André Ducharme revient sur le décès de son père

Photo : Bruno Petrozza

Michèle Lemieux

2020-12-08T14:00:00Z

Le deuil d’un parent est toujours douloureux, mais en temps de pandémie, les consignes imposées rendent l’étape encore plus difficile. André Ducharme a perdu son père, hospitalisé, en octobre dernier et il a dû se résoudre à le laisser partir sans pouvoir le visiter. L’humoriste et scénariste partage cette douloureuse réalité et rend hommage à cet être cher.

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André, vous avez vécu une année chargée sur le plan personnel...

Mes parents ont été très malades durant la dernière année, et je me suis occupé d'eux. Ils ont vendu leur maison et sont entrés en résidence. C'est ma soeur et qui avons géré ça. Et mon père est décédé en octobre dernier, à 93 ans.     

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Vous attendiez-vous à son décès?
Oui, il avait été hospitalisé d’urgence il y a un an. Quatre jours après sa sortie de l’établissement, c’est ma mère qui était entrée à l'hôpital. C'est là qu'ils ont décidé de vendre la maison. J'étais donc préparé à son départ. Je savais que sa santé était fragile et que cela allait finir par arriver. Mon père et moi ne vivions pas nécessairement sur la même planète. Lui était un travailleur manuel très cartésien. Quand, en 1978, je lui ai annoncé que je voulais faire de l’humour pour gagner ma vie, disons que ça n’a pas été perçu comme l’idée du siècle...

Ça peut sembler insécurisant pour un parent...
En effet. Nous avons eu beaucoup d’affrontements à ce sujet, mais fort heureusement, ça s’est réglé avec le temps parce que j’ai un peu réussi... (sourire) La dernière fois que j’ai vu mon père, c’était à la résidence avec ma mère. Elle m’a raconté que le souper était servi à 16 h 30, ce qui est vraiment tôt. J’ai suggéré de demander que le souper soit déplacé à 18 h, mais elle m’a dit que ce n’était pas possible parce que mon père regardait Un souper presque parfait... Il ne me l’avait jamais dit. C’est tellement représentatif de cette génération...

À votre avis, quel héritage vous laisse-t-il?
J’ai hérité de lui le souci du travail bien fait, la fierté d’obtenir un résultat qui soit le meilleur possible. Chaque génération de parents fait ses gaffes. Souvent, on élève nos enfants en réaction à notre propre éducation... et on fait d’autres gaffes. J’imagine que lorsque mes deux fils jasent entre eux, ils se disent des choses dont je ne me doute même pas, et c’est très bien ainsi. Nous ne sommes ni meilleurs ni pires que nos parents.

Comment votre maman traverse-t-elle cette période?
À 87 ans, elle nous étonne. Elle va bien. Il semblerait que ce soit un phénomène courant: quand l’un des deux membres du couple décède, l’autre connaît un regain d’autonomie. Mes parents étaient ensemble depuis plus de 60 ans. Il y a tout à la fois une perte et une prise de conscience qu’il faut s’occuper de soi. Je vois ma mère beaucoup plus qu’avant, car je dois compenser ce que mon père faisait. À partir du moment où il est décédé, ma sœur et moi avons obtenu un statut de proches aidants. Je ne pouvais pas aller voir mon père et ma mère, mais comme elle est maintenant seule, je suis autorisé à la visiter. 

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Vous n’avez donc pas eu accès à votre père lors de ses trois dernières semaines de vie?
Non, car nous étions au début de la deuxième vague. Très rapidement, les résidences ont pris des mesures pour limiter les visites. Il fallait être proches aidants, ce que nous n’étions pas, ma sœur et moi. Lorsque mon père est entré à l’urgence, nous ne pouvions donc pas l’accompagner. Le lendemain, j’ai reçu un appel du médecin qui me disait de venir au chevet de mon père le plus rapidement possible. Je savais ce que cela voulait dire: mon père était décédé. 

Il est donc décédé seul?
Il est mort accompagné du personnel, loin de sa famille. J’ai écrit un mot sur Facebook à cet effet. À cette période, il y avait beaucoup de manifestations contre le port du masque. Je voyais la conséquence de cette insouciance. Mon père avait vu ses rendez-vous médicaux reportés et il est mort seul, alors qu’on ne vienne pas me dire que le virus n’existe pas! J’ai écrit textuellement: «Alors les coucous qui prétendent que le virus et la deuxième vague n’existent pas, Jean-Louis vous envoie chier.»

Vous avez eu beaucoup de réactions...
Des milliers de commentaires. Beaucoup de gens du milieu hospitaliser m’ont écrit à ce sujet. Les gens m’arrêtent encore pour m’en parler. Je ne sais pas ce que mon père a vécu, mais peut-être avait-il peur... Il était seul. Même si une infirmière bien gentille l’a accompagné, ce n’est pas ce qu’il souhaitait. En publiant mon mot, je me suis dit qu’au moins, mon père n’était pas mort pour rien... J’ai pris la parole pour quelqu’un qui ne parlait pas beaucoup...

Par ailleurs, vous avez décidé de mettre un terme à votre collaboration à l’émission Un souper presque parfait. Qu’est-ce qui motive votre décision?
J’ai fait plusieurs réflexions récemment avec ce que j’ai vécu. Après 11 ans, je ne pars pas parce que je ne m’amuse plus à faire cette série, mais c’est un investissement de temps très important. Je suis producteur au contenu, auteur des textes et je fais les narrations. Avec la covid, on en est à faire une rétrospective des meilleurs moments. Ç’a été un bilan pour moi. Au fur et à mesure que j’avançais dans ce projet, j’ai réalisé que c’était la meilleure façon de terminer. En raison des circonstances, on ne sait pas quand on pourra tourner une autre saison. Il était temps de prendre cette décision.

Quel sera le prochain mandat?
Je l’ignore, mais je compose bien avec ça. Je suis quand même script-éditeur à Tout le monde en parle... Avec le temps, j’ai appris que ce qu’on m’offre est en général plus intéressant que ce que je pourrais développer. Un souper presque parfait en est un exemple et, au final, ç’a été l’un des plus importants projets de ma carrière avec RBO. Ça se pourrait que je ne travaille plus 12 mois par année, et que j’aie plus de temps pour faire du vélo et jouer au golf!

André Ducharme anime pour une dernière fois Un souper presque parfait, en semaine à 18 h, à Noovo.

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