Fabienne Larouche vit de sa passion avec son mari et coproducteur, Michel Trudeau

Julie Perreault

Pascale Wilhelmy

2022-01-24T16:17:32Z

Qu’est-ce qui anime Fabienne Larouche, celle qui nous en met plein la vue à la télé depuis des années? L’amour du métier, toutes ces histoires à raconter et ce besoin constant de se surpasser. Changer de rythme, elle le pourrait, mais ce n’est pas pour elle. Au contraire: elle n’a pas l’impression de travailler, puisqu’elle vit sa passion.

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C'est de sa toute nouvelle maison en Estrie que Fabienne m'accorde cette entrevue. Ce déménagement est un grande surprise dans sa vie. «Le 10 juillet dernier, on ne parlait pas de déménager. Et le 10 octobre, on était dans notre nouveau coin de pays.» Fabienne et Michel Trudeau, son mari, allaient quelques fois par année en Estrie, voir la famille, puis une filleule qui est en résidence en médecine à Sherbrooke. Ils en profitaient pour visiter, découvrir. Cet été, tout a déboulé, et le couple s’est trouvé un nouveau toit. «On est dans la montagne, entourés d’arbres. Je suis tombée en amour avec la forêt autour, les sentiers où on peut marcher, le foyer dehors. On est bien, et je découvre une autre qualité de vie», dit-elle à propos de ce projet surprenant et stimulant. Et qui donne le ton à une nouvelle année faite, une fois encore, de nombreux défis pour celle qui regarde toujours vers l’avant...  

Fabienne, au-delà d’apprivoiser ton nouvel environnement, comment entrevois-tu l’année 2022?
C’est sûr qu’elle sera différente de tout ce que j’ai connu. On a de beaux projets qui se réalisent et d’autres à venir. Mon année 2022 va être intense, on ne chômera pas! En même temps, c’est la fin de la grande aventure District 31.

Une nouvelle qui a surpris tout le monde...
La décision s’est prise toute seule pour des raisons pratiques. Luc Dionne avait le sentiment d’avoir terminé son récit avec la présente saison. Après six ans et près de 30 000 pages de scénario, il était aussi fatigué du rythme et des exigences du genre. Enfin, il est toujours préférable de terminer une série au sommet de l’estime du public.

Le public aura un deuil à faire de ces personnages. Est-ce la même chose pour toi?
Tu sais, on fait toujours un deuil, mais il y a les bons et les mauvais deuils. Les bons sont ceux qui nous laissent le sentiment du travail accompli. Ils laissent aussi une douce nostalgie, mais aucun regret.

Que retiens-tu de cet incroyable succès?
Je retiens que le succès, quel qu’il soit, mais surtout à ce niveau, est impossible à atteindre sans le travail acharné et inspiré de chacune des parties. Dans le cas de District 31, on peut certainement dire que, de l’écriture au jeu, en passant par la technique et l’encadrement de production, sans oublier le diffuseur, tout le monde a fourni le maximum d’efforts.

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Photo : Patrick Seguin
Photo : Patrick Seguin



Tu évoques un travail acharné, et c’est vrai, mais de ton côté, as-tu envie parfois de ralentir le rythme?
Tu sais, j’ai 63 ans, et Michel, mon conjoint, en a 65. Autour de nous, il y a des gens qui songent à la préretraite, d’autres qui prennent leur retraite ou qui sont dans la gestion de tout ça. De notre côté, des fois on se regarde et on se dit: «Mon Dieu, on n’a jamais autant travaillé!» C’est sûr que quand j’écrivais Virginie, c’était intense, mais présentement, j’ai cinq productions en ondes (Le bonheur, District 31, Doute raisonnable, Toute la vie et Sans rendez-vous). Il faut travailler avec les auteurs, choisir le casting, les réalisateurs, je veille aussi au montage. Disons qu’on ne s’ennuie pas! J’ai toujours ressenti une grande responsabilité face aux auteurs qui travaillent avec nous. Je me dis que s’ils nous choisissent, c’est qu’ils ont vu quelque chose et qu’ils veulent le mieux, alors je me donne entièrement.     

Donc, la retraite, ralentir, ce n’est pas pour toi pour l’instant...
Je n’ai rien contre la retraite si on s’occupe à autre chose. Mais il y a des femmes qui sont hyper inspirantes et qui donnent envie de poursuivre. Je pense à Janette Bertrand, qui écrit et s’implique encore à 95 ans. Je l’admire, cette femme. Moi, je ne suis pas une grande voyageuse ni une grande exploratrice. Je suis une fille de routine, je n’ai donc pas ces rêves de grandes découvertes; disons que l’exploration se passe plutôt dans ma tête. Surtout que notre métier, c’est notre passion, à Michel et à moi. Ce n’est pas un travail. Je n’ai pas hâte au vendredi soir ou aux vacances. On est allés un mois en Floride cet automne, et j’étais heureuse de travailler au montage de la série Le bonheur. Encore là, je dis «travailler», mais c’est mieux que ça.     

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Ça te donne de l’énergie?
Oui, ça brasse et c’est bon. On continue avec nos émissions, on en développe d’autres. Il y a des auteurs qui viennent nous voir. Mentalement, cognitivement, c’est excellent! J’ai beau te dire que j’ai 63 ans, je travaille avec des jeunes; c’est un échange, une transmission de l’expérience. C’est très inspirant. Tout ça pour te confirmer que je ne pense pas du tout à la retraite! J’ai encore du plaisir. Il faut rester allumé! Et je me sens très gâtée: je fais de la télé avec des gens allumés. J’ai du fun... Qu’est-ce que je peux demander de mieux?

Surtout que tu partages cette passion avec ton amoureux.
Michel et moi, on a travaillé ensemble dès le début. Au départ, avec Virginie, il était mon producteur au contenu. Quand j’ai décidé de produire mes émissions, il était présent. Il est psychologue dans la vie, il était meilleur gestionnaire que moi, plus doué que moi avec les gens. Quand j’ai démarré la maison de production, c’était comme une espèce de coopérative, mais à un moment donné, il faut que quelqu’un décide. Alors des fois j’étais intense, un peu tough, et il m’a beaucoup aidée. Mais on reste ce qu’on est. Michel me dit toujours: «Ce qui a été sera.» Alors j’étais et je suis toujours impétueuse, revendicatrice, passionnée. Je n’ai pas peur des discussions, des prises de position. Au contraire, j’aime ça! Mais les années font quand même en sorte que je prends parfois une distance par rapport aux choses, aux événements. Je réagis plus doucement. C’est ça aussi, vieillir. Soixante ans, ce n’est pas trente ans. 

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Courtoisie
Courtoisie



Et on choisit ses batailles...
Exact. Surtout qu’on n’a plus à faire ses preuves. Plus jeune, j’avais des choses à prouver aux autres et à moi-même. Aujourd’hui, c’est fait. Maintenant, j’accompagne du monde que j’aime, que j’estime et que j’admire. Et j’ai du plaisir à le faire.

Fabienne, tu me sembles très fidèle aux gens que tu aimes. Les auteurs, les réalisateurs, les acteurs aussi, comme dans la nouvelle série Le bonheur, où tu as proposé le rôle principal à Michel Charette.
Je n’ai pas eu d’enfants. Je ne sais pas si c’est ça, mais je crée des familles, je pense. Je me fais un clan. Et quand les projets finissent, il y a toujours de la peine. Les gens prennent leur propre chemin et il y a de la tristesse par rapport à ça. Parfois, on voudrait créer d’autres projets, entraîner les gens avec soi. On ne peut pas toujours le faire, mais, quand c’est possible, c’est une belle opportunité. Dans Le bonheur, c’est ce qui s’est produit. C’est un gars dans la fin quarantaine qui part s’installer à la campagne avec sa blonde et son fils. Et quand j’ai lu le scénario de François Avard et Daniel Gagnon, j’ai tout de suite pensé à Michel, parce que ça fait quand même 11 ans qu’il travaille avec nous: il a joué 5 ans dans 30 vies, et 6 ans dans District 31. Et il a été vraiment très bon pour moi. En plus, c’est un acteur qui peut faire plein de choses, il est vraiment polyvalent; il vient de la comédie. La décision a été unanime. On lui a présenté le scénario, il l’a lu et spontanément il a accepté. Les auteurs me sont fidèles aussi. Des fois, ça peut ne pas fonctionner, il ne se crée pas de liens. Mais d’autres fois, on s’entraide, on échange, on est là. Ils me permettent de revenir sur le texte. Ça vient sans doute de mon expérience — j’ai écrit 1500 heures de télé. Cependant, je n’ai pas toutes les réponses, mais j’ai beaucoup de questions! (rires) Il faut que tout le monde y trouve son compte et il faut être très bienveillant envers les auteurs, parce que tout part de là. 

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Dans Le bonheur, on voit une famille qui s’exile à la campagne et qui fait face à tout autre chose que son rêve. Ton déménagement tout récent à la campagne, comment l’as-tu vécu?
Ce qui est intéressant dans le déménagement, c’est le risque, la mise en danger. Tu sais, tu es dans la soixantaine et tu vis depuis 22 ans dans la même maison, tu as changé deux fois ta salle de bains, tu as rénové ta cuisine, tu as changé tes fenêtres. Tu es installée, tu vas mourir là. Et tout à coup, tu te dis: «Non, on se met en danger.» On est partis dans quelque chose de différent, et on a tout laissé derrière nous. On a vendu la maison entièrement meublée et on est partis avec nos vêtements, nos livres, nos souvenirs et nos ordinateurs. Il a fallu recommencer à zéro. On a tout acheté neuf, les serviettes, les ustensiles... On a fait comme si on avait 20 ans! Il y a quelque chose de salvateur là-dedans. Au début, tu te demandes si t’as vraiment envie de faire ça, si t’en as l’énergie. On était bien chez nous, et je suis une fille du Nord depuis que j’ai cinq ans. Et là, on a fait un grand saut. On est venus chercher la forêt, l’espace, la paix. 

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Il y a aussi cette quête du bonheur, pas toujours facile à trouver. Est-ce qu’on peut dire que tu es heureuse dans la vie?
Tu sais quoi? La quête du bonheur, c’est compliqué. C’est vrai qu’on a beaucoup de pression pour être heureux. À un moment donné dans la série, le personnage principal dit à sa blonde: «Je ne suis pas malheureux, je suis juste pas heureux.» Est-ce que je suis toujours heureuse? Non. Mais je ne suis pas malheureuse. Il faut dire que mon père est décédé il y a cinq ans et que j’ai vécu un deuil difficile. Ça a remis mes relations familiales un peu en question; parfois, ça fait exploser les choses qui étaient latentes depuis longtemps. Il y a aussi de beaux moments d’épiphanie dans une vie. Comme cette fois où je suis à New York avec mes nièces, mes beaux-enfants: on est en train de souper, et là, j’ai les larmes aux yeux, tout d’un coup. Ça irradie le bonheur, ça monte en moi. Mais, dans la vie, je suis vraiment trop lucide pour être toujours heureuse. Par contre, je le suis avec Michel. Ça va faire 23 ans qu’on est mariés. On s’est rencontrés, on s’est connus, on s’est trouvés. On s’est aimés, on s’est mariés. Puis on travaille ensemble et on va mourir ensemble. On le sait, parce qu’on est une super équipe, ça marche. Et, oui, on est heureux ensemble. 

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Julie Perreault
Julie Perreault

C’est déjà beaucoup...
Lui comme moi, on trouve le bonheur dans les petites affaires! Quand je dis que je suis une fille de routine et d’habitude, je me suis arrachée à ma routine. En Estrie, je suis en train de m’en refaire une et j’aime ça. Au fond, le bonheur, c’est très personnel. Comme quand je suis en voiture avec Michel. Je n’aime pas l’avion, j’aime faire de la route. Et tout à coup, en roulant, j’entends une toune, je le regarde et j’ai une bouffée d’amour. C’est du bonheur, ça!

En terminant, si tu regardes tout le chemin parcouru depuis tes débuts, tu en penses quoi?
Je ne suis pas très bonne pour regarder en arrière. Je regarde plutôt en avant. Mais c’est sûr que si, quand j’avais 14 ou 15 ans, un oracle m’avait montré une boule de cristal et m’avait dit: «Toi, tu vas écrire 1500 heures de télé, tu vas produire, tu vas avoir des batailles à mener», je ne suis pas certaine que je l’aurais cru. Une carrière se bâtit petit à petit. Est-ce que je ferais les batailles que j’ai faites? Non. Mais je les ai menées. À l’époque où c’est arrivé, j’avais l’énergie, le feu, la fureur pour le faire. J’ai mené mes batailles au bon moment et je ne les regrette pas. Avant, j’étais aussi une maniaque des cotes d’écoute. Si je te disais le nombre de fois où j’étais convaincue que ma carrière était finie, tu ne croirais pas ça! Mais c’est ça qui m’a tenue: l’inquiétude, la peur de ne jamais être assez bonne, de ne jamais en donner assez. Ça, je peux te l’affirmer, je suis probablement la fille qui a voulu en donner le plus. Puis, expérience ou pas, soixantaine ou pas, il y a des choses qui ne changent pas. Et ça, c’est sûr que je veux encore donner le meilleur de moi. Ça va me suivre jusqu’au bout, je pense bien... 

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Le bonheur est diffusé les mercredis, à 21 h 30, sur les ondes de TVA.

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