Lorraine Pintal fait des révélations troublantes dans un récit à saveur autobiographique

Photo : Sébastien Sauvage

Michèle Lemieux

2021-10-17T21:10:11Z

Dans le but de relever un défi qui lui avait été lancé, Lorraine Pintal s’est mise à l’écriture de Pourquoi les larmes ont-elles le goût salé de la mère?, un récit romanesque à saveur autobiographique. À travers la maladie mentale de la mère et l’indifférence du père, on suit le parcours de cette jeune fille en saine rébellion contre son milieu, qui parviendra à dépasser son propre rêve...

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Madame Pintal, on peut dire que c'est une belle saison de théâtre qui vient de débuter au TNM...
Oui, nous avons de belles créations au programme. On a déjà des supplémentaires pour Embrasse, de Michel Marc Bouchard. Suivra Les Reines, de Normand Chaurette.

Vous avez lancé un récit à saveur autobiographique. Quel a été le point de départ de cet exercice?
Ce n’est pas venu d’un désir personnel. C’est Danielle Laurin, de Québec Amérique, qui m’a proposé d’écrire pour la collection III. Quand j’ai su que je pouvais intégrer de la fiction à mes trois souvenirs personnels, j’ai accepté. Il faudra démêler le vrai du faux! J’aime écrire, je ne pouvais pas refuser. Mes parents étant décédés, j’ai choisi de relater un souvenir en lien avec chacun d’eux et un qui me concerne. Je ne suis pas fille unique, mais je voulais évoquer ce triangle assez marquant.

Qu’avez-vous ressenti en replongeant dans ces souvenirs?
Comme une grande partie est réelle, ç’a été une véritable thérapie, malgré des passages encore douloureux pour ma famille et moi, notamment la maladie mentale de ma mère. Elle a fait des dépressions à répétition. Ça marque, quand même! J’étais jeune adolescente, j’avais un père absent. Je tentais de me faufiler pour rêver de théâtre. J’ai revisité des événements qui m’ont fait mieux comprendre d’où je viens et de quelle façon j’ai évolué. Je me suis souvenu de ma nature rebelle au secondaire et comment je me suis retrouvée à la tête d’un théâtre après tout un parcours. Ça demandait de l’entêtement. Je remercie mes parents, car c’est probablement grâce à eux que j’ai réussi à développer cette volonté. 

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Vivre auprès d’une mère dépressive a ponctué votre jeunesse de moments difficiles. Diriez-vous que cela vous a aussi donné des forces?
Oui. Ses descentes en enfer, c’était vraiment douloureux pour elle, mais elle pouvait être une quinzaine d’années sans faire de dépression. Ma mère était pleine de joie de vivre! On dit de moi que je suis dynamique, mais elle était Madame 100 000 volts! Au fond, elle voulait sortir du carcan d’épouse et de mère. Elle avait des rêves, elle voulait être chanteuse. 

Comme plusieurs femmes à l’époque, elle a vécu une vie de renoncements?
Oui, et c’est triste. Ma mère n’était pas née à la bonne époque... Elle était ma plus grande fan. Quand nos parents nous aiment, ils nous aiment! Elle m’a donné l’envie de réaliser mes rêves. Elle avait une confiance absolue en mon talent, plus que moi. J’ai forgé mon caractère grâce à elle. Elle était un modèle pour moi. Elle était fantastique! Nous avons beaucoup voyagé ensemble, avec ma fille aussi. Nous avions beaucoup de plaisir. Mais quand nous revenions, je voyais que l’atmosphère à la maison ne lui convenait pas... Avec le recul, je suis arrivée à comprendre mon père avant qu’il ne décède.      

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Photo : Sébastien Sauvage
Photo : Sébastien Sauvage

Pour être en paix avec notre passé, pensez-vous qu’on doive pardonner?
Il le faut. À ma mère, j’ai tout dit ce que j’avais à lui dire au fil des ans. C’est à partir de son décès que j’ai décidé de faire la paix avec mon père. C’est arrivé un peu sur le tard. Il était malade quand nous avons réussi à nous parler un peu. Il savait aussi être attentif, notamment quand nous étions malades. C’est lui qui faisait la garde-malade. Pauvres pères, pauvres hommes de cette époque! Ils ont été élevés à la dure! C’était une époque religieuse, d’ignorance et de grande noirceur. Il y a eu une belle évolution. Ma fille, qui a 37 ans, a une vie très différente. Maude travaille en design architectural. Son conjoint est architecte. Ils ont trouvé leur bonheur. Je suis heureuse, car je l’ai élevée seule, ou presque. J’ai été à la tête d’une famille monoparentale des années durant. C’est une fierté.

Vous relatez sa naissance et ce moment où votre père se penche sur elle avec tendresse. Croyez-vous qu’il a témoigné à votre fille ce qu’il a été incapable de vous exprimer?
Oui, il l’a fait avec tous ses petits-enfants. Il était plus libre avec eux. Il n’avait pas le poids de l’éducation. J’ai filmé plusieurs de ces moments. J’espère en faire quelque chose un jour... J’ai revu entre autres ma fille se lançant dans les bras de mon père, et lui la prenant dans ses bras pour l’embrasser, ce qu’il n’avait jamais fait avec nous. C’était très émouvant. Il avait de l’amour pour nous, mais ne savait pas l’exprimer. Je ne veux pas pleurer sur notre sort parce que nous avons eu tant de bons moments...

Avez-vous eu envie de prouver à votre père de quoi vous étiez capable?
Oui. Ç’a été un moteur pour moi. Mon père dirigeait une coopérative agricole. Je suis devenue directrice d’un théâtre. Nos discussions tournaient beaucoup autour du travail, de la gestion, des budgets. C’était un cartésien. Je voulais que mon père soit fier. La grande blessure, c’est qu’il n’aimait pas vraiment le théâtre. Il venait me voir, mais ce n’était pas sa passion. C’était un excellent directeur qui m’a donné, de par sa proximité avec les gens, le respect de tous ceux avec qui je travaille. J’ai hérité ça de lui.    

 

Pour découvrir la programmation du TNM: tnm.com.
Son livre, publié chez Québec Amérique, est en vente.

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