Sœur Angèle admet avoir vaincu la covid seule, chez elle, dans le plus grand des secrets

Photo : Sebastien St-Jean / Les

Michèle Lemieux

2021-05-15T17:36:15Z

Plus tôt cette année, sœur Angèle a contracté la covid-19, une maladie qu’elle a traversée avec la résilience qu’on lui connaît. Confinée seule dans sa maison, la religieuse passe ses journées au téléphone pour encourager ceux qui en ont besoin. Une mission qu’elle s’est donnée et qui lui permet de faire œuvre utile...

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Sœur Angèle, vous qui avez toujours quelque chose à faire, comment occupez-vous votre temps en cette période de pandémie?
Je fais du ménage, et ça me permet de faire de belles découvertes. J’ai vidé des tiroirs et découvert des choses que j’avais oubliées... (rires) J’ai revu plein d’événements de ma vie, des hommages que j’ai reçus. Ça m’a permis de réaliser ce que j’avais fait. J’ai vécu des moments incroyables. Je n’en revenais pas! À Monaco, par exemple, j’ai reçu le Trèfle d’or et été nommée Ambassadrice pour le Québec de la Ligue mondiale pour le droit au bonheur (en 2018)! Le bonheur, il faut le semer. Il ne coûte rien, alors j’en donne. Et quand on en donne, il grandit dans notre cœur.

À travers la pandémie, avez-vous réussi à donner du bonheur dans la vie des gens?
Oui, et je l’ai fait au téléphone. J’ai même donné des cours de cuisine! Un homme voulait préparer une tarte pour faire plaisir à sa bien-aimée. Ses trois recettes de pâte à tarte prises sur Internet n’avaient pas marché, alors il m’a appelée. Je lui ai fait sortir ses ingrédients en lui parlant au téléphone et lui ai donné la recette de pâte à tarte infaillible de sœur Angèle. On sème la joie avec un rien! Ces petits gestes m’apportent du bonheur parce que je sens que je suis encore utile. J’ai toujours voulu l’être.
Vous avez, semble-t-il, eu la covid. Avez-vous bien récupéré?
Les sœurs sont allées à l’hôpital... Le médecin m’a appelée pour savoir si je faisais de la fièvre. J’étais seule dans ma maison. J’avais mal à la tête, je me sentais étourdie, et rien ne goûtait bon. Je lui ai demandé ce qu’on donnait aux religieuses pour qu’elles aillent mieux, et il m’a répondu qu’on leur administrait des Tylenol. Je lui ai dit que j’étais capable d’en prendre seule, ici. Je me suis organisée. J’ai pris mes Tylenol, je me suis fait un bon bouillon de poulet et je m’en suis sortie seule. Je ne l’ai dit à personne.
Comment se fait-il que vous vous en soyez sortie ainsi?
Je vais te dire un secret : je pense que mon mari ne veut pas que ça se termine tout de suite... Je ne voyais pas le danger. Je faisais ce qu’on m’avait demandé de faire et je savais que j’allais m’en sortir. Ce n’était pas l’heure... Je me suis dit que si je mourais, de toute façon, je n’allais mourir qu’une fois. Je suis drôlement faite. Je vis d’espérance. J’ai appelé des gens qui n’étaient pas bien, je prenais des nouvelles des sœurs qui étaient malades. Je ne disais pas que je l’étais aussi : j’encourageais les gens en leur disant qu’ils allaient s’en sortir; un jour à la fois.
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Vous avez quand même une bonne santé pour être passée au travers...
Quand tout a été fini, je me suis dit que j’étais aussi passée au travers d’un cancer du côlon... J’ai une force intérieure. C’est peut-être la foi. La foi est pour moi quelque chose de tellement profond... Quand tu donnes aux autres, tu t’oublies toi-même. Entre-temps, j’ai reçu mon vaccin et j’encourage les gens à le prendre pour se protéger.

Puisque vous vivez seule dans votre maison, vous arrive-t-il de souffrir de solitude?
Pas du tout. Je parle à mon mari, je parle aux gens. Je n’ai jamais autant prié pour les gens. J’écoute la messe tous les jours. Je dis mon chapelet, je fais mes lectures. J’ai des anges gardiens. Ils savent que je n’ai pas d’auto et, comme il faut que je me nourrisse, ils me laissent des choses sur ma galerie. J’ai été gâtée. Alors je fais des biscuits pour les offrir. Je suis occupée comme ça ne se peut pas, à faire des biscuits! Je fais des boîtes complètes et quand les gens m’apportent quelque chose, je leur en offre une. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer...

Cuisinez-vous toujours beaucoup, outre faire vos biscuits?
Oui, je prépare mes repas. Je me cuisine des crèmes, du pain. J’ai du temps, mais je m’occupe. J’ai des amis qui me font parvenir le programme de Rome par Internet : les conférences du pape, que je suis en italien. Des amis italiens m’ont envoyé le paysage de chez nous, la Vénétie. J’ai tout visionné. Ce que je ne pouvais pas faire avant, je le fais actuellement. Je donne des conférences par Skype. La joie, c’est nous qui la faisons.

Comment passez-vous au travers des moments difficiles?
Je prends un livre, je tourne une page au hasard et je lis. Je trouve un grand apaisement dans mes lectures. C’est un temps de réflexion. Il faut croire en nous et aimer davantage nos enfants, nos ados qui souffrent beaucoup, de même que nos aînés qui ont bâti le Québec. Ce sont eux qui ont payé la note. Ça me fait bien des choses à penser et bien du monde pour qui prier... Je termine mes conversations au téléphone en disant aux gens que je vais prier pour qu’ils aient le courage de passer au travers.

À 82 ans, avoir une vie aussi remplie, c’est quand même exceptionnel...
Il y a 65 ans, je me suis donnée au Québec. Ça fait 63 ans que je suis dans une communauté. Pourquoi le Seigneur est-il venu me chercher à Venise pour que je me ramasse ici, dans une communauté québécoise et non italienne? Quand on y pense, c’est quelque chose! Jean XXIII, qui était patriarche de Venise à l’époque, m’avait dit : «Ma petite fille, le Québec sera ta mission...» J’ai traversé l’Atlantique toute seule, à 17 ans. Parfois, je me demande comment j’ai pu faire ça... 

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