J'ai perdu ma job et demain m’angoisse au plus haut point

«Je n’ai jamais envisagé perdre mon emploi. Ni être au chômage. Ni que l’argent arrête de rentrer au poste. J’ai 32 ans, je suis invincible, en santé, rien ne peut m’arriver. Ouin non. Dur retour à la réalité.»

Crédit photo : Naomi August sur Unsplash

Merlin Pinpin

2020-03-17T17:30:00Z
2023-10-12T23:09:01.657Z

Collaboration spéciale : La chroniqueuse et rédactrice Merlin Pinpin (nom de plume évidemment) raconte une dure réalité que plusieurs jeunes vivront ou vivent déjà comme elle.

Legault déclarait l’état d’urgence sanitaire. Ça m’a pas stressé. Je suis rentrée à mon shift du vendredi au resto avec désinvolture. On va se laver les mains, faire attention. On y pensera demain. C’est encore loin. 

Pis demain est arrivé. Le téléphone dérougissait pas. Chaque client au bout du fil annulait sa réservation. Aucun client. Un restaurant vide. Legault dit de limiter la capacité d’accueil de 50%. Ce qui est une joke en soi quand ton restaurant a plus de staff que de clients. Un lundi soir de tempête de verglas, mais tout le temps.

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Là, j’ai compris que c’était plus vraiment si loin. 48h. 48h et tout s’écroule. On propose du chômage volontaire, on a pas la capacité de faire travailler tout le monde. Et puis, tout ferme. Volontaire ou pas, chômage ce sera. 

Je n’ai jamais envisagé perdre mon emploi. Ni être au chômage. Ni que l’argent arrête de rentrer au poste. J’ai 32 ans, je suis invincible, en santé, rien ne peut m’arriver. Ouin non. Dur retour à la réalité. 

J’ai pas d’assurances et pas des millions de côté. J’ai du papier de toilette par contre, ce qui semble être la préoccupation première. Alors que moi je me demande, combien de temps ça va durer. Parce que 55% de mon salaire, ça ne paye pas tous mes bills. J’aurais peut-être pas dû loader ma Visa pour essayer tous les bons restos qui ont ouvert dans la dernière année. Ces soupers à 200$ dont je voulais conserver le goût sur le bout de ma langue pour l’éternité ont une saveur de mauvaise décision aujourd’hui. 

Demain est arrivé trop vite. On m’a toujours dit de pas stresser avec l’argent. Que j’allais toujours en faire. J’ai littéralement vécu dans ma petite banque cochonnet rose nanane. Dans mon beau petit monde insouciant où je ne crois pas au prince charmant, mais à la limite de crédit infinie. Voyages, vins oranges, guenilles Zara, meubles Wayfair trop cher, fruits de mer, rien de trop beau pour la classe ouvrière.  

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Ma situation actuelle me ramène les pieds sur terre. J’suis pas préparée pour ça. J’ai pas les moyens financiers d’une crise qui perdure. J’ai même pas les moyens financiers d’une crise qui perdure pas. J’suis littéralement à quatre paies d’élaborer un plan d’urgence quant à l’avenir. J’ai un mois de survie financière devant moi. 

J’ai fermé le chauffage, mis des bas de laine pis une tuque. J’ai dit au chat qu’il allait écoper lui aussi, finit les p’tites bouchées de saumon fumé. J’ai évalué le contenu du garde-manger. J’ai dit à la comptable d’attendre la date limite avant d’envoyer mes impôts, je veux pas faire face à tout ça. C’est trop pour moi. 

Demain m’angoisse au plus haut point. 

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