Avec une pointe d’admiration, elle ajoute: «Janine sacrait à tous les mots!» 

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COMME NEUVE!
Le 24 juin dernier, Louise Latraverse fêtait — façon de parler dans le contexte pandémique — ses 80 ans. «J’ai eu un nouvel ordi! Je suis là-dessus toute la journée. Une chance qu’on a Facebook! Les gens m’écrivent par milliers. C’est extraordinaire, je me suis fait de nouveaux amis.» 

À une époque pas si lointaine, non seulement devait-elle demeurer cloîtrée comme toutes les personnes âgées de 70 ans et plus, mais elle était aussi hypothéquée par ses genoux. «Ça faisait des années que j’endurais ça. J’ai dépensé des milliers de dollars pour des injections parce que j’avais peur de me faire opérer. Quelle erreur! Mon merveilleux orthopédiste m’a convaincue de les faire opérer un à la fois, parce que deux du même coup, c’est trop douloureux. J’ai accepté, et j’ai réalisé que j’avais perdu quelques années de ma vie.» Une première opération a été pratiquée durant l’été, la seconde à la fin novembre. Au final, elle est une femme toute neuve. 

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À 80 ans, en mettant enfin le nez dehors avec ses nouveaux genoux, Louise Latraverse a vécu une renaissance. «La plus belle chose au monde, c’est de sortir à l’extérieur après tous ces mois passés seule dans la maison. Je n’allais même pas à l’épicerie. Je ne sortais jamais. Je ne pouvais pas marcher, de toute façon. Vous dire le bonheur que j’ai eu juste à marcher dehors... J’étais comme une enfant! En sortant, on redécouvre tout ce qu’on tenait pour acquis.» N’empêche, elle demeure prudente, consciente qu’un faux pas se traduirait par de multiples inconvénients. «J’ai encore peur si c’est le moindrement glissant. C’est si douloureux, deux opérations... Je fais très attention.» 

Jamais Louise Latraverse ne se plaint-elle de son sort, et toujours trouve-t-elle le moyen de rire d’elle. Comme tout le monde, elle a vécu des hauts et des bas depuis mars 2020. «Au début, le confinement a été difficile. J’ai une énergie exceptionnelle et une très bonne santé. Je mords dans la vie. Mais j’ai eu des bouts de déprime. Je me suis demandé si on allait finir nos jours enfermés comme ça. Mon gériatre m’avait dit: “Si vous ne voulez pas attraper la covid, restez chez vous.” J’ai parfaitement entendu le message. J’ai compris que c’était très sérieux, alors je me suis mise à lire sur les pandémies qui ont sévi depuis le moyen-âge.» 

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DES HAUTS ET DES BAS
Entourée d’amis et d’amour, Louise est néanmoins restée physiquement isolée, seule dans sa maison. «Je suis restée chez moi à regarder le plafond et à m’ennuyer. Puis, le moral revenait. Ce sont des phases. Comme je suis toute seule et que je ne parle avec personne, je trouve ça difficile. Au moins, maintenant, je parle avec les gens sur le trottoir.» Décidément, ces nouveaux genoux n’étaient pas un luxe! 

Et n’oublions pas les bienfaits de Facebook! «Ça me permet d’être en contact avec des gens merveilleux. J’écris beaucoup sur Facebook; c’est ma façon de communiquer avec le monde. J’adore ça. J’écris comme j’écrirais une chronique dans un journal.» 

Comme bien des gens vivant seuls, cet espace public s’avère nécessaire. Une lumière au milieu d’un long tunnel. «Je suis bien entourée de l’extérieur, mais je suis toute seule. Tout le monde a sa famille et personne ne vient ici. J’ai des amies formidables qui m’envoient des mots, mais on se téléphone très peu. C’est dommage, parce que j’aime le téléphone. La voix est quelque chose de formidable. Chaque parole résonne. Mais plus personne ne téléphone, alors, c’est réglé.» 

On le répète: Louise Latraverse est la dernière à se plaindre. Elle ne fait que constater l’état des lieux. «J’ai mes amies, mais je ne les vois pas. C’est dur, mais tout le monde est pris dans la même situation que moi. On est toutes seules et on regarde le plafond. On regarde dehors et on déprime. Je rêve d’avoir une épaule. Si j’avais un amoureux, ce serait bien, puis je me dis qu’on se chicanerait. Après, tu te mets à penser à toutes sortes d’affaires de fous comme ça.» Et le journaliste éclate de rire pour la xième fois.

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QUAND LE CŒUR PARLE
Mieux vaut être seule que mal accompagnée. Depuis mars dernier, Louise Latraverse est particulièrement préoccupée par le sort des femmes violentées. Aussi, son retentissant «L’amour crisse», lancé le 31 décembre à la fin d’En direct du jour de l’An, a-t-il donné un flash de génie à son amie Monique Giroux. Cette citation-choc apparaît sur une collection de vêtements à prix abordables dont les profits sont versés à la Maison Simonne-Monet-Chartrand, qui vient en aide aux femmes victimes de violence conjugale. Un succès phénoménal. La semaine dernière, quelque 11 000 items de la collection s’étaient envolés, permettant ainsi de verser 134 000 $ pour la construction des nouvelles unités de logement de la Maison. 

Pour une raison ou pour une autre, ces quelques mots ont résonné fort. «Tout le monde est tout seul. Tu rêves d’une épaule, tu rêves d’amour. On a passé des semaines à regarder aller Donald Trump, un fou qui allait peut-être détruire le monde. À la fin de l’année, on avait un nuage noir au-dessus de nous. Alors lancer quelque chose qui nous sortait de cette grisaille a résonné fort à cause des circonstances. Je crois que “L’amour crisse” a été libérateur pour bien des gens. C’était mon cœur qui parlait.» Qui a dit que sacrer ne servait à rien?      

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