Claude Dubois se confie à Denis Lévesque en toute franchise

Joël Lemay / Agence QMI

Denis Lévesque

2021-04-14T17:00:00Z

Malgré la pandémie qui l’a tenu éloigné de la scène où il aime encore se retrouver, Claude Dubois est demeuré bien actif. Il a fait le tri parmi toutes ses chansons et revisité 60 ans de carrière pour nous offrir un magnifique coffret, une pièce d’anthologie. Son titre: Dubois solide. «Parce que je suis toujours là, encore debout!» lance l’artiste.

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Avec une carrière bien remplie, une quarantaine d’albums, des centaines de chansons, dont plusieurs très grands succès, Claude Dubois et son agente, Nathalie Charest, ont relevé le défi de nous offrir les chansons qu’ils retiennent particulièrement dans un coffret de trois albums, généreusement illustré de photos qui retracent son parcours et d’autres, très belles, où on le voit marchant dans la nature, serein. Or même s’il aime la nature et son coin de forêt, le chanteur a besoin de s’activer et d’avancer, toujours. Le projet de ce coffret tombait donc bien. Il lui a permis de briser l’ennui lié à la pandémie, mais aussi à sa maladie qui l'oblige à se protéger depuis quelques années. Et ce n’est pas son cancer de la moelle osseuse, qu’on lui a diagnostiqué il y a plus de cinq ans, qui va l’arrêter. Déjà, avant le confinement, comme sa santé allait mieux et qu’il avait l’énergie pour le faire, l’artiste a repris la route. Devant des salles toujours combles, il a présenté des spectacles aux quatre coins du Québec avec Dubois en liberté, un spectacle qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Pas par nécessité, mais essentiellement pour le plaisir et pour sentir la présence du public.      

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Nathalie Charest
Nathalie Charest

Claude, comment vas-tu? Quel genre de pandémie passes-tu?
Je m’ennuie de la vie habituelle avec mes enfants. J’ai hâte de leur faire un gros câlin. Disons que je me sens comme un ours qui a hiberné! J’étais déjà vulnérable avant, et je le suis encore plus. Moi, en réalité, la seule chose qui a changé dans ma vie depuis cinq, six ans, à cause de mon cancer, c’est le confinement lié à la covid, quand on s’est fait dire de rester chez nous, qu’on était trop vieux...

Est-ce que ç’a été difficile pour toi?
J’ai le cancer de la moelle osseuse, et c’est quand même celle-ci qui reproduit mon sang. Alors des anticorps, je n’en ai pas de trop! Même avant la pandémie, mon agente faisait très attention. Elle lavait les micros, je ne serrais pas les mains, et j’évitais les demandes d’autographes. Parce que je suis à risque, je peux attraper n’importe quoi, tout le temps. Même si ma chimiothérapie est derrière moi pour l’instant, si à un moment donné mon taux d’anticorps diminue trop dramatiquement, je vais être obligé de la reprendre. Disons que je préfère me protéger... 

Je t’ai vu et entendu récemment à Star Académie; tu sembles en forme en ce moment...
Je tiens encore debout! On a cherché un titre à mon coffret, puis Nathalie est arrivée avec l’idée de Dubois solide, et ça ressemble pas mal à ça. C’est un voyage dans le temps qui touche plusieurs générations, un bel opus qui va faire rêver les gens et les replonger dans leurs souvenirs. Une chanson, ça entre partout: dans nos vies, nos cœurs, nos joies, nos peines, nos amours... Solide, dans le sens de l’œuvre et de l’homme. Quand on me parle de santé, je peux dire que j’ai eu de la chance. Et parce que je vis dans la forêt, je ne vois pas grand monde, alors ça diminue aussi les risques... Mais c’est long longtemps! Je marche, je fais mes balades autour de chez nous. Cet hiver, c’était dans huit pieds de neige; ça garde en forme! 

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Photo : Eric Myre
Photo : Eric Myre



Parlant de forme, ta voix est toujours remarquablement puissante, belle. Tu l’entretiens, tu en prends soin?
Je prends soin de moi à tous les niveaux. Pour ma voix, je ne fais pas de vocalises, mais avec le temps, j’ai appris une respiration, une façon de soupirer qui réchauffe la voix. Si on le travaille, un soupir peut devenir un exercice de réchauffement vocal. J’ai appris ça à travers les gens, la vie et les professionnels que j’ai croisés dans mon parcours...

Tu es chanceux d’avoir conservé ta voix, parce que certains traitements, certains médicaments peuvent la modifier...
C’est peut-être parce que mes traitements de chimio se sont faits par intraveineuse. Mais chaque fois que j’avais un traitement, je perdais connaissance! Dès qu’on m’injectait le produit, je tournais de l’œil. Bam! En même temps, c’était assez fabuleux, parce que ça durait quand même des heures, ce traitement. Lorsque je me réveillais, le truc était fini. Ça passait plus vite. C’était le côté pratique...      

Avec la carrière que tu as connue, et que tu connais toujours, tu pourrais tout de même arrêter de chanter, te dire «Je prends ma retraite», mais ça te tente toujours de continuer...
Moi, j’ai pris ma retraite quand j’étais adolescent! Ça fait longtemps que je suis à la retraite! On dit que, pour les gens qui font ce métier-là, être présent et chanter est très important, que ça devient presque essentiel. Eh bien, moi, je voulais rester libre, et je n’étais pas carriériste. J’ai souvent lâché des bateaux qui auraient pu m’amener très loin, parce que j’ai toujours préféré choisir ma destination moi-même. J’allais me balader à travers le monde, que ce soit en Indonésie ou ailleurs, dès que j’avais gagné assez d’argent pour me payer un billet d’avion et de la bouffe le temps que j’étais là-bas. Je l’ai beaucoup fait! Ç’a tout le temps été ma vie de voyager comme ça. Ça me manque beaucoup.      

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Te laisseras-tu tenter par les voyages après la pandémie?
Oh non! Je n’irai pas ailleurs me jeter dans les bras d’une autre covid. On ne sait pas encore si on va réussir à traverser cette pandémie, si on sera immunisé. L’important, pour l’instant, c’est de me protéger.

Je suis un vieux fan. En écoutant ton coffret, ça m’a rappelé à quel point ton œuvre est substantielle. On ne l’estime pas assez. Tu as rassemblé 51 chansons dans les trois albums du coffret. Comment as-tu fait pour les choisir?
Nous avons voulu y aller avec le cœur, et c’est donc 51 chansons, 51 coups de cœur. C’est aussi une mémoire collective, ce dont les gens pouvaient se souvenir à travers le temps. Je n’ai pas souhaité retracer tout mon parcours, raconter l’histoire de ma vie, même si, à travers mes chansons, c’est de ma vie qu’il s’agit. Je voulais surtout des chansons qui font partie de la mémoire collective, qui ont touché le public depuis des décennies. Et puis, j’ai cherché comment je pourrais faire sonner l’album. Je voulais une sonorité chaleureuse. Nathalie et moi, on y a travaillé pendant deux ans. 

Tu n’as pas fonctionné chronologiquement...
J’ai voulu éviter ça! Je n’avais pas envie de commencer par la première chanson que j’ai écrite, par le premier succès. Je ne trouvais pas ça intéressant. Alors je suis allé chercher d’un bout à l’autre de mon répertoire des chansons qu’on pouvait lier par leur sens, par ce qu’elles racontent. Par exemple, J’ai souvenir encore est suivie de Souliers de toile. Dans les deux cas, c’est un enfant qui raconte ce qui l’entoure, qui se souvient des lieux et de l’état dans lequel il est. Alors je les ai mises l’une à la suite de l’autre dans le montage. Il y a aussi le thème de l’écologie, qui m’est encore cher. Quand je chantais sur la pollution dans les années 1970, on me prenait pour un halluciné! À l’époque, les gens jetaient encore leur voiture dans l’eau pour s’en débarrasser. C’était comme ça. Je parlais de sauver la nature, et on pensait que j’avais pris une pilule! (rires) 

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Tu étais visionnaire, même musicalement... Par exemple, ton album Fables d’espace est toujours aussi puissant...
Il a été enregistré dans un studio à Woodstock; j’avais le pianiste de Janis Joplin. Pourtant, je n’avais pas d’argent, mais je me débrouillais. Quand j’ai enregistré Comme un million de gens, les Rolling Stones enregistraient dans l’autre studio. Ils passaient trois mois à répéter une toune, tandis que moi, j’avais un après-midi! On n’était pas dans la même game! Mais tout le monde était généreux avec moi, c’était fabuleux. Puis, j’ai été appelé pour enregistrer Le blues du businessman à Paris. Alors j’ai refait mes bagages pour un aller-retour. À part Si Dieu existe, c’est la seule chanson que les Français connaissent de moi... 

Tout comme ici, ç’a été un immense succès. Regrettes-tu de ne pas avoir tenté ta chance là-bas?
Je ne le regrette pas. J’aurais pu rester en France, pousser ma carrière, mais je n’en avais pas totalement envie. Je me rappelle, en face de mon hôtel à Paris, il y avait un parc qui était à peu près 85 fois plus petit que la forêt où j’habite et dont je suis propriétaire. J’aimais autant rester chez nous. Au lieu d’être à Paris, j’étais par ici... J’avais et j’ai encore besoin d’être connecté à la nature.

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Il y a des artistes qui disent vouloir mourir sur scène... Toi, tu te vois encore chanter pendant plusieurs années?
Moi, je préfère vivre sur scène! Je ne sais pas si je vais faire d’éternels shows d’adieu. Je suis gâté par mon public, il est fidèle. Avant la pandémie, durant la tournée, mes salles étaient encore pleines. Je ne me suis pas fixé de date pour arrêter les spectacles. Je vais continuer la scène aussi longtemps que ça va me tenter. Puis, si ça devient trop exigeant, j’arrêterai. Mais ce n’est pas du travail pour moi. Il y a la réaction du public qui me fait vivre. C’est quelque chose d’assez énorme.

Tu aurais de la difficulté à t’en passer?
Oui, c’est certain. Ça donne de l’énergie d’être sur scène, d’être en contact avec les gens, les musiciens. C’est un bel échange. Souvent, on entend les artistes dire que le public, la scène, c’est leur drogue. Eh bien, dans un sens, sans être un besoin aussi marqué dans mon cas, je sais que je peux difficilement me passer du public, du kick d’être sur scène. Et ça me manque en ce moment.

Travailles-tu sur du nouveau matériel, de nouvelles chansons présentement?
Je ne peux pas dire que la pandémie m’inspire beaucoup. Je prends des notes sur des bouts de papier, des paroles, et je mets de la musique dessus. Mais je ne force rien, je me laisse porter. En ce moment, je travaille aussi sur ma biographie. Il faut bien que je l’écrive, sinon il y a plein de tatas qui vont faire semblant que j’en ai fait une et l’écrire à ma place!

Et elle est belle, ton histoire?
Oui, elle est belle mon histoire et elle m’appartient. La beauté dans tout ça, c’est qu’elle ne cesse de s’améliorer, et ça, c’est merveilleux.      

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Le coffret Dubois solide réunit 51 titres issus d’un répertoire qui s’étend sur six décennies.
On peut se le procurer sur claudedubois.ca et il est disponible chez Archambault.

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