Michel Jean remporte un important prix littéraire

Groupe TVA

Nicolas Fauteux

2021-01-04T21:10:55Z

Le journaliste de TVA Michel Jean, d’origine innue, est aussi un auteur prolifique pour qui l’histoire de son peuple et des épreuves que celui-ci a traversées à travers les deux derniers siècles est un sujet important. En novembre, il a remporté le prestigieux Prix littéraire France- Québec — qui souligne l’excellence d’œuvres québécoises diffusées dans l’Hexagone — pour son roman Kukum. Un honneur qui montre, au grand plaisir de celui qui le signe, une ouverture envers les Autochtones.

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Monsieur Jean, que signifie pour vous le fait d'avoir remporté le Prix littéraire France-Québec?
J’ai vu ça un peu comme un cadeau. J’écris depuis longtemps (il a publié une dizaine de livres depuis 2007), mais je n’avais été nommé pour aucun prix... et voilà que ça vient de la France. C’est d’autant plus flatteur que les gens ne me connaissent pas là-bas. Ils ne savent pas que je suis un journaliste ou qu’on peut me voir à la télé. Pour eux, je suis un parfait inconnu. Par ailleurs, c’est parfait parce que ça veut dire qu’ils ont été touchés uniquement par le texte, par ce que je raconte sur les Innus et les Autochtones. 

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Comment avez-vous appris la nouvelle de cette récompense?
Je savais déjà, par mon éditrice, que j’étais nommé, mais il fallait attendre, bien sûr, la sélection finale qui s’est faite quelques mois plus tard. J’ai gagné par un vote de 10 contre 3. Quand je l’ai appris, j’ai pleuré. J’étais submergé par l’émotion. Ce jour-là, quand je suis entré dans la salle de nouvelles, j’ai été applaudi par tous mes collègues, dont Pierre Bruneau. J’ai ressenti une belle vague d’amitié.      

Quelles sont les autres réactions à travers le Québec?
La réaction est extraordinaire et les librairies sont parfois en rupture de stock. J’ai l’impression qu’il y a une nouvelle ouverture envers les Autochtones et les difficultés qu’ils ont traversées, et il y a un intérêt certain pour les histoires d’Autochtones racontées par ceux-ci. 

Et qu’en est-il du public en France?
Je vois la même curiosité en France et ailleurs en Europe — mon roman sera d’ailleurs bientôt publié en allemand. Et ce n’est pas un intérêt folklorique. Là-bas, ils sont très concernés par l’autodétermination des peuples, sur ce que font les Trudeau et Legault avec les Premières Nations. Il y a aussi, comme en Amazonie, toute la question des coupes à blanc de la forêt boréale. Bon, c’est sûr que les Européens ne sont pas blancs comme neige non plus, mais le monde nous regarde.

Le prix que vous avez remporté vient avec une tournée en France. Quand devrait-elle se faire?
C’est sûr que les restrictions liées à la pandémie peuvent jouer, mais ce devrait être en mai avec le Salon du livre de Paris, puis il y aura une visite de diverses librairies à travers le pays pendant l’été.      

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Sur une note plus légère, le prix comportait aussi une bourse de 5000 euros. Qu’allez-vous faire avec cet argent?

(Rires) 5000 euros, c’est à peu près 7500 $, ce n’est pas le gros lot de la 6/49! En fait, c’est ce qui va me servir à financer mon aventure en Europe dans quelques mois. 

Vous avez constaté, à travers votre carrière, un certain manque d’intérêt des médias envers les problèmes des Autochtones. Voyez-vous du changement?
Oui, ça change, et à ce sujet, l’année 2020 a été riche en rebondissements. On n’a qu’à penser à la mort tragique de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette sous les insultes racistes. Il y a du souci et de l’intérêt parce que, honnêtement, ça n’a pas de bon sang. Les Québécois sont de bonnes personnes et il y a une volonté de comprendre. C’est très encourageant. On peut dire que c’est le cadeau que Joyce a fait au Québec. 

Un rapprochement entre nous est-il vraiment possible, si on considère le marasme de nos relations et la méfiance?
Une réconciliation entre les Autochtones et les Québécois, oui, ça va se faire. Il faudrait juste qu’un jour le Canada et le Québec signent des ententes sur les vastes territoires que les Premières Nations n’ont en fait jamais cédés. Il faut que leurs droits soient reconnus et respectés.

Est-il possible pour un non-Autochtone de découvrir l’expérience des bois et de la nature sauvage à la manière des Premières Nations et avec leurs membres?
Il y a des endroits tellement merveilleux à découvrir — je pense entre autres aux monts Torngat —, et c’est en fait une industrie qui est en train de se développer. Déjà, la nation Mushau-Nipi — qui est située au 56e parallèle au bord de la rivière Saint-George — offre des forfaits pour faire vivre l’expérience autochtone. Évidemment, ça coûte assez cher — environ 5000 $ par personne —, mais les prix vont sûrement baisser au fur et à mesure que l’offre va augmenter.     

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Kukum, qui signifie grand-mère en innu, est l’histoire romancée de votre arrière-grand-mère Almanda.
Oui, je l’ai un peu connue, et c’était comme un personnage mythique dans la famille, mais son histoire, même romancée, me permettait de raconter comment les Autochtones ont cessé d’aller dans le bois. De fait, il y avait plusieurs théories sur les origines d’Almanda. Par exemple, qu’elle était une orpheline. Dans le livre, j’écris ce que m’a dit ma mère sur elle. Je la présente comme une Blanche de 15 ans qui s’éprend d’un Innu de 18 ans durant la colonisation du Saguenay. Il ne parlait pas français, et elle l’innu, et ils ont vécu ensemble la vie traditionnelle dans la forêt. Elle a été adoptée par la communauté, elle a appris la langue et s’est adaptée à la culture. Cette histoire, c’est aussi celle de la communauté innue, du comment et du pourquoi le mode de vie nomade s’est arrêté, et quelles en ont été les conséquences. Ça s’étale sur à peu près une centaine d’années.

Le roman de Michel Jean, Kukum, publié aux éditions Libre Expression, est offert en magasin et en ligne.


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