À 74 ans, Marc Messier parle de sa propre vie dans son premier spectacle solo

Photo : Dominic Gouin

Daniel Daignault

2021-11-23T12:00:00Z

Marc Messier livre une performance absolument remarquable dans le film L’arracheuse de temps, grâce à son rôle de Méo, et à 74 ans, le comédien n’est pas encore mûr pour la retraire! En effet, voilà qu’il présente Seul... en scène, son premier spectacle solo, comme le titre l’indique. Une aventure qui le stimule énormément.

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Marc, parlons d’abord de ce film basé sur un conte de Fred Pellerin. C’était la première fois que tu plongeais dans cet univers?
Oui, je ne connaissais pas si bien Fred Pellerin et je me suis précipité sur des captations de ses spectacles. J’ai vu L’arracheuse de temps et De peigne et de misère, où le personnage que je joue est encore plus présent. J’ai écouté ça pour comprendre le personnage et j’ai été renversé tellement ses spectacles sont bons, et à quel point il est à l’aise et poétique. C’est un bon raconteur.

Tu es très présent dans ce film. As-tu eu du plaisir à jouer ce rôle?
C’est un beau personnage, très savoureux, et je l’ai su en lisant le scénario. C’est un alcoolique, et je peux dire que mes années de Broue m’ont servi. (sourire) Disons que j’ai l’expérience pour jouer du monde «chaud». (rires) J’ai aussi adoré le look du personnage, et tu sais, dans les films fantastiques, tu as quand même une certaine marge de manœuvre où tu peux exagérer un peu. C’est toujours un peu au-dessus de la réalité, et c’est intéressant pour tout le monde, autant pour moi que pour les maquilleurs, les coiffeurs et le directeur photo. Francis (Leclerc) est vraiment un bon réalisateur. J’ai bien aimé travailler avec lui.

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Et as-tu aimé jouer avec la jeune Jade Charbonneau, qui porte l’histoire du film sur ses épaules?
Beaucoup! J’avais joué avec elle dans la série Prémonitions (2016), quand elle avait 14 ou 15 ans. Elle est une bonne actrice, c’est une fille intelligente, elle sait ce qu’elle fait et elle est bien intéressante.

Quand tu regardes Jade et tous les comédiens de sa génération par rapport à ceux qui sont un peu plus vieux, est-ce que tu constates qu’il y a beaucoup de personnes talentueuses comme à ton époque?
Oui, il y a une belle relève, mais il y a toujours eu beaucoup de gens de talent d’une génération à l’autre. Cette semaine, j’ai travaillé avec Louis-Philippe Dandenault, que j’avais côtoyé sur Lance et compte alors qu’il jouait mon fils, et il est super bon. Je pense à Éric Bruneau, Mani Soleymanlou, Magalie Lépine-Blondeau, Julie Le Breton, Anne-Élisabeth Bossé, toute cette gang qui est dans la fin trentaine, et on voit que le talent se perpétue. J’ai vu ceux qui étaient là avant moi: Gilles Pelletier, Albert Millaire, Monique Miller, Jean Besré... Tout ce monde-là était extraordinaire. Ils étaient des passionnés et aimaient tout ce qu’ils faisaient. Ensuite, il y a eu Rémy Girard, Michel Côté, Serge Thériault, Claude Meunier, Jean-Pierre Bergeron, Gilbert Sicotte et moi. C’était une méchante cuvée. Tu t’aperçois, quand tu sors des écoles, que tu te retrouves parmi 200 ou 300 personnes dans des corridors à attendre pour passer une audition. Puis, à 60 ans, ça diminue pas mal, et à 68, on est à peu près 12...C’est un métier où, à un moment donné, il y en a qui lâchent en cours de route ou les rôles ne viennent pas. 

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À l’âge où tu pourrais prendre ta retraite, tu te lances dans une nouvelle aventure en présentant un spectacle solo!
C’est une autre affaire, et ce qui m’amène là, c’est justement que c’est quelque chose de différent. Au fil des années, j’ai souvent pensé à l’idée de faire un spectacle solo, mais ce n’était pas nécessairement un must dans ma vie. J’étais bien content dans ce que je faisais et je suis rendu à une étape où lorsque je travaille moins, je suis bien. Je n’ai pas de frustration, je ne me sens pas délaissé. J’ai des choses qui peuvent m’occuper, mais avant tout, je te dirais que c’est la création artistique qui me motive beaucoup.

Comment l’idée de ce spectacle a-t-elle pris forme?
Mani Soleymanlou a fait un spectacle en 2018 qui avait pour titre Neuf, auquel participaient des comédiens de 60 ans et plus, et j’étais du nombre. Pour préparer ce spectacle qui portait sur le vieillissement et sur la mort, il nous avait questionnés sur nos vies. Il a ensuite écrit sa pièce après nous avoir enregistrés. Un jour, je lui ai dit que j’avais eu une idée et je lui ai demandé si je pouvais faire un petit monologue, une discussion qu’un gars a avec son ego. Il m’a dit oui. J’ai écrit ce numéro, qui durait trois ou quatre minutes, et je l’ai présenté. C’était la première fois que je m’adressais directement au monde dans la salle, ce qu’on faisait aussi dans cette pièce. J’ai aimé ça, et François Rozon, qui produisait la comédie Boomerang dans laquelle je jouais, m’a demandé si ça me tentait de faire un show solo. Et puis, les choses se sont enchaînées. 

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Photo : Dominic Gouin
Photo : Dominic Gouin


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Et tu as décidé d’écrire toi-même ton spectacle?
En fait, j’ai cherché pour voir si quelqu’un pouvait écrire une pièce à un personnage, et puis je me suis aperçu qu’il fallait que ce soit moi qui l’écrive. Ça ne me donnait rien de raconter ma vie à quelqu’un pour qu’il la raconte à son tour. Ce genre de show-là, il faut que ce soit personnel, alors j’ai décidé de prendre mon petit monologue et de partir de là pour bâtir le spectacle, qui est une discussion avec mon ego. En même temps, dans cette discussion, j’explique aux spectateurs comment mon ego est intervenu et comment il m’a souvent mis dans le trouble. Je revisite ainsi ma vie professionnelle, et forcément ma vie personnelle. Je raconte le moment où j’ai rencontré mon ego quand j’avais 16 ans, et lorsque je raconte quelque chose, je recrée la scène pour le public. Par exemple, lorsque je parle de mon professeur d’anglais qui m’avait demandé d’apprendre un petit monologue de Shakespeare, je joue ce que j’ai joué à ce moment-là. Je parle, entre autres, de mes débuts dans le métier, quand j’étais cassé et que je m’accrochais comme je le pouvais, et je fais comme si je passais une audition pour une publicité. Ce sont tous des tableaux qui se succèdent.

Est-ce que tu revisites les personnages marquants que tu as joués?
Non, je règle ça assez rapidement en racontant quelques faits marquants, comme la rencontre avec Michel et Marcel pour la création de Broue, ou lorsqu’on m’a proposé d’être un joueur de hockey dans une série. Mais je ne m’y attarde pas, parce que le monde sait ce que j’ai fait durant toutes ces années. 

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Tu es un gars de gang. Est-ce que tu avais des craintes à l’idée de te retrouver seul sur scène?
Je n’ai pas vraiment pensé à ça. Je ne suis pas vraiment tout seul, car j’ai un régisseur, et les gars deviennent des amis, comme celui qui s’occupe de l’éclairage. Mais c’est sûr que c’est un peu différent, et c’est correct que ça le soit, parce que j’ai vécu les expériences à plusieurs sur scène. Avec Broue, on a fait le spectacle à trois comédiens et trois ou quatre techniciens pendant près de 40 ans. Ce qui me motive dans toute cette affaire-là est ce qui se passe sur scène. Si tu es bien sur scène, tout le reste va bien, et j’ai vraiment beaucoup de plaisir à faire ce spectacle. Je suis très motivé, ça m’excite et je suis content parce que tout part de là. 

Tu parles de Broue. Est-ce que tu as eu les blues dans les semaines qui ont suivi votre tout dernier spectacle?
On a arrêté le 22 avril 2017. Ça va faire cinq ans, et je n’ai pas eu le temps d’avoir les blues. Trois mois après avoir cessé de présenter Broue, j’ai joué dans La mort d’un commis voyageur au Théâtre du Rideau Vert, et l’année suivante, j’ai joué dans Neuf. Je n’ai pas eu le temps d’y penser et je trouve qu’on a arrêté au bon moment. On n’était pas tannés, mais on l’avait assez fait. C’était le bon timing. 

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Tu vas donc avoir une année 2022 assez chargée...
Oui, je vais faire des spectacles jusqu’à Noël, et aussi l’an prochain, si tout se passe bien. 

L’arracheuse de temps sera présenté en salle dès le 19 novembre.
Pour plus de renseignements et les dates du spectacle Seul... en scène: marcmessier.ca.

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