Patrick Norman fait de rares confidences en entrevue avec Louise DesChâtelets

Photo portrait de Louise Deschâtelets

Louise Deschâtelets

2022-11-16T12:00:00Z

C’est au début des années 1990, alors que j’animais une émission quotidienne à la radio, que j’ai réalisé ma première entrevue avec Patrick Norman. Je le connaissais de réputation seulement, mais j’appréciais déjà sa voix chaude et envoûtante, ainsi que sa façon simple, directe et spontanée d’animer son émission de musique country. Ce jour-là, alors qu’il lançait son nouvel album, Whispering Shadows, j’ai écouté attentivement la chanson titre et je suis devenue une fan finie de cette voix. C’est donc en admiratrice inconditionnelle de cet artiste que je suis allée à sa rencontre!

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Avant de venir vous rencontrer, Patrick, je suis allée fouiller dans les archives vous concernant et je suis tombée sur des informations qui m’avaient jusqu’ici échappé. Il semblerait que votre enfance ait été marquée par des difficultés vécues en milieu scolaire...

Jeune, effectivement, j’ai subi beaucoup d’intimidation. Rien de comparable avec le bullying qui sévit aujourd’hui dans les écoles, mais il s’agissait quand même d’agressions dérangeantes. On me criait des noms, et surtout je me faisais niaiser parce que j’avais un oeil en coin. Si j’avais pris ces moqueries différemment, j’en aurais probablement moins souffert. Mais comme je retiens de ma maman, qui était très orgueilleuse et qui n’acceptait pas la façon dont on me traitait, je me sentais aussi blessé qu’elle à la moindre allusion à mon physique.

Photo : Patrick Seguin / TVA P
Photo : Patrick Seguin / TVA P

La plaie a-t-elle été longue à cicatriser?

Ah oui! Ce sentiment de ne pas être à ma place parmi les autres, qui étaient, à mes yeux, toujours tellement mieux que moi, m’a suivi longtemps après l’école. À titre d’exemple, je ne me sentais même pas autorisé à essayer de plaire aux filles.

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Comment avez-vous réussi à vous en sortir?

Cette gêne, ce malaise constant qui me hantait, s’est évanouie quand j’ai commencé à jouer de la guitare de façon plus constante. C’est comme si mon instrument me servait d’armure contre les attaques des autres. C’est en faisant de la musique que j’ai compris que le bonheur existait sur la terre. J’avais toujours joué de la musique, mais c’est vers l’âge de 16 ans que j’ai eu la piqûre pour de vrai.

La guitare vous a permis de vous découvrir et de vous aimer vousmême, en somme...

Tout à fait! Et ça m’a même aidé avec les filles, que je n’osais pas approcher avant.

Vos parents ont-ils facilement accepté que la musique devienne ainsi le centre de votre vie?

Au début, pas totalement. Mais comme mon père jouait lui-même de la guitare, qu’il chantait dans les partys de famille et qu’il était bien conscient que la musique avait un côté rassembleur, il a fini par comprendre que j’avais ma place dans ce monde-là.

À vos débuts dans le métier, avez-vous tout de suite commencé à composer vos propres chansons?

Pas du tout. J’ai mis du temps avant de commencer à composer mes chansons. Je me suis beaucoup attardé à peaufiner ma formation musicale en jouant de tous les types de musique que j’aimais et surtout que j’admirais. En début de carrière, je jouais beaucoup dans les cabarets, alors je faisais le tour du répertoire des plus grands compositeurs de l’époque, incluant celui de la musique instrumentale.

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Photo : Patrick Seguin / TVA P
Photo : Patrick Seguin / TVA P

Le succès populaire est-il venu vite?

Pas vraiment, je vous dirais, parce que l’intimidation a refait surface dans ma vie, à cause du snobisme dont faisaient preuve certaines personnes du milieu à mon endroit. Était-ce moi qui prenais mal certains de leurs commentaires ou eux qui me méprisaient véritablement? Je ne saurais vous le dire aujourd’hui. Mais à l’époque, je le vivais mal. Votre statut de star, vous l’avez donc gagné de chaude lutte. Aujourd’hui, vous devez en jouir à chaque instant! En 1969, Yvon Éthier — mon nom de baptême — a revêtu les habits de Patrick Norman. J’ai célébré mes 50 ans de carrière en 2019, en allant enregistrer à Nashville un album qui comprenait six nouvelles chansons et six reprises. Là-bas, j’étais avec les plus grands musiciens que je connais, et ils m’ont accueilli chaleureusement, comme un des leurs, alors qu’ils ne savaient même pas qui j’étais!

Vous avez plongé tête première dans ce haut lieu du country, sans vous soucier de ce qui pouvait vous arriver et sans aucun complexe?

Oui! Et je vous dirais que tout ça, c’est grâce à Yvon qui a pris Patrick par la main pour le guider, et grâce à Patrick qui a chanté de son mieux, avec sa seule guitare comme armure pour foncer tête première avec des musiciens qui ont accompagné les plus grands chanteurs du monde.

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Avez-vous d’autres préférences, à part le country, en matière musicale?

Ce qui m’emballe avant tout, c’est la bonne musique. Qu’elle vienne de n’importe quel horizon, si elle est bonne, la musique me plaît et me chavire. La musique country, c’est ma base: ça fait partie de mes racines, puisque mon père en était un grand amateur et que toute mon enfance, j’ai baigné là-dedans. 

J’aimerais qu’on remonte dans le temps, au début des années 1990, quand vous avez sorti l’album Whispering Shadows. J’ose vous dire aujourd’hui que cet album, enregistré en Louisiane et où votre voix est à son paroxysme, a toujours constitué pour moi un exemple de perfection sur le plan vocal!

Je ne sais pas quoi répondre tant je suis flatté... Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai toujours travaillé avec de grands musiciens, alors c’est peut-être eux qui me font paraître plus grand que nature! 

Humble en plus!

Patrick Norman a fait ses premiers pas à la télé aux côtés de la regrettée Renée Martel, à l’émission Patrick et Renée. Les deux stars du country ont souvent eu l’occasion de se produire sur la même scène. Non! Réaliste, je crois! Mais rassurez-vous, je ne souffre plus du syndrome de l’imposteur. 

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Il y a aussi votre longévité qui frappe l’imaginaire quand on parle de vous: 50 ans de carrière, 33 albums et autant de tournées, des centaines d’émissions de télé... Ça a marqué le public!

Mais je vous avoue que la tournée avec l’album Si on y allait risque d’être ma dernière, vu qu’elle a été retardée de deux ans à cause de la covid et que je viens d’avoir 76 ans. Et il y a aussi le fait que la pandémie m’a donné l’occasion de découvrir le plaisir d’être chez moi. 

La solitude peut parfois être difficile à vivre lors des tournées. Est-ce la raison pour laquelle vous avez ponctué votre carrière de spectacles avec d’autres chanteurs?

Bien sûr! Il y a eu, entre autres, Les fabuleux élégants en 1998, avec Jeff Smallwood, Bourbon Gauthier et William Dunker. Ça nous a menés jusqu’en Europe! Et aussi le spectacle avec la regrettée Renée Martel en 2016. Deux souvenirs extraordinaires! 

La télé a quand même tenu une grande place dans votre vie. Vous y avez débuté avec Renée Martel, qui était encore une fois à vos côtés, dans Patrick et Renée, diffusée à Télé-Métropole.

Exact. Pendant deux ans. Et ça a donné naissance à l’émission Pour l’amour du country, qui a duré 16 belles années. Ce fut un grand sommet dans ma vie personnelle et ma vie professionnelle. On partait s’isoler trois semaines pour enregistrer les émissions. C’était le bonheur total!

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Est-ce que ç’a été la cause de vos deux séparations? La première avec la mère de vos enfants, et la seconde avec une femme qui a partagé votre vie pendant 25 ans...

Peut-être un peu... Surtout qu’à ma deuxième séparation, je souhaitais par-dessus tout vivre seul — ce que je n’avais jamais fait de toute ma vie. J’étais décidé dans mon affaire... Je ne voulais plus avoir une seule femme dans ma vie. Je les voulais toutes en même temps! Dans le fond, j’avais toujours eu l’impression que je n’étais pas à ma place dans les couples que je formais. 

À cause des trop longues absences que vous imposiez aux femmes pendant les tournées?

Exactement. Ce n’est pas facile, la vie de tournée. Mais j’ai respecté ma décision de rester seul pendant un an, jusqu’à ce qu’une certaine Nathalie Lord vienne tout chambarder dans mon existence. Elle m’a prouvé qu’une seule femme pouvait être toutes les femmes à la fois.      

Photo : Patrick Seguin / TVA P
Photo : Patrick Seguin / TVA P

C’est tout un compliment que vous lui faites là!      

Depuis que je suis avec elle, je n’ai jamais été aussi heureux de toute ma vie!

Et ça tient à quoi?

Avec elle, je me sens totalement libre d’aimer. Avant, je ne m’étais jamais donné à 100 % dans une relation. Il y avait toujours quelque chose qui clochait. Plus maintenant. Je suis à la bonne place avec la bonne personne. Une femme qui, en plus, personnifie à la fois la beauté et l’élégance.

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À cause des tournées justement, avez-vous l’impression d’avoir été un mauvais père pour vos deux filles?

Avant, je le pensais, mais plus maintenant, parce que mes filles m’ont confirmé que, malgré tout, j’ai été un bon père. J’ai six petits-enfants et je suis arrière-grand-père depuis janvier. Je suis comblé!

Est-ce que c’était un objectif de vie pour vous d’avoir des enfants?

Je vous dirais que non. Mon seul objectif conscient a toujours été de faire de la musique quoique, depuis quelque temps, je me suis mis à la cuisine et j’aime beaucoup ça! J’aime le côté créatif de l’art culinaire. Jusqu’à maintenant, je suis chanceux, car je n’ai pas gâché trop de recettes.

Un peu orgueilleux encore aujourd’hui?

(Éclat de rire) Probablement!

J’ai appris que votre mère était décédée pendant la pandémie. Comment avez-vous vécu un tel drame?      

Ç’a été terrible. Mais je n’ai pas envie de blâmer quiconque ici. Je dirai seulement que ç’a été dur pour les malades, tout comme ce l’était pour les préposés aux malades. Ma mère était un poisson d’avril, puisqu’elle était née un 1er avril. À 90 ans, elle a commencé à nous dire régulièrement, à nous, ses enfants: «Je n’ai aucune envie de me rendre à 100 ans!» Une phrase qu’elle nous a répétée régulièrement et à laquelle nous répliquions toujours: «Tu nous fais encore le coup du poisson d’avril!» Eh bien, après avoir passé trois mois d’enfer à l’hôpital, en pleine pandémie, alors qu’elle était privée de tout son monde et que ma sœur et moi nous relayions pour la visiter, elle qui se sentait en prison dans sa chambre, puisqu’il qu’il lui était interdit de la quitter, elle a tiré sa révérence le lendemain de son 101e anniversaire. 

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Ces dernières paroles prononcées par Patrick, qui essuyait les larmes qui lui montaient aux yeux, en disent long sur l’impuissance ressentie par les proches aidants pendant les pires moments de cette terrible pandémie. Heureusement qu’ il avait la musique pour traverser cette épreuve.

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