Changement de carrière: elles racontent leur retour sur les bancs d’école
Myriam Lefebvre
Changer de carrière n’est pas toujours simple, encore moins lorsque cela nécessite un retour sur les bancs d’école. Quatre femmes dans la trentaine, aux parcours bien distincts les uns des autres, témoignent de leur virage à 180 degrés.
Si elles gravitent dans des univers différents, le conseil qu’elles adressent à toute personne se remettant en question demeure le même: il ne faut pas avoir peur de foncer.
Le rêve d’enfance renouvelé (Elisa)
Avec sa voix de velours et de miel, Elisa avait toujours rêvé de devenir une grande animatrice de radio. Métier convoité, souvent réservé aux vedettes de la télé dans les grandes villes, le poste d’animatrice de radio a mené Elisa à Kapuskasing, en Ontario, à 11 heures de route de Montréal, puis à Mont-Laurier, dans les Laurentides. Après quelques années d’éloignement, elle en a eu assez. «Je savais que je n’étais plus heureuse dans ce que je faisais et j’avais besoin de nouveaux défis», dit-elle.
Après un passage chez l’orienteur et des réflexions mûries sur ses aspirations, elle s’est lancée en traduction à l’Université Concordia, à Montréal. «J’avais travaillé pendant quatre ans, ça faisait sept ans que j’avais quitté le nid familial. Là, c’était déménagement, changement de région, retour à la maison pour vivre avec les parents. C’était comme un retour en arrière dans ma tête et aussi un gros deuil de quitter le domaine de la radio», explique-t-elle.
Elle n’avait jamais souhaité faire de grandes études. Elle craignait de ne pas être à la hauteur pour l’université. Et pourtant, elle poursuit aujourd’hui sa carrière de traductrice avec brio.
De la ferme à l’hôpital (Christine)
Christine croyait passer sa vie sur une ferme. Après avoir terminé des études en agriculture, elle était devenue actionnaire de la ferme familiale maraîchère de ses parents, en Mauricie. Avec deux enfants en bas âge et beaucoup moins de disponibilités pour être sur les terres, des frictions avec sa famille sont apparues et elle a décidé de se retirer de l’entreprise.
«Il y a eu un bon deux mois où j’étais perdue. Il a vraiment fallu que je prenne du repos pour décanter tout ça», raconte-t-elle. Tant qu’à quitter la ferme, Christine a décidé de faire le deuil complet de son domaine. Elle est retournée voir la conseillère en orientation de son école secondaire, puis après réflexion, elle a jeté son dévolu sur le métier d’infirmière.
Pour atteindre son objectif, Christine a dû mettre les bouchées doubles, parfois même triples. Elle a complété un cours de chimie de niveau secondaire avant de se lancer dans une technique condensée de 21 mois au cégep. «La fin de semaine, je m’enfermais pour étudier, je ne voyais pas mes enfants [...] Je ne pouvais pas me permettre d’échouer. Je ressentais une pression énorme à chaque examen», explique celle qui a su compter sur des amis pour l'aider à réviser la matière. Si elle a trouvé le cégep mal adapté pour un retour aux études avec enfants (peu de flexibilité d’horaire, cellulaire interdit, etc.), elle se réjouit de voir que l’université lui offre beaucoup plus de liberté.
Oui oui, comme si le cégep n’était pas assez, Christine s’est fait convaincre par ses amis de poursuivre son cheminement à l’université. Elle conclura ses études à l’hiver 2021. Comme quoi, on prend parfois goût à étudier!
Deux carrières au lieu d’une (Claudie)
La musique a toujours fait partie de Claudie. Pour elle, il n’y avait pas de doute: plus tard, elle graviterait dans cette industrie. Occupant le rôle de directrice artistique dans une maison de disques, elle a toutefois ressenti le besoin de se nourrir d’autre chose pour s’épanouir davantage. «J’avais envie de défis, j’avais aussi envie de travailler en one on one avec les gens et pouvoir les aider», explique celle qui a entrepris une formation en acupuncture au Collège de Rosemont.
Loin l’idée de dire adieu à la musique, Claudie a plutôt décidé qu’elle mènerait ses deux carrières de front et qu’elle bâtirait son horaire de façon autonome. Elle n'a pas à craindre de regretter son choix. Elle alliera ses deux passions.
La femme de 32 ans, qui terminera l’an prochain sa dernière année d’études, a bien sûr hâte de se libérer du poids «scolaire» qui lui pèse sur les épaules. «C’est vraiment intense, on se met vraiment plus de pression de performance parce qu’on ne veut pas perdre notre temps [...] On sacrifie beaucoup de choses financièrement, et pour la famille aussi».
Mais selon elle, le changement en vaut la peine. «Si tu penses à changer de carrière pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, c’est qu’il y a une raison à ça. On n’est pas confiné à un seul métier dans la vie et il faut voir ça comme une richesse», dit-elle.
Repartir à zéro... à 30 000 pieds d’altitude (Mariève)
Cumulant quelques emplois à temps partiel, Mariève se sentait prise dans un engrenage. Elle avait la nette impression de tourner en rond et surtout, elle voulait à tout prix changer de ville. «Tout ce que je voulais, c’était de partir de Montréal», souligne-t-elle.
En entendant parler du recrutement d’Air Canada pour sa nouvelle ligne vacances, Rouge, elle a eu le déclic. «Ils engageaient à Toronto, c’était parfait pour moi. J’ai sauté sur l’occasion et j’ai commencé à faire des recherches sur le métier d’agent de bord après avoir appliqué», raconte-t-elle.
Quand elle a su qu’elle était sélectionnée pour suivre la formation offerte par la compagnie, à Toronto, Mariève a quitté cinq emplois coup sur coup. Sans argent de côté, sans appartement là-bas, elle a vite su se débrouiller.
Mais elle ne savait pas dans quoi elle s’embarquait. La formation d’agent de bord est beaucoup plus difficile qu’on ne pourrait le croire. Les examens passés par les recrues se comptent à la dizaine, et ce, dans un très court laps de temps. Ni les retards, ni les écarts de conduite, ni les erreurs ne sont tolérés. Il faut se planter les pieds. «C’est la chose la plus difficile que j’ai faite de ma vie [...] J’ai passé des nuits blanches à étudier», se souvient-elle, d’autant plus qu’elle était de retour sur les bancs d’école après 14 ans sur le marché du travail. «C’était épouvantable», dit-elle en riant.
Sa transition n’a peut-être pas été évidente, mais Mariève est maintenant passionnée par la profession qu’elle exerce depuis 6 ans. Habitant maintenant à Vancouver, elle attend avec impatience d’enfiler son uniforme à nouveau...lorsque la crise la COVID-19 sera chose du passé.