Pour une rare fois, Michel Bergeron s’ouvre sur sa vie de famille

Photo : Karine Lévesque

Daniel Daignault

2022-05-24T16:00:00Z

C’est avec une grande fierté que Michel Bergeron, ex-entraîneur-chef des Nordiques de Québec et légende québécoise du milieu du hockey, parle du documentaire de trois heures (trois épisodes de 60 minutes) qui lui est consacré. Bergie, présenté sur la plateforme Vrai depuis le 17 mai, est à la fois un honneur et une superbe façon de jeter un regard sur sa vie et sa carrière. Voici des confidences sur sa vie de couple et sa vie familiale.

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Michel, c’est bien le producteur Éric Hébert et Louis Jean, journaliste et animateur à TVA Sports, qui ont eu l’idée de ce documentaire?
Oui, et c’est Louis Jean qui m’a approché. Il trouvait que j’avais un passé assez mouvementé, et on a commencé à travailler là-dessus. On a parlé de ma jeunesse, de tous les endroits où je suis passé, de Trois-Rivières à Québec, en passant par New York.

Photo : © Vrai
Photo : © Vrai

Quels sentiments t’ont habité en visionnant ces trois heures de documentaire?
J’ai regardé ça avec ma femme et j’ai ressenti beaucoup de nostalgie. C’est notre vie, finalement, avec les enfants. Une vie mouvementée, difficile par bouts, avec des hauts et des bas. Notre famille a continuellement déménagé: de Trois-Rivières à Québec, puis à New York, retour à Québec, ensuite Montréal et Sainte-Agathe. Ç’a été une vie bien remplie. 

Photo: © Collection personnelle
Photo: © Collection personnelle

Tu as éprouvé de la nostalgie, mais sans doute aussi beaucoup de fierté!
Oui, il y a de la fierté, mais aussi des regrets, parce que j’ai fait plein d’erreurs durant toutes ces années. Des erreurs monumentales, autant dans mon travail et dans le coaching que dans ma vie personnelle. J’ai négligé ma famille.

Photo: © Collection personnelle
Photo: © Collection personnelle

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Parlons-en un peu, de ta famille...
J’ai eu une fille issue de mon premier mariage, Anick, et Michelle avait deux enfants, Francis et Sophie. Ensemble, ma femme et moi avons eu Karine. Donc, on parle de quatre enfants, et c’est évident que je les ai négligés. L’hiver, j’étais occupé avec mon travail, et l’été, je jouais beaucoup au golf avec mes amis. Je dirais que je suis un gars de gang. J’étais toujours en groupe; l’hiver au travail, et l’été avec mes amis, durant mes vacances. 

Photo: © Collection personnelle
Photo: © Collection personnelle

Les chums ont donc pris beaucoup de place, au détriment de ta famille...
Ouais. (Michel a l’air songeur.) Aujourd’hui, on revient dans le passé souvent, mais on ne peut pas refaire la vie et changer des choses. Les enfants l’ont accepté, parce qu’ils savaient à quel point j’étais intense. C’était comme ça. On a chacun notre voie et, parfois, on en choisit une et on prend de mauvais plis, ce que j’ai sûrement fait. (rires) Dans l’ensemble, mes enfants ont fait une belle vie. Il n’y a jamais eu de problème et ils ont toujours accepté la situation, même si c’était parfois difficile pour eux. Quand je coachais les Nordiques, ce n’était pas facile. Autant ma fille qui habitait à Montréal que les trois autres qui vivaient à Québec se faisaient insulter à l’école. Si
les Nordiques perdaient, c’était la faute de leur père... Ils ont appris à vivre avec ça, mais moi, je trouvais ça difficile pour eux. Ma fille Sophie l’a déjà dit: c’est glamour être la fille du coach, mais c’est intransigeant. On dirait tout le temps que quelqu’un te surveille. 

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Michelle et toi êtes ensemble depuis 47 ans, et vous vous êtes mariés en 1978. Quel rôle a-t-elle joué dans ta carrière?
Écoute, ma femme a été mon pilier. Je me demande si j’aurais pris les mêmes décisions si elle n’avait pas été à mes côtés. Elle a tout fait! Elle a été solide, elle a été incroyable. Elle s’occupait entre autres de l’achat de maisons dans les villes où nous avons habité. Ça n’a pas été facile, entre autres à New York. (Il a été l’entraîneur-chef des Rangers durant deux saisons, de 1987 à 1989.) Francis, Sophie et Karine ne parlaient pas anglais; c’est ma femme qui devait composer avec l’école, le système bancaire et le système scolaire. Elle a tout fait! Pendant ce temps-là, je coachais, et il fallait que je gagne. Et puisque je suis anxieux de nature, la victoire devenait plus importante que n’importe quoi; je ne voulais pas me faire congédier! Quand je perdais, c’était le drame, et j’ai souvent entendu Michelle dire aux enfants de ne pas faire de bruit, parce que les Nordiques ou les Rangers avaient perdu... 

Photo: © Collection personnelle
Photo: © Collection personnelle

Le hockey laissait peu de place à tout le reste...
Quand je parle de choses que je ferais différemment, c’en est une. Pour moi, c’était le hockey et les victoires; je ne voyais que ça. Si on gagnait, tout était correct quand j’étais à la maison. Dans le documentaire, ma fille raconte qu’elle avait un chandail de Dale Hunter. Le matin, elle allait voir ma femme et lui demandait si les Nordiques avaient gagné. Si ce n’était pas le cas, elle ne portait pas son chandail; elle le mettait seulement quand l’équipe gagnait. En plus de tout ça, Michelle n’a jamais manqué un match! Un jour, Maurice Filion (le directeur-gérant des Nordiques) m’a dit qu’il allait devoir me congédier si on ne gagnait pas ce soir-là. C’était une décision qui venait de la haute direction. Michelle m’a dit qu’elle ne voulait pas venir au Colisée, mais je lui ai dit qu’il fallait qu’elle soit là, que c’était important pour moi. Elle est venue et, finalement, on a gagné. 

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Photo: © Collection personnelle
Photo: © Collection personnelle

As-tu des regrets quand tu repenses à ta vie avec ta femme et ta famille?
Je sais ce que j’ai fait, et j’aurais aimé que ce soit mieux. On n’a pas fait beaucoup de choses à l’extérieur du hockey, pas beaucoup de voyages. Je le regrette aujourd’hui, mais à l’époque, je ne me suis pas privé de faire ce que j’aimais. Il y avait le hockey et le golf avec ma gang. Moi, j’ai toujours souffert d’insécurité, comme mon père. Ma femme a toujours été là. Elle m’a encouragé à accepter d’aller diriger les Rangers, même si moi j’étais inquiet d’aller à New York. Je me disais qu’il fallait absolument que je gagne, mais comme avec les Nordiques, je savais que je n’avais qu’à m’occuper du hockey, parce que Michelle s’occupait de tout le reste. Elle n’arrête pas de m’impressionner. Mais c’est sûr que ça n’a pas été facile pour elle. C’est une femme de caractère. On peut négocier avec elle, à condition d’arriver avec de bons points!

«Ma femme s’occupait de tout, elle n’arrête pas de m’impressionner.»
«Ma femme s’occupait de tout, elle n’arrête pas de m’impressionner.» Photo: © Collection personnelle

Et quand tu repenses à ta carrière d’entraîneur?
J’ai été engagé à Trois-Rivières en 1974; ça fait 48 ans que le hockey est mon gagne-pain. Ensuite, en 1990, j’ai commencé à travailler en communications. Aujourd’hui, TVA me traite bien. J’ai été chanceux, j’ai toujours été bien entouré. 

Son caractère bouillant derrière le banc tout comme avec les arbitres lui a vite valu le surnom du Tigre. Son épouse s’est souvent inquiétée que ses emportements aient raison de sa santé.
Son caractère bouillant derrière le banc tout comme avec les arbitres lui a vite valu le surnom du Tigre. Son épouse s’est souvent inquiétée que ses emportements aient raison de sa santé. Photo : Archives Le Journal de Québec

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Photo : Archives Le Journal de Québec
Photo : Archives Le Journal de Québec

Tu auras 76 ans en juin prochain et tu as sept petits-enfants. Dirais-tu que tu es meilleur dans ton rôle de grand-père?
C’est une bonne question. Je suis content quand je vois mes petits-enfants, c’est tout le temps le party au village, et on voit plus souvent les plus petits. On va au restaurant, on a du plaisir. 

Photo : Karine Lévesque
Photo : Karine Lévesque

«Nos sacrifices ont valu la peine» — Michelle Bergeron 

Photo : © Vrai
Photo : © Vrai

Madame Bergeron, votre mari m’a confié que sans vous, il n’aurait pas fait le tiers de ce qu’il a fait.
Je pense qu’il a raison, oui. Michel a toujours été très intense dans son travail.

Comment est-ce que ça se passait lorsque son équipe perdait un match?
Ce n’était pas le temps de lui parler, et je voyais qu’il était blessé plus qu’autre chose. La défaite lui faisait vraiment mal.

Comment était-il avec les enfants?
Je n’aime pas dire ça, même s’il le dit lui-même: il n’était pas là. Il fallait que je le prenne comme il était. Je m’occupais de tout: de vendre la maison, d’acheter la prochaine, de tout ce qui touche l’école pour les enfants... Quand on a fait construire la maison à Lorraine, j’ai tout choisi. Dans le fond, ça faisait aussi mon affaire; on ne s’obstinait pas, je pouvais faire ce que je voulais! 

Depuis qu’il n’est plus entraîneur-chef, est-il plus présent auprès des enfants?
Ah oui! Là, par exemple, on les voit souvent. Il aime beaucoup voir les enfants et il aime bien son statut de grand-père, qui l’a justement rapproché des enfants.

Avez-vous été émue quand vous avez vu la série documentaire?
Oui! À la fin, quand les lumières s’éteignent sur la glace, Michel et moi avions le motton tous les deux. On l’apprécie beaucoup. Les enfants ont trouvé ça extraordinairement beau. La production a vraiment mis le paquet. 

Êtes-vous fière du parcours de Michel?
Oui, je me dis que ça valait la peine de faire des sacrifices. Michel est comme ça, c’est à prendre ou à laisser, on ne peut pas le changer. Ses chums étaient tellement importants pour lui, et même chose pour le hockey. Je dirais que sa vie était remplie à 95 % du hockey. Quand je l’ai rencontré, je ne connaissais pas ce sport, mais j’en suis devenue fan avec le temps. Les joueurs deviennent un peu notre famille, je m’y suis attachée: on les aime et on les suit. 

Photo : Karine Lévesque
Photo : Karine Lévesque

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Quand vous étiez au Colisée et que vous voyiez Michel monter sur le banc et s’emporter contre les arbitres, quelle était votre réaction?
J’avais assez peur! Son père est décédé d’une crise cardiaque à 47 ans. Quand je voyais Michel faire ça, je disais: «Arrête! Arrête!» J’avais peur qu’il s’écrase derrière le banc. Mais non, il aimait tellement ça, c’était vraiment en lui. Il est unique!

On peut dire que vous avez vécu de beaux moments dans le milieu du hockey!
Ç’a été de super belles années quand Michel était avec les Nordiques. Les enfants et moi, on a ensuite passé huit ans à Québec et on s’est vraiment attachés à la ville, aux gens. Et New York, c’était excitant, mais c’était difficile au début. Il faut réapprendre à peu près tout. Les enfants ne parlaient pas anglais, mais moi, je me débrouillais. Une chance que j’avais étudié deux ans dans une école anglaise, ça m’a servi toute ma vie. 

«Je pense à Guy et à Mike tout le temps»  

Photo : Archives Le Journal de Québec
Photo : Archives Le Journal de Québec


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Comme pour des millions de personnes au Québec, le décès de Guy Lafleur a profondément affecté Michel Bergeron, qui a d’abord été l’entraîneur-chef des Nordiques alors que Guy Lafleur brillait de tous ses feux avec les Canadiens. Il a eu l’occasion de diriger le Démon blond à New York, puis à Québec. «Je ne te mens pas, j’ai de la misère à dormir. Je m’éveille après deux heures de sommeil et je pense à Guy. Je pense à Mike (Bossy) aussi. Lors des funérailles de Guy, et aussi à celles de Mike, j’ai vu la tristesse de Lucie et celle de Lise, qui ont passé 50 ans avec leur mari et qui ont élevé leurs enfants. C’est admirable. Ça m’a marqué de voir la tristesse de ces deux femmes-là. Elles venaient de perdre leur homme, leur âme sœur, finalement.»

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Photo : Agence QMI
Photo : Agence QMI

Michel dit ne pas avoir été surpris de voir autant de gens touchés par le départ de Guy Lafleur. «Guy n’a jamais arrêté. C’était un battant, tout le monde le sait. Et comme Mike, il ne voulait pas arrêter de vivre», ajoute Michel.

L’analyste de hockey à TVA Sports a de bien précieux souvenirs de l’homme en mémoire. «Il avait une belle joie de vivre. Pour lui, il n’y avait jamais rien de grave.»

Le documentaire titré Bergie, réalisé par Félix St-Jacques, se décline en trois épisodes de 60 minutes, et est disponible sur la plateforme Vrai.

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