Déception symptomatique chez des adolescents qui ne peuvent retourner à l’école
Myriam Lefebvre
Tristesse de voir leur bal annulé, angoisse de trouver le cégep trop difficile, crainte de perdre leurs grands-parents, mais surtout déception de ne pouvoir retourner à l’école: les adolescents jonglent avec plusieurs émotions depuis l’annonce du gouvernement provincial, qui maintient la fermeture des écoles secondaires jusqu'en septembre.
«Je trouve ça vraiment triste. Je comprends les arguments et je comprends que c’est pour la santé de tous, mais j’aurais aimé pouvoir clore mon secondaire d’une belle façon», a dit Mégane Noel, finissante à l’école secondaire Jean-de-Brébeuf à Montréal. Sur le groupe Facebook «Les secondaire 5 en quarantaine», cette dernière ne pèse pas ses mots: «2020, officiellement la pire année de notre vie», a-t-elle écrit.
«On n’a jamais su que c’était notre dernière journée», a lancé Juliette Dumont, finissante au Collège Trinité de Saint-Bruno-de-Montarville. Bal, voyage de secondaire 5, séance de signatures d’album de finissants... l’étudiante de 17 ans voit ses activités de graduation tomber les unes après les autres. Elle fait difficilement le deuil de toutes ces dernières fois qui n’auront jamais lieu.
«Je trouve ça vraiment difficile de savoir que je ne retournerais pas voir aucun de mes amis ou de mes profs», a dit Pier-Alexandre Bouchard, 16 ans, de l’école secondaire Kénogami à Saguenay. Avec beaucoup d’espoir de reprendre les classes à la mi-mai, ce dernier dit avoir encaissé un coup dur lors de l’annonce du gouvernement Legault plus tôt cette semaine.
Quant au report possible de son bal des finissants à l’automne, Pier-Alexandre ne veut pas être pessimiste, mais il croit que l’événement n’aura plus la même portée. «Nous serons déjà plus ou moins passés à autre chose.»
Une marche de moins dans l’escalier
Sans être tracassés par leurs résultats académiques, les étudiants craignent surtout d’avoir de la difficulté à assimiler la matière du cégep avec le retard accusé des derniers mois.
«Je risque de trouver la matière difficile», a affirmé Pier-Alexandre, qui entreprendra un programme en informatique et mathématiques. C’est un programme nécessitant les maths, la chimie et la physique, qui sont des matières dans lesquelles il est moins facile d’apprendre par soi-même.»
«C’est sûr qu’un côté de moi stresse», a admis Juliette Dumont, qui malgré ses bonnes notes et ses efforts, n’a pas l’impression de comprendre aussi bien la matière à distance qu’à l’école.
Angoisse de perdre un proche
Pour Justin Robins, 13 ans, l’inquiétude réside aussi dans la possibilité qu’un de ses grands-parents attrape la COVID-19. «J’ai des grands-parents du côté de mon père qui vivent aux États-Unis [...] Le plus que je puisse faire, c’est de les appeler. J’ai un peu peur pour eux», a soutenu l’étudiant de secondaire 2, aussi du Collège Trinité.
«Je suis vraiment stressée [...] Je ne veux vraiment pas les voir», a convenu Juliette Dumont, pour ne pas mettre ses proches en danger.
«Ils respectent bien les règlements du confinement. Par contre, si jamais l’un d’entre eux tombait malade, je serais évidemment beaucoup plus stressé pour eux», a mentionné Pier-Alexandre Bouchard.
Malgré leurs multiples préoccupations, les étudiants du secondaire attendent tous avec impatience leur retour sur les bancs d’école.
Épidémie d’anxiété à prévoir chez les jeunes
Pour Samuel Veissière, professeur adjoint au département de psychiatrie et codirecteur du programme Culture, Mind and Brain à l’niversité McGill, il ne fait aucun doute: la crise actuelle exacerbera la problématique d’anxiété, déjà préoccupante par le passé.
«Il y a une épidémie qui selon moi va être beaucoup plus grave, beaucoup plus sérieuse que les conséquences de santé de la COVID elle-même», a-t-il indiqué en entrevue avec Geneviève Pettersen mercredi à QUB radio.
Écoutez l'entrevue complète ici:
Selon M. Veissière, les adolescents, qui passent parfois près de 8 heures par jour devant un écran, risquent d’accuser un retard de développement psychique. «Beaucoup de jeunes avaient déjà du mal à comprendre des indices non verbaux de base parce qu’ils avaient été privés d’opportunités d’interactions normales, face à face», a-t-il dit. D’autres risques comme l’obésité, la dépression et les troubles de santé mentale sont aussi à prévoir selon le professeur.
- Avec la collaboration de Raphaël Lavoie