Ariane Moffatt se confie sur sa vie de famille et ses 20 ans de carrière

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Patrick Delisle-Crevier

2021-03-31T13:00:00Z

Ariane Moffatt lance Incarnat, son septième album. Un disque qui se veut plus intime et plus introspectif. On a donc pris le temps de discuter avec l’artiste de sa relation amoureuse avec Florence, de sa vie de maman auprès de ses garçons, Paul, Henri et Georges, du fait de vieillir dans ce métier et de ses projets, dont son rôle de professeure à Star Académie.

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Ariane, que peut-on dire de ce 7e album?
Celui-ci s’est pointé sans avertir, parce que je l’ai écrit au début de la pandémie, en même temps que le projet SOMMM. J’avais envie de revenir à l’essentiel, à la source. Au départ, ça devait être des chansons originales et complémentaires au spectacle solo piano-voix sur lequel je travaillais pour les 20 ans de mon premier album, Aquanaute, mais c’est devenu un disque à part entière.

Pourquoi le titre Incarnat?

Incarnat signifie «dans la chair». C’est un groupe de couleurs, une palette entre le rouge, le rose et l’intérieur de la chair. J’ai découvert ce mot par un concours de circonstances incroyable. Un soir, en revenant du chalet, j’ai été happée par la beauté renversante d’un coucher de soleil. Le lendemain, je lis sur l’incarnat dans un magazine de photographie, où j’ai compris ces couleurs-là. J’ai trouvé que le mot était beau. Ce disque est aussi intemporel; il n’est pas associé à une mode ou à un courant.

À l’écoute de ce disque, on remarque effectivement un retour à l’essentiel, autant dans la musique que dans les textes. Tu t’adresses à ta conjointe, Florence, à tes fils, à tes parents... Qu’est-ce qui t’a amenée vers ça?
C’est une bonne question. Je dirais: l’idée de la filiation, du rite de passage, de penser à mes parents et à ce qui découle de mon lien avec eux. On dirait que, au cours de la création de ce disque, il y a quelque chose qui s’est dessiné en moi, ma façon de voir ma place en tant que fille et maman à la fois, et cette transmission-là. La chanson Distance met un peu le doigt sur le lien qu’on a avec nos parents, ce qui m’a amenée à réfléchir à mon propre lien avec mes enfants. Il y a aussi une chanson pour Florence, la femme de ma vie, pour ce couple qui dure depuis 15 ans, cette histoire d’amour qui continue d’avoir de la sève, qui inspire et qui mène à de belles réflexions, et tout ça dans un parcours qui n’est jamais vraiment abouti. Florence et moi, on a une relation qui s’étale dans la longévité, avec ses zones de clairs-obscurs et beaucoup de points lumineux. Tout ça donne un album en quête de vérité, un peu comme si je me regardais dans le miroir à 41 ans pour faire le portrait de mon existence. 

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Justement, dans quel état d’esprit as-tu fait cet album?
C’est fou, mais c’est comme le yin et le yang, parce que dans la même période, je faisais le projet festif de SOMMM et je travaillais sur ce disque, qui est plus introspectif. J’avais besoin de vivre ces deux extrêmes en même temps et j’ai donc fait ces disques en parallèle. En pleine pandémie, j’avais besoin de ces moments à moi, seule en studio, à dessiner mon album. J’avais ce besoin aussi de contrebalancer l’effet pop et léger de SOMMM par quelque chose de plus intime. C’est un album de réconfort, un album intemporel. Ces chansons viennent aussi mettre un baume sur ce que nous vivons en ce moment.

Sur Incarnat, tu collabores avec l’auteure-compositrice-interprète Lou Doillon. Comment est née cette collaboration?
Ç’a été super fluide. Lou Doillon est une amoureuse du Québec et elle connaît bien Montréal. Elle est venue enregistrer dans le Mile-End et on a des amis en commun. Quand on a pris le téléphone pour se parler, c’était comme si on était des copines; on a tout de suite été à l’aise de travailler ensemble. J’ai vraiment aimé qu’elle participe au disque, parce que cette fille n’a pas besoin de notoriété; elle l’a fait pour le plaisir de la création. Elle est vraiment polyvalente et elle a un timbre de voix unique. Je me pinçais un peu en collaborant avec elle sur la pièce Jamais trop tard. (NDRL: Ensemble, les deux artistes reprennent la chanson Everybody’s Gotta Learn Sometime du groupe The Korgis, popularisée par Beck sur la bande sonore du film Eternal Sunshine of the Spotless Mind, le temps d’une adaptation en français.) J’ai voulu adapter cette chanson en français, car j’ai toujours adoré cette pièce. J’ai eu envie de la faire en duo, et j’ai alors pensé à Lou et à sa voix unique.

Tu célèbres cette année 15 ans de relation avec ta conjointe, Florence. Vous avez trois enfants ensemble. Est-ce la vie dont tu rêvais, plus jeune?
J’ai toujours voulu des enfants. Déjà très jeune, quand je gardais des enfants, je savais que j’en voulais. Me voilà avec trois fils, et ils sont ce que j’ai de plus précieux. Pour ce qui est d’une relation qui dure dans le temps, je souhaitais vivre ça. J’aspirais à une relation stable et continue. Pour moi, offrir à mes enfants la stabilité de deux parents qui s’aiment, c’est le défi ultime. Ce n’est pas si facile tout le temps, mais c’est un engagement, et ça augmente les chances que ça fonctionne quand les deux personnes en font une priorité. Pour moi, la famille a toujours été quelque chose d’important et ça donne un sens à ma vie. En même temps, le désir d’être parent est parfois paradoxal, parce que c’est beaucoup de travail. Par exemple, les cours de ski les fins de semaine, la course pour s’y rendre... Des fois, je chiale. Mais en même temps, je l’ai voulu, et globalement, le centre de tout ça reste plus grand et plus positif que les petits irritants du quotidien. 

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Tu as trois garçons. Es-tu celle qui se retrouve dans les arénas pour les entraînements de hockey?
Non, j’ai réussi à y échapper pour le moment, puisque nos garçons ne sont pas du tout intéressés par le hockey. Il y a un peu de soccer l’été, et je les ai inscrits à un camp de tennis, mais nos fils ne sont pas les plus grands sportifs de l’univers, à notre grand découragement.

Ont-ils un penchant pour la musique?
Oui, ils aiment bien ça, surtout Georges, le petit dernier, qui respire la musique. Je ne pensais pas rencontrer un jour quelqu’un de plus passionné que moi par la musique, et finalement c’est le cas de mon fils! On verra comment ça va évoluer, mais il est vraiment tombé dans la marmite. Il faut dire qu’enceinte de lui, j’ai tellement chanté et joué! J’ai même fait les Francofolies une semaine avant d’accoucher. Je pense que, quelque part, ça s’est rendu jusqu’à lui.

Es-tu la maman que tu pensais être?
Je n’ai même pas le temps de penser à ça tellement tout va trop vite. Mais je le vis, je le construis et je deviens mère en étant maman comme on devient artiste en pratiquant son métier. Je suis une maman en perpétuelle évolution et ce n’est jamais figé dans le temps. Chose certaine, ça me fait vivre un parcours humain plein de surprises. Parfois je ne suis pas fière de moi, parfois je le suis, et parfois je m’améliore. Mais je suis une mère comblée; être la maman d’Henri, de Paul et de Georges, c’est un rôle que j’aime beaucoup. Parfois, ils me mettent face à mes limites, mais ils me rendent fière, parce que grâce à eux, je travaille très fort pour être la meilleure version de moi-même. Je ne dis pas que j’y parviens toujours, mais j’évolue. 

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Dans le livret de ton album, tu parles d’ailleurs de tes parents, Marie et Jacques. Parle-moi d’eux.
Quand j’ai manifesté mon envie de faire de la musique, ils m’ont tout de suite encouragée, même s’ils ne proviennent pas d’un milieu artistique et que tout ça était de l’inconnu pour eux. Mes parents sont des pédagogues qui ont travaillé dans le milieu de l’éducation et ils m’ont encouragée à essayer la musique, même si c’était un métier un peu précaire. Mes parents ont toujours encouragé leurs trois enfants à être ce qu’ils avaient envie d’être et ça m’a donné des ailes de ne pas sentir de jugement négatif de leur part par rapport à mes choix. Je ne sais pas d’où m’est venue l’envie de faire de la musique, mais c’était fort en moi.

Est-ce que le fait d’avoir une famille t’a amenée à devoir faire des concessions face à ta carrière?

C’est certain que j’ai eu à trouver un juste milieu, un équilibre. Par exemple, j’ai eu à mettre ma carrière en France sur pause. Je ne veux pas non plus m’absenter plus que cinq jours quand je pars en tournée au Québec. Souvent, je préfère faire la route et rentrer dormir à la maison. Les nuits sont parfois courtes et c’est fatigant. Donc, oui, concilier la vie de maman et la vie de chanteuse, c’est parfois la totale pour moi. Mais j’appuie sur le frein de la carrière quand ça va trop vite. En même temps, je tente vraiment de trouver un équilibre entre la femme et l’artiste. J’ai commencé ma carrière jeune, bien avant d’avoir des enfants, alors je ne cours pas après le succès. J’ai un beau parcours et ça ne me dérange pas d’accorder la priorité à ma famille plutôt qu’à ma carrière. J’ai aussi le soutien de ma blonde, Florence, qui a également une carrière. Nous nous aidons toutes les deux dans tout ça.

Est-ce que ç’a tout de même été un deuil pour toi de mettre l’idée d’une carrière en France de côté?
Oui. Il y a eu des moments où je ne suis pas allée aussi loin que j’aurais voulu, mais je ne suis pas la seule artiste qui n’atteint pas les sommets espérés sur certains plans. Or je suis en paix avec ça et je me suis fixé des limites. Je n’ai plus envie de me rendre au bout du monde trop longtemps ou de faire des tournées qui n’en finissent plus. J’aurais effectivement voulu que ça décolle plus en France, et je compte bien retourner à Paris faire quelques spectacles un jour. Dans mon cœur, cette aventure avec la France n’est pas tout à fait terminée. 

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Malgré tout, as-tu la carrière dont tu rêvais?

Je pense que c’est plus grand et plus beau que ce que j’aurais pu imaginer. Il y a eu tellement de belles rencontres et de beaux projets en 20 ans! Je continue encore et encore d’apprendre, et c’est précieux. C’est un métier qui est imprévisible et on ne sait jamais quand ça va s’arrêter. Je suis chanceuse d’avoir un public qui s’intéresse à ce que je fais. L’an prochain, je vais célébrer les 20 ans de mon premier album solo, Aquanaute. C’est un gros chiffre pour moi.

Quel regard portes-tu sur cet album après deux décennies?
Je l’ai écouté dernièrement en me demandant ce que je pouvais faire avec ces chansons-là pour souligner cet anniversaire, et j’étais pleine de tendresse pour la jeune Ariane que j’étais, qui mettait ses tripes sur la table pour la première fois avec un mélange d’audace et d’innocence. D’ailleurs, ça me touche quand je travaille avec les Académiciens, car ils ont l’âge que j’avais quand j’ai fait mon premier album. Pour moi, cet album a été la clé pour entrer dans tout un univers et je trouve qu’il vieillit bien. J’en suis fière et j’aimerais le célébrer avec un beau projet l’an prochain.

Tu parles des Académiciens. Qu’est-ce qui t’a amenée à dire oui à un poste de professeure à Star Académie?
J’adore ça, parce que c’est quelque chose de bien réel pour moi. On m’a demandé d’enseigner la création musicale et c’est ce qui me passionne le plus dans la vie. Sincèrement, je trouve ça le fun, parce que j’ai le temps et le luxe de pouvoir développer des choses avec eux. Je sens qu’ils adorent ça et c’est un beau contact. C’est une cohorte de toutes les diversités; ces jeunes sont vraiment bons et humainement très riches. Je ne m’ennuie pas du tout.

Qu’est-ce que tu apprends sur toi à travers ce processus d’enseignement?

En préparant mes cours, je fouille beaucoup, et je réalise que j’apprends beaucoup moi aussi, à travers mes recherches mais aussi au contact des jeunes. Ça me garde active et ça me motive à rester à l’affût. On n’a jamais fini d’apprendre et d’en découvrir sur le contexte dans lequel on évolue. C’est très stimulant pour moi. 

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Tu as 41 ans. Comment vis-tu le fait de vieillir?

Je n’ai pas le temps d’avoir peur de vieillir dans ce métier-là. Je suis bien dans ce que je fais et je suis en paix avec l’idée que ça va peut-être arrêter un jour. Ce qui m’importe, c’est d’avoir encore des choses à dire et de mettre ce qu’il faut en place pour pouvoir m’exprimer. Si un jour ça ne se rend plus aux gens, je vais comprendre et je ne m’obstinerai pas.

Ta grande sœur Stéphanie est aussi un morceau important dans ta carrière. J’aimerais que tu me parles de cette complicité que vous avez.
Ma sœur et moi, on vit une belle histoire. Elle est ma gérante depuis mon deuxième album. Quand j’étais jeune et que je chantais du Tori Amos dans ma chambre, ma sœur était la première à inviter ses amis à venir m’entendre. Elle s’est rapidement intéressée à ma musique et le désir de me défendre était profond en elle. La confiance est là depuis le jour un. Nous sommes des sœurs, mais aussi des collègues d’affaires. Nous sommes toutes les deux sur la même longueur d’onde et j’ai besoin d’elle à fond. Nous deux, c’est une belle histoire...

Les salles de spectacle ouvrent le 26 mars, même en zone rouge. Peut-on s’attendre à te voir partir en tournée?
Oui, j’ai mon plan de match avec mon nouvel album. J’ai envie de faire une tournée piano-voix, plus en mode solo; c’était même prévu avant la pandémie de faire ce spectacle. J’ai juste envie de retrouver mes repères, de faire travailler des techniciens, et je trouve que c’est un beau clin d’œil que les salles ouvrent le jour de la sortie de mon album. J’aimerais commencer la tournée Incarnat l’automne prochain.

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Son nouvel album, Incarnat, sur lequel on retrouve le populaire extrait Beauté, sera disponible sur toutes les plateformes et en magasin le 26 mars.

Star Académie: Le Variété, dimanche 19 h, à TVA. Star Académie: La quotidienne, du lundi au jeudi 19 h 30, à TVA.

Le EP de Star Académie Les sessions de Waterloo est disponible sur toutes les plateformes.

En spectacle au théâtre Outremont les 28 et 29 octobre 2021. Pour toutes les autres dates de sa tournée à venir et ses autres projets: arianemoffatt.com.

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