Un album de Noël original pour Pierre Lapointe

Samuel Pradier

2020-11-28T16:44:56Z

Pierre Lapointe a profité de l’impossibilité de faire des spectacles durant l’été pour enregistrer Chansons hivernales. Comme toujours, les nouvelles chansons du génial auteur-compositeur-interprète ont un côté aigre-doux, car le temps des fêtes est synonyme de réjouissances, mais aussi de tristesse et de nostalgie.

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Il rêvait depuis 15 ans de faire un disque de Noël. Pierre Lapointe a enfin eu l’opportunité d’aller au bout de son intention. Mais pas question pour lui de reprendre de grands classiques que l’on entend trop souvent. «Il y a quelque chose qui m’énerve dans les projets de disques de Noël. C’est souvent du réchauffé pour faire de l’argent rapidement. Pour cet album, j’avais envie d’essayer de jouer avec les clichés sans tomber dedans. Il y avait un défi intéressant du point de vue de la direction artistique et de l’écriture. Je suis obsédé par l’idée d’écrire des chansons qui vont bien vieillir.» C’est au fil des ans que Pierre Lapointe a emmagasiné des textes de chansons pour un album du temps des fêtes. «Le thème de Noël était très restrictif, mais ces restrictions m’obligeaient à me stimuler encore plus l’imaginaire et à trouver de nouveaux moyens pour décrire ce moment particulier. Je voulais faire des chansons aigres-douces, car la période de Noël contient de beaux souvenirs, mais il y a aussi quelque chose d’un peu sombre là-dedans. C’est souvent une période où les absents se font encore plus sentir et où la solitude fait encore plus mal.»

DES SOUVENIRS AMBIVALENTS
Pierre Lapointe fait un constat assez sombre du temps des fêtes. «Personne n’a un rapport à Noël totalement sain. Souvent, on travaille comme des fous pour finir par tomber en vacances. Ensuite, on passe constamment d’un endroit à l’autre avec des obligations, pour voir des gens qu’on ne verrait pas nécessairement normalement. Il y a quelque chose d’épuisant là-dedans.» Il garde néanmoins de beaux souvenirs de ses Noëls d’enfance. «Je viens du Lac-Saint-Jean, et j’ai vécu les partys de Noël avec 20 mononcles et matantes et une multitude de cousins, autant du côté de mon père que de celui de ma mère. J’ai aussi des souvenirs extraordinaires avec mes grands-parents. Il y a quelque chose de très beau, mais au fur et à mesure que j’ai grandi, j’ai aussi vu les rencontres forcées, les vieilles querelles de famille qui remontaient... Noël, c’est à la foi obligatoire, volontaire et merveilleux comme période.» 

DES CHANSONS IMPORTANTES
L’ambiance musicale est très hétéroclite sur Chansons hivernales, un choix délibéré. «Je ne voulais pas que ce soit un album complaisant, et c’est représentatif de cette période qui nous met dans des ambiances très différentes. J’espère qu’il y aura au moins une ou deux chansons qui deviendront de nouveaux classiques de Noël. Pour arriver à ça, il fallait que j’explore différentes pistes. Le fait de partir dans tous les sens multiplie les chances d’y arriver.» Parmi les chansons qui ont accroché notre oreille, il y a Chaque année, on y revient, qui ouvre les festivités. «C’était pour nous la chanson qui décrit le mieux cet album et mon rapport à Noël. On comprend bien toute la genèse de ce projet avec cette chanson, dont la musique est signée par Julyan (Julien Chiasson de son vrai nom), qui est le frère d’Hubert Lenoir. On en a fait deux ensemble. C’est un des premiers à qui j’avais parlé de mon envie de faire ce disque.»

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DES PEINES D’AMOUR DIFFICILES
Comme tout est exacerbé durant cette période de fin d’année, les ruptures et les peines d’amour sont encore plus tragiques, comme Pierre Lapointe le décrit dans L’oiseau rare. «Quand le Nouvel An arrive, c’est le temps des bilans. Cette chanson n’est pas rattachée à une histoire précise qui m’est arrivée. Quand j’étais triste dans le temps des fêtes, je me disais que le Premier de l’an, je passerais à autre chose. Ça marchait à moitié. Mais quand on est en peine d’amour et qu’on écoute de la musique, les chansons sont encore meilleures, le son est plus percutant, les violons nous font encore plus pleurer que d’habitude. Le vide est plus grand et plus compliqué dans le temps des fêtes.»

Noël perdu dans Paris est aussi le récit d’une peine d’amour vécue dans la capitale française. «J’ai en effet déjà vécu des peines d’amour à Paris, mais pas forcément à Noël. Je me souviens d’un temps des fêtes à Paris durant lequel j’avais énormément marché à travers la ville, mais j’étais plutôt heureux. J’étais accompagné d’amis qui ne connaissaient pas bien Paris, et j’avais joué au guide touristique avec eux. Après leur départ, j’ai passé une dizaine de jours tout seul et j’ai vu la ville autrement. Vivre une peine d’amour, c’est chiant, mais la vivre à Paris, c’est merveilleux!»

Ce magnifique album se termine avec Maman, Papa, une chanson piano-voix remplie de tendresse. «J’ai entendu plein d’histoires de coming out qui se sont mal passés. Souvent, j’avais envie de prendre le téléphone ou d’aller cogner à la porte des parents de mes amis pour leur demander c’était quoi leur problème. Je trouve extrêmement triste de voir des gens brillants, beaux, généreux et doux qui finissent par se faire rejeter sous un prétexte aussi futile que l’orientation sexuelle. Au lieu d’aller cogner aux portes, j’ai écrit cette chanson.»

UN AVENIR INCERTAIN

Pierre Lapointe attend le début de 2021 avec l’espoir de pouvoir remonter sur scène pour poursuivre sa tournée Pour déjouer l’ennui. «Il y a une nouvelle forme de concert qui va probablement naître, parce que la formule qu’on avait mise sur pied et qu’on a présentée à L’Usine C, en février dernier, est très compliquée. On va avoir un plan de rechange. L’option de faire une tournée piano-voix n’est pas impossible. Ce qui est cool avec cette formule, c’est que ça vieillit bien. Ça pourrait être ça, mais je suis pour l’instant devant une espèce de flou.» Loin de se résigner à l’immobilisme, l’artiste regarde surtout en avant. «Ce qui me sauve, c’est que je fais d’autres projets en dehors de la scène, que ce soit de la musique de films ou autres. Je m’en sors bien, mais je suis plus inquiet pour mes collègues qui ne font que de la scène ou pour mes collègues techniciens. Je connais plein de gens qui me disent qu’ils vont retourner à l’école pour changer de métier. Ils le font à contrecœur, mais il faut bien qu’ils gagnent leur vie. Ce n’est pas joyeux du tout.»

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